Intervention de François Zocchetto

Réunion du 25 octobre 2005 à 16h00
Traitement de la récidive des infractions pénales — Discussion d'une proposition de loi en deuxième lecture

Photo de François ZocchettoFrançois Zocchetto, rapporteur :

Le doublement de la peine semble donc préférable à un calcul complexe d'anticipation des crédits de réduction de peine, selon que le condamné est récidiviste ou non.

Enfin, la commission des lois souhaite compléter -comme nous l'avons déjà fait en première lecture - la proposition de loi en procédant à quelques améliorations de la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité du 9 mars 2004, dite loi « Perben II », en introduisant des mesures qui intéressent les avocats et les droits de la défense. Il s'agit d'ajuster l'article 434-7-2 du code pénal - qui a, ces derniers temps, fait couler beaucoup d'encre -, en encadrant plus rigoureusement l'incrimination de divulgation d'une information durant une instruction, notamment par un avocat, ainsi que le dispositif relatif aux perquisitions et aux écoutes téléphoniques dans les cabinets d'avocats.

Cinquièmement, je crois utile de m'attarder quelque peu sur la question de la rétroactivité. En effet, dans le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, le bracelet électronique mobile est qualifié de « mesure de sûreté ». Faut-il pour autant en conclure que, à la différence d'une sanction pénale, cette mesure pourrait s'appliquer immédiatement aux personnes condamnées avant l'entrée en vigueur de la loi ? Il n'y a pas de réponse simple à cette question.

Dans sa jurisprudence, le Conseil constitutionnel avait établi que le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère valait non seulement pour l'incrimination ou la peine, mais aussi pour « toute sanction ayant le caractère d'une punition ». Il avait ainsi été conduit à censurer, en 1986, la possibilité d'une application rétroactive des périodes de sûreté. En conséquence, la qualification du bracelet mobile comme « mesure de sûreté » n'emporte pas ipso facto, selon nous, la possibilité d'une application rétroactive.

Nous devons nous interroger sur le caractère punitif de cette mesure et, pour cela, l'analyser au travers d'un faisceau d'indices tenant plus particulièrement compte de la gravité de la contrainte exercée et de ses modalités d'application.

Ces critères font apparaître que, dans le cadre du suivi socio-judiciaire, le placement sous surveillance électronique mobile présente bien le caractère d'une peine. En effet, ce dispositif serait susceptible de s'appliquer après l'exécution de la condamnation, pour une période pouvant aller jusqu'à dix ans en matière criminelle. Dans cette hypothèse, l'application rétroactive du bracelet électronique mobile semble donc devoir être écartée. La proposition de loi ne l'envisage d'ailleurs pas. Il n'y a donc pas lieu de s'étendre sur ce point.

En revanche, dans le cadre de la surveillance judiciaire, le placement sous surveillance électronique mobile pourrait être immédiatement mis en oeuvre pour les personnes condamnées avant l'entrée en vigueur de la loi, et l'article 16 de la proposition de loi prévoit explicitement cette application instantanée.

L'application rétroactive s'appuie alors sur deux arguments. D'une part, la période correspondant aux réductions de peine s'assimile à une période d'application de la peine ; si je reprends l'exemple que j'ai cité tout à l'heure, cette période durerait sept ans : vingt ans de condamnation auxquels seraient soustraits les treize ans de peine effectivement accomplis. D'autre part, les lois définissant les modalités d'application de la peine peuvent déroger au principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère. La surveillance judiciaire peut donc s'accompagner d'une mise en oeuvre immédiate du PSEM.

A ce sujet, monsieur le garde des sceaux, un débat s'est engagé au sein de la commission des lois sur le bien-fondé de l'assimilation de la période correspondant aux réductions de peine à une période d'application de la peine. A titre personnel, je pense que des arguments militent en ce sens. C'est pourquoi je soutiens sans hésiter ce dispositif que, dans le contexte actuel, je considère extrêmement utile.

Ainsi, le condamné est déjà soumis, après la fin de la détention et pendant la période correspondant aux réductions de peine obtenues, à certaines obligations, telles que l'interdiction de rencontrer la victime. Le fait d'être libéré par anticipation ne le rend donc pas pour autant libre de tout ! Le bracelet électronique mobile pourrait être ainsi considéré, dans le cadre de la surveillance judiciaire, comme une modalité d'application de la peine, dont la durée ne saurait évidemment excéder celle qui correspond aux réductions de peines obtenues.

Néanmoins, la commission des lois entend apporter un certain nombre de précisions, s'agissant notamment de la limitation de la durée du placement sous bracelet électronique mobile ou de l'exclusion des mineurs de cette mesure, afin de renforcer le caractère constitutionnel du dispositif que vous avez proposé par amendement à l'Assemblée nationale en deuxième lecture, monsieur le garde des sceaux.

Sixièmement, enfin, j'évoquerai - et j'espère que vous ne m'en voudrez pas, monsieur le garde des sceaux - la question cruciale des moyens, même si elle ne relève pas du domaine juridique.

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