Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen du projet de loi portant règlement définitif du budget de 2003 constitue un moment très important dans l'évaluation des résultats relatifs aux choix opérés par l'Etat lors de l'élaboration de la loi de finances initiale pour 2003.
Cette évaluation apparaît d'autant plus cruciale aujourd'hui compte tenu de l'incertitude du contexte économique - prix record du pétrole, euro élevé -, et ce peu de temps avant l'examen par la Haute Assemblée du projet de loi de finances pour 2005.
En effet, rappelons le contexte particulier de l'exécution budgétaire de 2003 : un projet de loi de finances fondé sur une estimation de croissance surévaluée - 2, 5 % -, certes volontariste, d'autant que ces prévisions étaient partagées par une grande partie des experts, mais sans doute trop optimiste, le taux de croissance effectif du PIB en 2003 ayant été de 0, 5 %.
Il était difficile de prévoir un ralentissement aussi fort, accentué par la réduction récurrente des investissements des entreprises, la morosité de la consommation des ménages, le court de l'euro fortement apprécié par rapport au dollar, mais aussi, et déjà, la hausse du prix du pétrole.
Rappelons que si la charge des dépenses est prévisible, car elle n'est pas fonction de la conjoncture, en revanche, en matière de recettes, la précaution doit prévaloir.
Le résultat, c'est un recul important du montant des recettes - vous l'avez indiqué en pourcentage, monsieur le secrétaire d'Etat -, en diminution de 11, 1 milliards d'euros, amplifiant très largement l'augmentation historique du déficit public de 12, 3 milliards d'euros, malgré un gel de crédits pour un montant de 10, 6 milliards d'euros.
A la fin de 2003, le déficit atteignait 56, 9 milliards d'euros et la dette publique, au sens de Maastricht, battait un triste record en s'élevant à un peu plus de 992 milliards d'euros, le ratio de la dette publique rapportée au PIB passant pour la première fois le seuil des 60 % en s'établissant à 63, 7 %, malgré des taux d'intérêts réels historiquement bas.
Afin de limiter les effets du ralentissement, les premières mesures mises en place, d'ailleurs consacrées par la loi de finances rectificative, sont des annulations de crédits qui grèvent les interventions économiques de l'Etat, ne lui permettant pas de respecter tous ses engagements financiers à court terme.
Le poids de la dette, ajouté à celui des dépenses de fonctionnement encore mal maîtrisées, ne permet plus à l'Etat de mener une politique d'investissements efficace.
Son désengagement, dans un climat comptable très dégradé, conduit à aggraver la frilosité des investisseurs.
Dès lors, quelles conclusions peut-on tirer de cette situation ?
Il est tout d'abord nécessaire de construire le projet de loi de finances sur des prévisions responsables.
Nos voisins européens fondent leur budget sur des prévisions de croissance toujours inférieures à celles des experts afin de limiter les effets des retournements de conjoncture, lesquels sont très amplifiés du fait de la sensibilité des recettes fiscales aux ralentissements de la croissance.
Par conséquent, il nous faut être prudents en matière non seulement de prévisions de croissance, mais aussi de choix fiscaux, et savoir mesurer les conséquences des mesures fiscales nouvelles.
Ainsi la baisse de l'impôt sur le revenu a diminué les recettes fiscales de 1, 168 milliard d'euros, sans réel effet sur la croissance.
Par ailleurs, il semble inconcevable que certaines dépenses récurrentes, dont le montant n'est pas sans conséquences sur le budget de l'Etat, n'apparaissent qu'en loi de finances rectificative. Tel est le cas des dépenses afférentes à la prime de Noël versée aux bénéficiaires du RMI. Mais cette affaire serait semble-t-il réglée.
Dans le contexte actuel, l'Etat n'a plus les moyens de conduire une politique expansionniste visant à relancer la consommation par des facilités budgétaires.
En effet, le budget de l'Etat est désormais, et pour longtemps, lourdement pénalisé par le poids excessif des crédits relatifs à la gestion de la dette.
Comme nous l'avions déjà fait remarquer lors de l'examen du précédent projet de loi de règlement, le déficit a, en exécution, décru régulièrement de 1995 à 2000. C'était d'autant plus méritoire que la croissance était absente ! La conséquence en avait été une baisse du ratio dette/PIB. L'exercice budgétaire de 2003 nous a fait franchir un seuil critique quant à la « soutenabilité budgétaire » de la dette française.
Monsieur le secrétaire d'Etat, la France vit à crédit. Une fois de plus, à l'instar de ce qui a été voté lors du projet de loi de réforme de l'assurance maladie, ce sont les générations futures qui auront à supporter nos abus.
De plus, comme l'a fort bien souligné Philippe Marini, la consommation est loin d'être l'unique moteur de la croissance. En effet, celle-ci dépend aussi très largement de l'investissement, de la recherche et de l'innovation.