On ne saurait conclure un débat au Sénat sans faire état des collectivités territoriales, dans le cas particulier, de leurs interrogations face aux transferts de compétences annoncés.
La première année, comme d'habitude, ça ira. L'Etat affectera aux collectivités concernées le budget dont il disposait pour exercer les compétences transférées. Les années suivantes, comme d'habitude, les départements et les régions devront trouver les financements correspondant aux efforts supplémentaires qu'ils décideront de consentir pour mieux répondre aux besoins exprimés.
Tous les exemples connus jusqu'à présent confirment a priori qu'à partir d'une compétence exercée par l'Etat les collectivités ont tendance à faire plus et mieux, mais rarement, voire pratiquement jamais en mobilisant moins d'argent.
On peut prendre l'exemple des personnels TOS, techniciens, ouvriers et de service, en faisant remarquer que le Gouvernement a astucieusement reporté les conséquences financières de ce transfert sur les années 2006-2007 et suivantes... suivez mon regard ! Pour la région Lorraine, ce sont quand même 2 500 personnels nouveaux qu'il faudra intégrer, pour un effectif actuel de moins de 500 personnes. On mesure ce que cela représente en termes de gestion !
L'intégration des personnels TOS dans le cadre de la fonction publique territoriale coûtera forcément plus cher.
D'autres inquiétudes se font jour. On observe que des services susceptibles d'être demain décentralisés se voient affecter des dotations budgétaires plutôt en diminution. C'est le cas pour les crédits des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, de l'ANVAR, du Fonds d'intervention pour les services de l'artisanat et du commerce, des crédits pour l'export... Autant de compétences qui pourraient, demain, revenir aux conseils régionaux, notamment.
Afin de financer une partie des transferts de compétences aux départements et aux régions, vous envisagez de les doter d'une part de la taxe sur les conventions d'assurances et de la TIPP.
Pour la Lorraine, s'agissant de la TIPP, cela posera de sérieuses difficultés puisque 80 000 Lorrains ont un emploi au Luxembourg et que près de 250 000 Lorrains vivent à proximité de la frontière. La différence de prix des produits pétroliers entre la France et le Luxembourg explique que nombreux sont les Lorrains à se fournir dans le pays voisin, ce qui nous renvoie à la question évoquée tout à l'heure par Alain Vasselle. Si la dotation pour la Lorraine se calcule sur la base du volume livré aux distributeurs locaux, il y aura un manque à gagner tout à fait considérable et qui ne pourra être compensé par le jeu de la modulation.
En conclusion, vous l'aurez compris, les prélèvements obligatoires, ce n'est vraiment pas qu'une affaire de chiffres ! Il nous apparaît d'ailleurs que l'approche libérale de M. le rapporteur général ignore trop souvent que, derrière les chiffres, il y a des situations compliquées, vécues par des hommes et des femmes.
Vouloir, par principe, réduire les prélèvements obligatoires, c'est se condamner par avance au renoncement, c'est se condamner à l'immobilisme, au moment même où doit prévaloir la volonté politique.