Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, les rapports des deux commissions du Sénat ainsi que l'intervention du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, que je salue, ont parfaitement mis en lumière l'importance des enjeux liés à la maîtrise des prélèvements obligatoires.
Le financement de la protection sociale représente - M. Sarkozy vient de le dire - la moitié de ces prélèvements dans notre pays, soit 340 milliards d'euros, c'est-à-dire un cinquième du PIB pour l'année 2004. Chaque année, à l'occasion du débat organisé par le Sénat, le même constat est partagé : il est indispensable d'assurer la maîtrise de l'évolution des dépenses de protection sociale, notamment dans le domaine de l'assurance maladie.
En effet, ne nous y trompons pas, évoquer le niveau des prélèvements obligatoires dans notre pays, c'est aussi et d'abord débattre du niveau de la dépense publique, qu'il s'agisse de celle de l'Etat ou de la protection sociale.
Cependant, permettez-moi, comme ministre de la santé, de dire que nous dépenserons plus pour la santé en 2007 qu'en 2005. Cela est dans l'ordre des choses, en raison des évolutions démographiques et des progrès médicaux que connaissent les pays développés.
Néanmoins, le débat sur les prélèvements obligatoires se déroule cette année dans un contexte profondément renouvelé par la réforme que la Haute Assemblée a approuvée cet été. Conformément à l'engagement pris par le Gouvernement l'an dernier, mesdames, messieurs les sénateurs, une étape majeure a été franchie avec la réforme de l'assurance maladie, après la réforme des retraites en 2003.
Face à une augmentation très rapide des dépenses de santé, face à une situation financière très préoccupante, le Gouvernement a pris ses responsabilités et a mis en oeuvre une réforme pour assurer la pérennité et le développement durable de notre système d'assurance maladie. Le coeur de cette action réside dans la mise en place des outils de maîtrise médicalisée des dépenses de santé.
La réforme de l'assurance maladie est une étape majeure dans la politique de maîtrise de la dépense publique.
Face au besoin de financement de l'assurance maladie, nous n'avons pas voulu reproduire les erreurs du passé. Nous n'avons pas procédé à une nouvelle réforme comptable. Sans les mesures votées cet été, les hausses inévitables des prélèvements sociaux risquaient de pénaliser fortement notre économie et de mettre en péril, à long terme, la viabilité de notre système de protection sociale. En effet, n'en déplaise à certains, il n'existe pas de ressources que l'on pourrait ponctionner indéfiniment sans que cela entraîne des conséquences dommageables pour la croissance et donc pour les recettes mêmes de l'assurances maladie.
Nous n'avons pas non plus procédé à des déremboursements massifs. C'eût été prendre le parti de la facilité et transférer une partie des dépenses vers les organismes complémentaires.
Face à ces deux tentations, le pire eût été de ne rien faire et de rester dans l'immobilisme. D'autres ont fait ce choix avant nous. Pour notre part, nous avons agi et pris nos responsabilités. Nous avons engagé une politique de long terme, volontariste, pour modifier les comportements et assurer la sauvegarde de notre système de santé.
A l'inverse des plans précédents, nous avons fait le choix de la maîtrise médicalisée. Nous avons parié sur l'avenir et réformé en profondeur les modalités de fonctionnement de notre système de santé. Dans cette perspective, l'enjeu consiste non pas à dépenser moins mais à dépenser mieux.
Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui vous sera présenté très prochainement, nous engageons en 2005 une première étape dans la réduction du déficit de l'assurance maladie. Celui-ci passera de plus de 13 milliards d'euros en 2004 à 8 milliards d'euros en 2005. En l'absence de cette réforme, le déficit aurait atteint près de 15 milliards d'euros en 2005. Chacun mesure ici les conséquences qui en auraient résulté sur les prélèvements obligatoires de demain.
Le choix délibéré que nous avons fait est celui de la maîtrise médicalisée. Je formulerai deux observations à cet égard.
En premier lieu, une part non négligeable des difficultés de financement de la protection sociale est liée à la faiblesse de la conjoncture économique. Les conclusions du rapport du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie ont mis en lumière la nature de ce déficit. Selon ces conclusions, le déficit serait dû pour deux tiers à des facteurs structurels et pour un tiers à des motifs conjoncturels.
Nous avons suivi les recommandations du Haut conseil en prévoyant un plan de 10 milliards d'euros de moindres dépenses et de 5 milliards d'euros de recettes nouvelles.
En second lieu, ce plan n'est pas une énième réforme comptable, dont on a pu observer par le passé les effets très limités. La réforme de l'assurance maladie est fondée pour une large part sur l'évolution des comportements.
A partir du 1er janvier 2005, sera instauré le médecin traitant. C'est un médecin de famille, qui connaît mieux le malade. Il établira un bilan complet, ce qui permettra d'éviter les dépenses d'assurance maladie redondantes dues aux spécialistes.
Le recours aux génériques sera développé. Aujourd'hui, un médicament « généricable » sur deux est vendu sous forme de générique et 13 % des boites de médicaments vendues en pharmacie le sont sous forme de génériques, contre 50 % en Allemagne.
Il est vrai que nous n'avons commencé qu'en 1996, avec le plan d'Alain Juppé, alors que d'autres avaient commencé dans les années soixante-dix.
Quant aux arrêts maladie, j'ai le plaisir de vous annoncer que, pour la première fois depuis trente ans, ils connaissent une baisse - il en est de même des indemnités journalières -, grâce à l'augmentation des contrôles exercés sur les arrêts maladie de courte mais aussi de longue durée.
Nous avons mis en place des guides de bonne pratique. Il n'y a aucune raison que la durée d'un arrêt maladie pour une grippe puisse varier de trois jours à un mois selon les médecins. Des références médicales concernant les différentes pathologies guideront donc les praticiens, afin d'obtenir des résultats.
En refusant une approche comptable et en optant pour la maîtrise médicalisée, le Gouvernement a souhaité limiter l'effort demandé à nos compatriotes. Augmenter les recettes sans adapter notre système de protection sociale n'aurait servi à rien. C'est le sens du texte voté par le Parlement.
Il s'agit aujourd'hui de responsabiliser tous les acteurs du système de santé en faisant en sorte que chaque euro investi dans le système de soins le soit à bon escient.
Concernant l'hôpital public, il n'y a aucune raison que nous n'appliquions pas de la même manière, sur des pathologies données, la tarification à l'activité en clinique privée et à l'hôpital. Toutefois, bien sûr, compte tenu des missions d'intérêt général que conservent les hôpitaux publics, il me paraît important de mettre en place, dans chacun d'eux, un système de « missions d'intérêt général ». En outre, la tarification à l'activité permettra une meilleure transparence dans les dépenses hospitalières d'assurance maladie.
Concernant les prélèvements supplémentaires, qui sont limités, des efforts équitablement répartis et mesurés ont pu être demandés aux Français car nous avons privilégié, pour notre système de santé, des réformes structurelles.
Tous nos compatriotes, actifs, retraités, entreprises, ont été sollicités : les premiers par la redéfinition de l'assiette de la CSG ; les deuxièmes par une augmentation modérée du taux de cette contribution ; les troisièmes au travers de la contribution spécifique de solidarité sur les sociétés, la C3S. Un souci de justice et d'équité a animé le Gouvernement dans le choix de ces mesures.
Afin de ne pas pénaliser les seuls revenus du travail, nous avons fait le choix d'associer les revenus du patrimoine à l'effort de financement. Nous demandons un effort partagé à tous les acteurs, dans des limites acceptables qui ne remettent en cause ni le pouvoir d'achat des ménages ni les perspectives de croissance de notre économie.
Dans ce plan, la contribution forfaitaire d'un euro par acte ne doit pas être considérée comme un nouveau prélèvement. Elle vise à responsabiliser les assurés sociaux et à leur faire prendre conscience de la valeur des actes médicaux et des soins. Si la santé n'a pas de prix, elle a un coût, ce que certains de nos concitoyens oublient trop souvent.
L'Etat lui-même a contribué à cet effort par l'augmentation, à hauteur d'un milliard d'euros, de la fraction des droits sur le tabac affectée à l'assurance maladie. Je souhaiterais remercier ici M. le ministre d'Etat d'avoir accepté la demande que je lui avais présentée en ce sens.
L'ensemble des mesures portant sur les recettes de l'assurance maladie n'obéissaient qu'à un double objectif : préserver le retour de la croissance et permettre aux Français d'en percevoir les fruits. C'est ce même souci qui nous a guidés dans l'élaboration des mesures destinées à apurer les dettes héritées du passé.
J'en viens maintenant, pour terminer, à une disposition qui vous a été présentée l'an dernier dans le cadre d'un débat identique. Ce qui était apparu alors comme une pure mesure de santé publique s'est également révélé une vraie mesure d'économie de santé.
Lorsqu'elle a été décidée en 2003, l'augmentation des recettes provenant du tabac répondait à un objectif clair de santé publique. M. Lambert s'en souvient sans doute !
Cette augmentation était avant tout motivée par les drames que provoque la consommation du tabac : en effet, mesdames, messieurs les sénateurs, un fumeur sur deux meurt prématurément du fait du tabagisme !
A ceux qui doutent de la capacité de modifier les comportements, je souhaiterais opposer les résultats de notre politique d'augmentation des prélèvements sur le tabac en termes de prévention : avec deux millions de fumeurs en moins, les chiffres actuels de la consommation traduisent les effets tangibles des mesures annoncées en 2003.
Par cette politique, nous avons certes fait le choix de développer la prévention et de réduire les risques, mais, à moyen terme, un tel choix est bénéfique pour la santé de nos concitoyens, ainsi que pour l'équilibre des comptes sociaux. Ce sont autant de pontages aortocoronariens, de cancers du poumon et de cancers de la vessie en moins !
Il s'agit de créer un cercle vertueux. Le changement de comportement est, là encore, au coeur de la maîtrise des dépenses publiques.
Le Gouvernement partage pleinement le souci d'assurer la stabilisation et, à terme, la décrue du niveau des prélèvements obligatoires, souci qui transparaît dans les travaux de vos commissions des finances et des affaires sociales.
L'amélioration du pouvoir d'achat passe également par la maîtrise des prélèvements obligatoires, qui n'est elle-même possible qu'à la condition que l'évolution des dépenses publiques soit maîtrisée.
En matière de dépenses de protection sociale, et notamment dans le domaine de la santé, la question centrale est bien celle de la maîtrise médicalisée des dépenses d'assurance maladie, seule solution pour diminuer le rythme fou de l'augmentation que connaissent ces dépenses.
A ceux qui doutaient que la réforme que je vous ai présentée entraînerait des modifications de comportement, je rappellerai que les quatre derniers mois montrent une inflexion des augmentations des dépenses d'honoraires, une diminution des dépenses d'arrêts maladie et d'indemnités journalières et une stabilisation des dépenses hospitalières. On pourrait alors me rétorquer que c'est l'effet psychologique classique de chaque réforme. Je ne le pense pas et, avec Xavier Bertrand, je vous donne rendez-vous dans un an ou deux pour le premier bilan de la réforme que vous avez votée cet été.
Je suis convaincu qu'une telle réforme nous donne les moyens de relever le défi. Elle constitue une alternative claire face à la logique qui aurait consisté à accroître les prélèvements et à amputer le pouvoir d'achat des Français. Elle permet de donner à l'action du Gouvernement les marges de manoeuvre nécessaires.
En dépensant mieux, il est possible d'investir pour l'avenir, de préserver un système de santé auquel nous sommes très attachés et de maîtriser durablement le niveau des prélèvements obligatoires, et ce sans toucher à la médecine à la française, qui est fondée sur le paiement à l'acte, la liberté d'installation, la liberté de prescription, la liberté de choisir son médecin.
Nous avons fait un choix politique, le tout étant bien sûr que chaque euro public dépensé soit un euro efficace.