A cela est venu s'ajouter le rapport Burgelin de la commission Santé-Justice.
Ce bref rappel historique a pour seul objet de démontrer, mais nul ne saurait le contester, que, au-delà d'une actualité hélas abondante, le texte que nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture est le fruit d'un long processus de maturation auquel a largement contribué, et je veux le saluer, le rapporteur de la commission des lois, notre excellent collègue François Zochetto.
Reste, en ce domaine bien particulier de la récidive, une zone d'ombre, qui concerne l'évaluation de la dangerosité des détenus à leur sortie de prison. C'est là le coeur du problème, et nous en avons tous bien conscience. Aussi le Premier ministre envisage-t-il, avec raison, de confier à un parlementaire une mission sur ce sujet d'importance. Je m'en félicite d'autant plus que cette démarche va dans le sens du double souci de notre majorité de mettre la société à l'abri des individus dangereux et d'assurer l'insertion ou la réinsertion sociale de ceux qui ont effectivement purgé leur peine.
La commission des lois a bien traduit cette préoccupation en approuvant le placement sous surveillance judiciaire des personnes dangereuses condamnées pour crime ou délit, élargissant ainsi cette procédure aux délinquants autres que les seuls délinquants sexuels, à l'encontre desquels le Sénat a, par ailleurs, eu raison d'autoriser en première lecture la prescription de médicaments inhibiteurs de la libido.
Cette orientation démontre notre volonté de tout mettre en oeuvre pour faire reculer la récidive, même si, bien entendu, comme plusieurs orateurs l'ont rappelé, le risque zéro n'existe pas.
Cet élargissement des moyens auxquels il sera désormais possible de recourir ne doit pas pour autant nous conduire à adopter des dispositions qui n'ont pas de lien direct avec le présent texte. C'est pourquoi le rapporteur nous propose, à juste titre - et ce point me tient à coeur -, de supprimer les dispositions renforçant la lutte contre les violences conjugales, démarche qui a recueilli l'assentiment de l'orateur du groupe de l'UMP que j'étais lors de l'examen en première lecture de ce texte.
Le Sénat ayant adopté cette proposition de loi dans des termes conformes à l'attente de l'ensemble des groupes, nous ne pouvons qu'enjoindre l'Assemblée nationale de l'examiner rapidement et intégralement.
Il est important que le placement sous surveillance électronique mobile puisse être prononcé dans le cadre aussi bien d'une libération conditionnelle que d'un suivi socio-judiciaire, car il n'est pas fait pour punir, mais pour réinsérer et éviter la récidive.
Dès lors qu'une technologie permettant de limiter la récidive existe et que son intérêt est démontré - l'exemple de la Floride est à cet égard probant -, il serait incompréhensible de priver la justice d'un outil efficace. C'est dans cet esprit que le législateur a, auparavant, prévu l'utilisation du bracelet fixe, initiative qui revient d'ailleurs au Sénat.
Je comprends parfaitement la position du rapporteur, qui, soit pour des raisons de technique juridique, soit par attachement à des convictions qui l'honorent, soit encore en raison d'un doute sur l'application effective de certaines mesures, n'a pas cru devoir proposer à la commission de retenir certaines des dispositions adoptées par l'Assemblée nationale.
Soyons cependant attentifs, mes chers collègues, à ne pas décevoir l'immense attente de nos concitoyens sur une question prioritaire qui, si elle n'est pas traitée à fond, risque, vous le savez, de décrédibiliser la justice et de déstabiliser nos institutions. C'est bien l'impunité qui fait le lit des démagogues !
C'est la raison pour laquelle relever à dix ans au minimum la peine d'emprisonnement à laquelle la personne doit avoir été condamnée pour que le PSEM puisse être ordonné à son encontre ne me paraît pas opportun, car, entre cinq et dix ans, nous ne sommes plus dans la petite délinquance, surtout quand il s'agit, comme ici, de récidivistes.
Quant au consentement du condamné, ne cédons pas aux travers de la doctrine de la « défense sociale », qui, discutable quant à l'efficacité de la mesure, conduirait paradoxalement à priver le détenu d'une opportunité non négligeable de réinsertion.
Ne restreignons pas non plus les possibilités d'action des juges de l'application des peines : mettons à leur disposition les outils nécessaires, les laissant ensuite libres de les utiliser ou non.
Qui plus est, en maintenant la possibilité d'ordonner un PSEM à l'encontre d'une personne condamnée à une peine d'au moins cinq ans d'emprisonnement, on fait tomber, en partie au moins, l'argument - c'en est un - selon lequel le PSEM des mineurs ne pourrait pas trouver application.
Supprimer le PSEM pour les mineurs reviendrait à rétrécir encore la palette des mesures envisageables. Lors de son audition par la commission, Georges Fenech, qui a été abondamment cité par les orateurs, a, en se fondant sur les exemples étrangers, insisté sur le fait que le PSEM pouvait « induire des changements de comportement, notamment chez les mineurs ».
S'agissant de la durée du PSEM, pourquoi, là encore, se lier les mains en limitant son renouvellement à une seule fois alors qu'il pourrait peut-être convenir plus longtemps dans certains cas ?
Les durées adoptées par l'Assemblée nationale restent limitées et n'occultent pas le fait que le caractère évolutif du dispositif et l'accompagnement socio-éducatif qu'il requiert sont étroitement liés.
J'observe d'ailleurs que la durée maximale du suivi socio-judiciaire, lequel a été établi par la loi du 17 juin 1998, a été allongée par la loi du 9 mars 2004, qui prévoit même la possibilité d'un suivi sans limitation de durée, en répression des crimes punis de la réclusion criminelle à perpétuité.
Bien sûr, la mise en oeuvre d'une peine aussi spécifique que le suivi socio-judiciaire nécessite que les juges de l'application des peines et les conseillers d'insertion et de probation soient en nombre suffisant, même s'il faut rappeler que ce nombre est passé de 1 500 à 2 000 depuis 2002.
Vous comprendrez bien que, en tant que rapporteur pour avis du budget de l'administration pénitentiaire, je me soucie, à l'instar de certains autres orateurs, des moyens qui seront affectés à ce projet et je vous serais reconnaissant, monsieur le ministre, de nous apporter des précisions sur l'éventuelle création d'une Agence nationale de la surveillance électronique et d'un corps d'agents spécialisés et de répondre aux excellentes questions de notre rapporteur sur les moyens et dispositions envisagés pour organiser le PSEM.
La meilleure des préventions de la récidive reste encore la certitude de la peine. Le délinquant tenté de récidiver doit savoir qu'une peine plus sévère lui sera appliquée de façon certaine, c'est-à-dire qu'il ne bénéficiera pas du traitement réservé à un primo-délinquant.
C'est d'ailleurs dans cet esprit qu'à l'origine, et sur l'initiative de nos collègues députés, en particulier Christian Estrosi, puis de vous-même, monsieur le ministre, nous avons commencé plus récemment à débattre de ces sujets. Et c'est dans cet esprit que se situe l'intérêt de réduire d'un tiers la première année, de la moitié les années suivantes, le crédit des réductions de peine, instauré par la loi du 9 mars 2004, dont peuvent bénéficier les récidivistes.
Dissuasive, cette mesure présente également l'avantage d'encourager les libérations conditionnelles qui, par nature, évitent les sorties sèches de prison et, partant, contribuent à prévenir la récidive. C'est ici l'exemple type de la bonne combinaison de la protection des victimes par la dissuasion des délinquants et de la réinsertion des condamnés.
Toutefois, il est des criminels, véritables prédateurs, pour lesquels la peine n'a aucun effet dissuasif. Dans ce cas, pour protéger la société le plus longtemps possible, une période de sûreté d'au moins vingt-cinq ans me paraît devoir être rétablie : c'est toujours ça !
Un enfermement à vie étant inenvisageable, la troisième voie esquissée par la commission Burgelin est très prometteuse, avec le projet des centres fermés de protection sociale, ni hôpitaux ni prisons, mais lieux sécurisés d'hébergement spécialisé dans la prise en charge des individus dangereux, à l'instar de ce qu'ont fait l'Allemagne ou les Pays-Bas ; je me réjouis à cet égard de la création d'une mission d'étude sur ces centres.
Cependant, sans même attendre le rapport à venir d'un parlementaire en mission sur la dangerosité de certains criminels, il est de notre devoir de protéger au plus tôt les victimes potentielles, objectif que cette proposition de loi nous permet d'atteindre.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, l'opinion publique attend beaucoup de nous. Aussi, en faisant en sorte que l'efficacité de la lutte contre la récidive ne soit pas affaiblie et qu'avec ce texte, par lequel on considère désormais un individu dans sa propension à la violence, ajoutant ainsi, par une nouvelle approche, une démarche criminologique à une démarche exclusivement juridique, nous démontrerons notre volonté de placer réellement les victimes au centre de nos préoccupations.