Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, des événements d'une exceptionnelle gravité déchirent la Côte-d'Ivoire. La France y est directement et gravement impliquée.
Permettez-moi, tout d'abord, d'avoir une pensée pour nos soldats, déployés dans le cadre du mandat de l'ONU, victimes du bombardement déclenché par les forces armées ivoiriennes. Comme nous tous ici, je m'associe à la douleur de leurs familles et je transmets mes voeux de rétablissement à ceux qui ont été blessés lors du bombardement du cantonnement français.
Ma pensée va aussi à nos compatriotes qui vivent dans l'angoisse et la peur face aux manifestations et aux violences xénophobes. Je tiens à exprimer également ma tristesse et ma vive inquiétude face aux affrontements de ces derniers jours qui, d'après le Comité international de la Croix-Rouge, ont fait des centaines de victimes ivoiriennes et des dizaines de morts. Chaque heure qui passe apporte son lot de nouvelles tragiques.
Le sang n'a que trop coulé. Maintenant, il n'est d'autre perspective que d'enrayer une escalade aux conséquences incalculables.
La responsabilité de tous est engagée, pour rendre possible l'arrêt des affrontements et pour dégager une issue politique à la crise. Le gouvernement ivoirien doit prendre toutes les mesures en son pouvoir afin que les appels au calme se traduisent effectivement par une baisse des tensions, pour que la sécurité des étrangers soit assurée.
De leur côté, les autorités françaises ont la responsabilité de ne pas se laisser entraîner dans le cycle de la violence. Il est essentiel, en effet, que la France préserve sa capacité de « facilitateur » de la paix et qu'elle continue d'agir dans un cadre multilatéral. Nous sommes très attentifs, aussi, aux efforts de médiation des gouvernements africains, et tout particulièrement au rôle du président de l'Union africaine, M. Thabo Mbeki. C'est également dans ce sens que doivent se situer les décisions de la communauté internationale à l'ONU. Ces décisions doivent s'imposer à tous.
Nous partageons la conviction qu'il n'y pas d'issue dans la violence à la crise qui secoue la Côte-d'Ivoire. Les éléments premiers d'une solution existent : le compromis des accords de Marcoussis, confirmés à Accra par le président Laurent Gbagbo, a été accepté en son temps par toutes les parties, le gouvernement ivoirien comme les mouvements rebelles.
Nous le savons, le désarmement des factions, qui devait intervenir le 15 octobre, est resté lettre morte. Seule une partie des modifications législatives prévues par les accords a été adoptée. Il faut engager une mise en oeuvre sincère des engagements pris solennellement pour ce qui concerne tant le désarmement que les réformes politiques. L'objectif doit être le retour à la légalité sur l'ensemble du territoire et la fin de la division du pays résultant du coup d'Etat de septembre 2002, avec, en perspective, la tenue d'élections dans la période à venir.
Plus que jamais, dans cette situation, la présence française et les initiatives que prendra le Gouvernement français doivent s'inscrire dans la volonté de faciliter ce retour à la paix et à l'unité nationale ivoirienne.
Or la France est elle-même prise dans l'engrenage de la violence. On ne peut ignorer qu'elle est maintenant regardée avec méfiance, et sa présence est parfois présentée et perçue comme marquée par l'héritage colonial.
C'est dire s'il est urgent de redéfinir le sens, la mission de la présence française, notamment militaire. Nous pensons qu'il faudrait envisager, dans le cadre du mandat de l'ONU, la recomposition de la force internationale, dans le sens d'un plus grand « multilatéralisme », en relation avec les organisations africaines comme la CEDEAO et l'Union africaine, sur la base d'un mandat clair des Nations unies. L'objectif est évidemment de déboucher le plus rapidement possible sur une solution politique et sur le désarmement, permettant la pleine souveraineté du peuple ivoirien sur son devenir et le retrait de toutes les forces étrangères.
Pour terminer, j'ajoute, si vous me le permettez, monsieur le ministre, que le débat d'aujourd'hui, poussé par une actualité dramatique, devrait trouver son prolongement dans une réflexion associant la représentation nationale, sur la politique de la France envers et avec l'Afrique, ce continent auquel tant de liens nous rattachent.
Monsieur le ministre, je comprends très bien que vous nous quittiez d'un moment à l'autre. Pour autant, sur l'ensemble de ces points, pourriez-vous nous dire quelles initiatives compte prendre la France ?