D'autres disent également que l'alimentation est notre première médecine.
Ces allégations ne sont pas une plaisanterie. Des études récentes attestent du poids des dépenses évitables et de l'importance du nombre de vies qui pourraient être sauvées, notamment dans le cadre de la prévention des maladies cardiovasculaires.
L'obésité et les maladies cardiovasculaires ont, en 1996, entraîné 38 millions de consultations et 36 millions d'ordonnances, pour un coût de 1, 5 milliard d'euros.
La Commission européenne, au travers du programme « Europe contre le cancer », a permis de collecter des données incontestables. Les conclusions sont éloquentes. Je me permets donc d'insister sur le financement des mesures de prévention et sur leur prise en compte volontaire.
Obésité, tabac, excès de sel, sont des sujets suffisamment graves et actuels pour que l'on y porte une attention particulière. Nous disposons tous de chiffres éloquents à cet égard !
Il faut absolument, messieurs les secrétaires d'Etat, tabler sur des changements de comportements plus citoyens, plus responsables - voire les imposer -, afin d'être plus efficaces. Nous l'avons fait avec les automobilistes, et les résultats sont au rendez-vous.
Ainsi, les malades avertis de la nécessité pour eux de suivre un régime et ne le suivant pas devraient être pénalisés par le médecin référent nouvellement créé, dont le rôle prendrait alors tout son sens.
De même, pour établir un parallèle osé avec les propos de M. Sarkozy au sujet des nouveaux pays adhérant à l'Europe qui ont les moyens de connaître une fiscalité à taux zéro et qui devraient, de ce fait, renoncer au bénéfice des fonds structurants, les praticiens d'un sport à risque ne devraient-ils pas contracter des assurances particulières, de façon que l'assurance maladie ne soit pas contrainte de couvrir tous les accidents ? La couverture de ces risques particuliers devrait être personnelle et ne devrait pas reposer sur la collectivité.
Ces économies-là seront sans doute mieux comprises et plus légitimes que certaines économies imposées dans nos hôpitaux - on se souvient de certaines dispositions, en d'autres temps, sur la taille des pansements !
Ma troisième observation concerne la lutte contre les délocalisations, et plus généralement les mesures visant la protection des territoires fragiles.
Les territoires ruraux entrent dans cette catégorie dont je suis, comme beaucoup d'autres au Sénat, l'un des représentants. Dans l'Orne, par exemple, nous avons subi, outre le séisme Moulinex, la désindustrialisation de la plaine d'Argentan.
Plusieurs mesures ont été prises : plans sociaux, zone de fiscalité privilégiée, contrat de site, cellules de reclassement, fonds largement abondés et mesures de communications massives.
Je constate que M. le rapporteur général reprend, à la page 68 de son rapport, une formule de M. Sarkozy : « la fiscalité ne constitue qu'un déterminant parmi d'autres des délocalisations ».
Nous parlons ici d'attractivité du territoire. A cet égard, j'attirerai très énergiquement une nouvelle fois votre attention sur une incohérence que je continue à trouver pesante.
L'attractivité du territoire, mes chers collègues, c'est aussi les services publics, les moyens de communication modernes, la carte scolaire. Comment peut-on attirer des entreprises performantes dans les départements ruraux, même au prix d'allégements fiscaux, si les épouses des cadres n'ont pas d'emplois, si leurs enfants n'ont pas d'écoles et s'il n'y a pas de médecins à proximité ? Je mentionnerai également, pour colorer le débat, l'existence de nombreuses zones blanches de téléphonie mobile, dont certaines ne seront couvertes que dans trois ans.
Or l'aménagement du territoire est un ensemble. L'annonce de 900 000 euros pour le contrat de site d'Argentan est fort séduisante, mais les fonds ne seront libérés que sous certaines conditions, ce qui est normal.
Dans le même temps le territoire se paupérise.
Ne trouvez-vous pas qu'il y a là une gestion incohérente des finances publiques et un lien bien évident avec notre débat d'aujourd'hui ?
Ne pourrait-on imaginer que les zones visées par le comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, le CIADT, ou par des mesures d'incitations fiscales se voient dans le même temps appliquer un moratoire pour la fermeture des bureaux de poste, des services publics et des écoles, de façon à laisser à ces territoires une chance réelle, et non pas formelle, de renaissance ?
Comprenez-moi bien, il n'est pas question de s'opposer en bloc à une rationalisation des services publics, sans doute nécessaire, ici ou là, en zone rurale : nous avons tous en tête l'exemple de tel ou tel bureau de poste ne recevant qu'une ou deux personnes par jour.
Mais il serait nécessaire de maintenir l'ossature de la présence de l'Etat pour mieux servir la réindustrialisation des zones fragiles, notamment des zones rurales.
De ce point de vue, le texte présenté par Hervé Gaymard atteste d'une avancée certaine, si - et seulement si - le financement des mesures annoncées est provisionné.
Ma dernière observation porte sur les incidences sur la fiscalité des collectivités locales.
M. Marini évoque, en pages 69 et suivantes de son rapport, la fiscalité des collectivités locales. La fiscalité locale est un casse-tête, comme chacun le sait.
Assurer aux collectivités locales les moyens de leurs compétences élargies constitue une précaution naturelle et un devoir de la part du législateur, et du Sénat en particulier.
Sans entrer dans un débat de spécialistes, il me semble, en temps que praticien, que les élus locaux, comme tous les contribuables, qu'il s'agisse de personnes physiques ou de personnes morales, doivent disposer de lisibilité.
Or, utiliser la taxe professionnelle, à géométrie variable, annoncer sa suppression ou annoncer un crédit de taxe professionnelle sans informer corrélativement des mesures compensatoires pour les collectivités ajoutent l'aléa à la complexité.
Les communes, notamment les communes rurales, sont exsangues, tout le monde le sait. Le fait que la fiscalité locale actuelle est « à bout de souffle » est un constat largement partagé, comme l'indique Philippe Marini à la page 71 de son rapport. Je ne peux que le suivre dans son souhait de voir mener une réforme en profondeur de l'ensemble de la fiscalité locale, afin de redonner aux élus locaux la visibilité nécessaire au plein exercice de leur mandat. Mais on le dit si souvent que nous n'y croyons plus, puisque le temps passe sans qu'elle se fasse.
Pour conclure, je crois sincèrement que notre assemblée, en matière de dépenses publiques, doit trouver une nouvelle méthode et un autre esprit, pour mobiliser les énergies et rendre confiance aux élus locaux et aux citoyens dans notre capacité à réformer l'Etat, pour leur redonner à la fois le goût de l'effort, comme on le leur demande si souvent, le goût du travail et celui de la responsabilité, qui sont les fondements de la dignité de l'homme.