Intervention de Pascal Clément

Réunion du 25 octobre 2005 à 16h00
Traitement de la récidive des infractions pénales — Discussion générale

Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice :

Mesdames, messieurs les sénateurs, à voir le nombre des orateurs, la qualité de leurs interventions et la passion qu'ils y ont mise, un observateur extérieur pourrait croire que ce texte vient d'être présenté en première lecture au Sénat. Or, comme nous le savons tous, il n'en est rien ! Cela montre, à l'évidence, l'importance de ce texte.

Notre tâche à nous, législateur, consiste à faire une loi qui corresponde à ce que veut le peuple français à un moment donné, sans pour autant jamais perdre de vue l'équilibre qu'exige l'intérêt général.

Avant de m'adresser aux uns et aux autres, je voudrais, en guise d'introduction, répondre globalement à deux interventions, celle du rapporteur et celle de Robert Badinter, lequel s'est placé sur un terrain plus général.

Après Robert Badinter, je ferai à mon tour un peu d'histoire, et vous allez le voir, ce que je vais rappeler n'est pas franchement à l'honneur de notre pays.

Permettez-moi de vous donner, d'abord, un chiffre. Savez-vous combien de places de prison ont été créées en France 1900 et 1986 ? En près d'un siècle, seulement 14 500, et pour l'essentiel dans les années soixante, principalement à Fleury-Mérogis. Autrement dit, au cours des soixante premières années du XXe siècle, nous n'avons pratiquement pas construit de places de prison ! Cela explique notamment que, aujourd'hui, plus de la moitié des prisons ait plus de cent ans !

Je vous livrerai quelques autres chiffres qui sont proprement effarants. Je ne le ferai pas dans un esprit partisan, mais j'aimerais que tout le monde se pose des questions par rapport à ses propres choix politiques.

Depuis 1980, il y a eu trois programmes de création de places de prison. Le premier, le plus important, lancé à l'instigation de M. Albin Chalandon, portait sur 15 000 places. Il a été réduit à 13 000 places par M. Arpaillange, qui n'y était pas très favorable. Le deuxième programme, de 4 000 places, nous le devons à M. Pierre Méhaignerie ; celui-ci a été intégralement réalisé. Le troisième programme, de 13 200 places, a été décidé par mon prédécesseur immédiat, M. Dominique Perben.

Aucune place créée, depuis 1980, sous les législatures autres que celles que je viens d'évoquer ! Alors, on peut raconter tout ce que l'on veut en matière d'insertion, parler de prisons pourrissoirs, de prisons qui seraient le contraire de ce qui serait souhaitable dans une société développée ! Si, comme le disait le professeur Portelli, on juge une société à son droit pénal, eh bien, effectivement, c'est une honte pour la France ! Et le rapport sénatorial, qui date des années 2 000, avait bien raison de le souligner.

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