Intervention de Jean-Pierre Masseret

Réunion du 10 novembre 2004 à 15h00
Prélèvements obligatoires — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Jean-Pierre MasseretJean-Pierre Masseret :

Vous l'avez effectivement écrit, mais peut-être faudrait-il leur demander leur avis. Il me semble que la réponse serait un peu différente.

J'en termine avec la citation du rapport : « La TVA sociale est une bonne piste de travail. »

On pourrait faire de ce débat une simple anticipation de la discussion sur le budget de 2005. Les arguments sont, en effet, à portée de la main.

Après deux années de stagnation, les prélèvements obligatoires vont augmenter. Notre rapporteur cite d'ailleurs à cet égard une série de chiffres convergents. L'assurance maladie réformée alourdira de 3 milliards d'euros les charges des entreprises et des particuliers, sans pour autant permettre le retour à l'équilibre.

Il est évident que ces prélèvements pèseront plus lourdement sur les ménages modestes. Après avoir multiplié en 2004 des mesures ciblées au bénéfice des classes aisées, le Gouvernement récidive dans le projet de loi de finances pour 2005. En outre, des niches fiscales nouvelles sont créées.

Ces mesures vont, à l'avenir, peser sur l'équilibre des finances publiques. La soulte d'EDF est un fusil à un coup. La hausse des prélèvements sociaux, comme celle des impôts locaux, pèsera sur tous les ménages.

Au-delà des chiffres et des tableaux présentés, que faut-il retenir d'essentiel du rapport de Philippe Marini ?

D'abord, qu'il est convaincu qu'une baisse des cotisations sociales ainsi qu'une diminution de l'impôt sont les conditions cardinales de la croissance et de la compétitivité. Le succès de la France dépendrait donc d'une politique centrée sur le moins-disant fiscal et le moins-disant social.

Ce n'est pas notre opinion, vous le comprendrez aisément. Outre que les prélèvements obligatoires sont le prix des services collectifs, ils sont le moyen le plus approprié pour répartir la richesse et corriger les inégalités profondes inhérentes au système de gestion capitaliste dominant.

Ils permettent d'orienter une part de la richesse créée vers des espaces sociaux que le système marchand ignore ou méconnaît.

Nous avons su construire dans ce pays, grâce à des luttes politiques, sociales et syndicales, un type de société qui répondait, certes avec des imperfections, aux engagements républicains inscrits dans notre Constitution.

Cette construction est démontée au prétexte qu'il faut adapter la France aux règles concurrentielles. La compétition existe et nous voulons, nous aussi, que la France se place dans le peloton de tête. Ce n'est toutefois pas par une politique sociale et fiscale déstabilisante, source de divisions pour le pays, qu'on y parviendra.

Dans un monde qui appelle l'adaptation, la remise en cause, la requalification permanente, l'acceptation du risque, le changement d'activité et, parfois, de lieu de vie, la compétition, la réactivité, les prélèvements obligatoires permettent la mutualisation des difficultés.

Affronter tous les changements inhérents à la mondialisation suppose, en effet, le partage des risques et le financement de l'égalité de chances.

De quoi la France a-t-elle besoin ? De recherche, de transferts de technologie, de formation, de qualification, d'infrastructures, d'innovation, de créativité, de solidarité, d'équipements et de cohésion sociale. Cela demande des moyens financiers, dont une grande part ne peut venir que des contributions fiscales et sociales.

Qu'il faille avoir le souci de l'argent public, cela va de soi. Qu'il faille une fiscalité compréhensible, lisible, pertinente, c'est évident.

Aussi la question des prélèvements obligatoires est-elle tout naturellement au coeur du débat politique.

M. le ministre de l'économie et des finances a dit tout à l'heure quelque chose d'important, me semble-t-il. Selon lui, la fiscalité est, non la cause, mais la conséquence d'un système de valeurs, lequel serait la base de l'édifice fiscal.

Quelles sont donc les valeurs dont se réclame M. le ministre de l'économie et des finances ? C'est la récompense du travail - bien sûr ! -, c'est la récompense du mérite- pourquoi pas ? Cela me paraît néanmoins un peu court, un peu juste pour constituer le cadre de toute réforme fiscale.

Pour vous, combattre l'impôt en général est salutaire en raison de la réduction du rôle de l'Etat qui en résulte. En vérité, diminuer l'un, c'est affaiblir l'autre.

Combattre la progressivité de l'impôt, c'est vouloir en finir avec la redistribution. Réduire la redistribution, c'est croire en la toute-puissance de la « main invisible ». Croire en la « main invisible », c'est réduire le champ du débat démocratique. Limiter le débat démocratique, c'est renforcer l'intervention des intérêts privés, c'est conforter l'individualisme, c'est réinventer la compassion.

Autant de convictions figurant dans le rapport sous forme de propositions que je vous rappelle : financement privé des investissements publics - c'est le partenariat privé-public -, développement des fonds de pension - voilà qui n'es pas une surprise ! -, recours à la prévoyance individuelle, rôle dévolu aux fondations, financées notamment par des réductions de cotisations à l'ISF.

Ces fondations, si l'on en croit le rapport de Philippe Marini, pourraient financer la recherche, la fourniture gratuite de repas, la fourniture de logements aux personnes en difficulté, la fourniture gratuite de soins à celles et ceux qui n'auraient pas les moyens de recourir autrement à la médecine. La messe est dite, si j'ose dire !

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