Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le sujet qui est abordé aujourd'hui dans cet hémicycle n'est pas nouveau, c'est le moins que l'on puisse dire : je ne connais aucun législateur qui, depuis deux siècles, soit resté indifférent au problème de la récidive. Non seulement l'histoire judiciaire mais aussi l'histoire législative sont émaillées de réactions faisant suite à des crimes atroces qui ont saisi l'opinion publique.
Cependant, s'agissant du problème posé lui-même - comment lutter contre la récidive ? -, il est impossible de ne pas tenir compte du fait que depuis deux siècles, depuis les premiers travaux de la Société royale des prisons jusqu'à ceux qui ont été menés récemment et qui ont été évoqués, s'est progressivement élaboré, dans ce domaine, un corps de doctrines, pour ne pas dire un corps d'évidences.
Le traitement de la récidive est une préoccupation essentielle et le problème s'est toujours posé dans les mêmes termes : on constate toujours que, quelque forme qu'ait prise l'emprisonnement au cours des deux siècles écoulés, celui-ci entraîne la récidive.
La prison, telle qu'elle est, non pas dans la vision irénique que certains en ont, mais dans sa réalité, sa triste réalité française, faite de promiscuité entre les multirécidivistes et les jeunes qui viennent d'être incarcérés, entre les condamnés et ceux qui sont emprisonnés « à titre provisoire », dit-on, entre les criminels chevronnés et les jeunes délinquants - et cette promiscuité-là est une constante de la prison française -, a toujours nourri la récidive.
Cette constatation devrait dominer toutes les autres, car, à partir de cette longue et cruelle expérience, on a pu observer que, dans l'arsenal législatif, tout ce qui permettait d'éviter le recours à l'emprisonnement, moyennant les indispensables précautions, bien sûr, s'est systématiquement révélé utile dans la lutte contre la récidive.
Ai-je besoin de rappeler que, voilà un siècle, s'opposaient déjà deux grands courants doctrinaires ?
Les uns, comme Waldeck-Rousseau, ne rêvaient que de transportation pour les multirécidivistes ; ceux qui avaient été condamnés à quatre reprises étaient envoyés mourir à Cayenne. La suspension du dîner me permettra de rentrer chez moi et de vous en rapporter, monsieur le ministre, une photographie : celle du casier judiciaire d'un de ces hommes qui ont fini là-bas après quatre condamnations pour vagabondage.
Et il y avait les autres. Dans cette assemblée, le grand Bérenger, contre vents et marées, a fait adopter le sursis. Ensuite a été institué le sursis avec mise à l'épreuve. On a vu que c'était dans cette direction-là qu'il fallait aller. Toujours !