La lutte contre la récidive passe aussi par la prévention, ce qui implique une forte mobilisation de moyens humains.
Sont plus particulièrement sollicités, dans le cadre de cette action, les juridictions de l'application des peines et les services pénitentiaires d'insertion et de probation, dont les effectifs actuels apparaissent très nettement insuffisants.
Il n'existe, je le rappelle, que 310 juges de l'application des peines - soit seulement 7, 5 % des effectifs des magistrats du siège - alors que les tâches qui leur incombent ont été accrues ces dernières années. Sans doute faudrait-il se fixer l'objectif de doubler le nombre de juges de l'application des peines...
De même, la charge de travail dévolue aux 2 500 agents d'insertion et de probation, qui doivent suivre chacun, en moyenne, plus d'une cinquantaine de dossiers en milieu ouvert, a considérablement augmenté. Dans ces circonstances, ces derniers devraient bénéficier d'un renforcement de leurs moyens.
Enfin, je ne peux conclure sur la faiblesse des effectifs sans évoquer le manque chronique de médecins, même si, je le sais, cette question n'est pas seulement budgétaire. En effet, le système judiciaire français compte de moins en moins de médecins psychiatres alors que ceux-ci doivent suivre de plus en plus de condamnés, dont les problèmes psychiatriques sont de plus en plus importants. Une récente étude a ainsi montré que 80 % des hommes qui étaient placés en détention souffraient de problèmes psychiques. Je rappelle d'ailleurs que, en première lecture, le Sénat a proposé que des psychologues référencés sur une liste nationale puissent assurer le suivi psychique des détenus, afin de pallier la pénurie de médecins.
Plusieurs des mesures envisagées par la présente proposition de loi concourront sans doute à accroître encore la charge de ces différents services. Je pense en particulier à l'extension du champ d'application du suivi socio-judiciaire, ou à la mise en oeuvre du bracelet électronique mobile. Le coût de ce dernier, que certains estiment à 60 euros par jour, dépendra de nombreux paramètres. Il est donc nécessaire, monsieur le garde des sceaux, que vous nous apportiez des éclaircissements à ce sujet.
Combien de personnes seront potentiellement concernées par le placement sous surveillance électronique mobile ? Quel sera le mode de surveillance retenu ? Un mode actif, c'est-à-dire permanent, - je ne le pense pas - ou, plus vraisemblablement, semi-actif ? Dans cette dernière hypothèse, seuls les manquements aux obligations liées au port du bracelet donneraient lieu à des alarmes. Envisagez-vous de recourir à des opérateurs privés pour la surveillance ? Cette solution nous paraît devoir être retenue, et la commission des lois présentera un amendement en ce sens.
Enfin, sur la mise en oeuvre des moyens, monsieur le garde des sceaux, nous souhaiterions avoir des indications supplémentaires sur les services chargés d'assurer le suivi du bracelet électronique. Est-il possible d'envisager une responsabilité partagée entre l'administration pénitentiaire et certains services de police ? Cette nouvelle administration sera-t-elle codirigée par le garde des sceaux et le ministre de l'intérieur ?
Vous le voyez, monsieur le garde des sceaux, nous nous interrogeons encore sur la faisabilité pratique du dispositif. Mais je ne doute pas que vous nous apporterez toutes les réponses que nous attendons.
Je conclurai en soulignant que ce texte n'épuisera pas le sujet. En matière de récidive, notamment pour les infractions sexuelles, le risque zéro n'existe pas, et il n'existera jamais. Il est de notre devoir de législateurs de le répéter : avec le bracelet électronique mobile, avec les autres mesures qui sont prévues dans ce texte, nous souhaitons réduire considérablement les risques de récidive, mais qu'il soit bien clair que, malheureusement, il ne sera jamais possible de les éliminer totalement.
C'est pour cette raison que la commission des lois s'intéresse à une disposition du rapport de la mission « Santé, justice et dangerosités : pour une meilleure prévention de la récidive », qui s'inspire des expériences allemande et néerlandaise. Ainsi, les centres fermés de protection sociale, qui, chez nos voisins européens, sont réservés à des individus particulièrement dangereux ayant commis des faits criminels d'une gravité singulière, pourraient s'adresser, en France, aux individus particulièrement dangereux - ils ne sont que quelques dizaines - qui présentent un risque de récidive extrêmement prononcé. Ces derniers ne seraient placés dans ces centres que sur décision prononcée par des juridictions collégiales, avec le maximum de garanties et pour des durées limitées.
Une telle disposition n'est pas prévue dans le texte dont nous entamons l'examen en deuxième lecture aujourd'hui. Je la mentionne simplement pour signaler que nous serons amenés, probablement par le biais de missions d'information ou de missions parlementaires, à discuter de nouveau de ce problème très sérieux et malheureusement omniprésent pour nos concitoyens qu'est la récidive.