Nous souhaitons donc que les amendements proposés par la commission, notamment celui qui vise à subordonner la mise en oeuvre de cette disposition au consentement du condamné, permettent d'éviter cet écueil.
De même, au regard des principes auxquels nous sommes attachés, nous approuvons l'amendement de la commission qui tend à supprimer à nouveau l'obligation faite au juge de délivrer un mandat de dépôt à l'audience pour les récidivistes en matière de violence ou d'infraction à caractère sexuel.
En effet, si ces cas de récidive sont particulièrement graves et doivent être indéniablement sanctionnés, il n'en demeure pas moins qu'une telle obligation faite au juge reviendrait à mettre en place une automaticité des peines et à supprimer la liberté d'appréciation du magistrat. La disposition satisferait sûrement l'opinion publique, mais elle soulèverait certainement une difficulté de principe.
L'amendement proposé par la commission qui tend à inverser le dispositif nous semble donc le bienvenu.
Nous sommes conscients que, du fait des amendements qu'elle propose, la commission des lois - et, derrière elle, l'ensemble du Sénat s'il suit son rapporteur, ce que je souhaite - risque d'être taxée de laxisme, comme cela s'est déjà produit à l'issue de la première lecture, au travers d'un certain nombre de courriers que plusieurs d'entre nous ont reçus.
Je voudrais sur ce point rappeler qu'aucun élément de droit comparé ne permet d'affirmer de manière certaine que les pays les plus répressifs sont ceux qui connaissent les taux de récidive les plus faibles. Nous pensons au contraire qu'un détenu qui n'a pas d'espoir de réinsertion est plus dangereux pour la société qu'un détenu qui a l'espoir de s'en sortir. Encore faut-il que l'on se donne les moyens de préparer cette sortie ! Ce qu'a révélé la mission de recherche « Droit et justice » est à ce titre éloquent : 85 % des surveillants et des détenus considèrent la prison comme un lieu violent ; 50 % des surveillants et 67 % des prisonniers estiment aussi qu'elle est un lieu dangereux. Comme dès lors imaginer qu'une personne puisse en sortir en ayant de son côté toutes les chances de réinsertion ?
Je crains fort que ce ne soit là que le bât blesse, plutôt que sur l'inadaptation des peines prononcées au regard des crimes ou délits perpétrés. A quoi servirait, chers collègues, d'allonger la durée de détention dans un tel cadre d'insécurité ? C'est à ce titre que nous soutiendrons la proposition du rapporteur de ramener la durée de la période de sûreté à vingt-deux ans. La surenchère n'est pas la solution !
L'adoption de la proposition de loi que nous examinons améliorera et modernisera sans aucun doute notre droit pénal. Cependant, le dispositif n'atteindra toute son efficacité que si l'on se donne réellement les moyens humains et financiers de préparer les détenus à leur sortie et à leur réinsertion, et d'assurer un vrai suivi socio-judiciaire à ceux qui en ont besoin.
Le rapport de l'Observatoire international des prisons, qui vient d'être rendu public, le montre bien : la France compte seulement vingt-six services médico-psychologiques régionaux pour environ cent quatre-vingt-dix établissements pénitentiaires, qui prennent en charge 40 % de la population carcérale. Sans une véritable volonté politique de donner les moyens suffisants aux différents services judiciaires, pénitentiaires, médicaux et sociaux, nous pourrons toujours mettre les gens en prison, allonger leur durée de détention, leur mettre tous les moyens technologiques à la cheville : à la sortie, ils n'en seront pas moins dangereux.
Le placement sous surveillance électronique mobile, le PSEM, doit être considéré comme un « outil nouveau d'aménagement des peines privatives de liberté », ainsi que l'écrit le député Georges Fenech dans son rapport, mais il ne doit pas se substituer à une véritable politique de réinsertion. Analysant les expériences étrangères, M. Fenech indique d'ailleurs que le PSEM « s'est déjà avéré être un mode d'exécution de la peine qui, doublé d'un accompagnement social fort, permet au condamné de bénéficier d'une rééducation vers la reprise en main de sa vie en société ».
Je suis conscient que l'état de nos finances publiques ne permettra pas forcément de combler au rythme qui serait souhaitable l'insuffisance des postes consacrés, dans la chaîne pénale, à la préparation du détenu à sa libération et au suivi de ses premiers pas hors de prison.
Pourtant, s'il est une fonction qui n'appartient qu'à l'Etat, c'est bien celle de rendre la justice. Cela ne se réduit pas à condamner les coupables et à assurer aux victimes la réparation qui leur est due ; c'est aussi se donner les moyens d'une véritable réinsertion du détenu qui a purgé sa peine pour, précisément, réduire le risque de récidive.
Aussi, monsieur le garde des sceaux, le groupe de l'Union centriste suivra la commission des lois sur ce texte, en formant cependant le voeu que, au-delà de l'adoption et de la promulgation de cette loi, dont vous avez été l'un des auteurs, l'Etat se donne réellement les moyens de préparer et d'assurer la réinsertion de chaque détenu.