Intervention de Robert del Picchia

Réunion du 10 novembre 2004 à 15h00
Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture — Adoption d'un projet de loi

Photo de Robert del PicchiaRobert del Picchia, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture a été adopté le 3 novembre 2001, dans le cadre de la Conférence de l'Organisation internationale des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, et signé le 6 juin 2002 par la Communauté européenne et les Etats membres de l'Union européenne.

Concrètement, qu'appelle-t-on « ressources phytogénétiques » ? Au risque, mes chers collègues, d'être un peu simplificateur, on peut dire que les ressources phytogénétiques sont, tout simplement, les semences ou les boutures, c'est-à-dire le matériel de reproduction utilisé pour ses propriétés héréditaires.

Les questions internationales qui se posent en matière de ressources génétiques concernent, principalement, leur conservation et les conditions de leur échange international. L'objet principal du traité sur les ressources phytogénétiques est donc d'assurer la conservation et l'utilisation durable des variétés élaborées au cours des siècles, selon des modes traditionnels de sélection.

En 1983, la conférence de la FAO, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, a adopté un engagement international sur les ressources phytogénétiques censé favoriser la prospection, la préservation, l'évaluation et la mise à la disposition de ces ressources auprès des sélectionneurs et des chercheurs. Cet engagement reposait, vous l'avez rappelé, madame la ministre, sur le principe universellement accepté conférant aux ressources génétiques le caractère de patrimoine commun de l'humanité.

Or, en mai 1992, la Convention sur la diversité biologique a, au contraire, posé le principe de la souveraineté des Etats sur leurs propres ressources et a privilégié l'objectif d'un partage juste et équitable des avantages provenant de l'exploitation des ressources phytogénétiques.

L'adoption de cette dernière convention a donc rendu nécessaire la révision de l'engagement international de 1983. Un régime spécifique, excluant les ressources phytogénétiques de la Convention sur la diversité biologique, est donc justifié : les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture sont en effet la base essentielle pour nourrir la population mondiale, en même temps que la matière première utilisée pour améliorer la qualité et la productivité des cultures. Ainsi, alors que nous réfléchissions sur ces problèmes lors d'une réunion de la commission des affaires étrangères, nous avons réalisé que nous mangerions tous, aujourd'hui, du chou sauvage si les ressources phytogénétiques ne s'étaient pas succédé au fil des siècles !

Les principales caractéristiques du traité sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture concernent tout d'abord, vous avez eu raison de le souligner, madame la ministre, les droits des agriculteurs.

A cet égard, le traité précise que rien ne doit limiter les droits que ces derniers peuvent avoir de conserver, d'utiliser, d'échanger et de vendre des semences de ferme ou du matériel de multiplication. Ainsi, les droits des agriculteurs font contrepoids aux droits à la protection de la propriété intellectuelle actuellement revendiqués par les industriels - je pense au problème des brevets - pour les créations variétales et les autres avancées du génie phytogénétique.

Par ailleurs, le traité institue un système multilatéral qui facilite l'accès aux ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture. A ce jour, la liste établie dans le traité comporte 35 plantes vivrières et 29 plantes fourragères retenues en raison de leur importance pour la sécurité alimentaire, puisqu'elles assurent 80 % des apports caloriques au niveau mondial. Notons que cette liste exclut notamment la vigne, la tomate et le soja.

L'accès facilité aux ressources incluses dans le système multilatéral est accordé lorsqu'il vise uniquement la conservation et l'utilisation à des fins de recherche, de sélection et de formation pour la sécurité alimentaire. Précisons que l'accès à ces ressources est exclu pour les utilisations chimiques et pharmaceutiques ou pour des utilisations industrielles non alimentaires et non fourragères.

Les modalités d'accès seront définies de façon détaillée sous la forme d'un ATM, un accord type de transfert de matériel.

Pour la France, les conséquences de ce traité sont bénéfiques. En effet, la tradition agricole de notre pays lui permet de posséder un potentiel important d'amélioration génétique pour l'agriculture et l'alimentation. Ce potentiel s'appuie notamment sur une très bonne organisation tant de la recherche que de la gestion de la diversité et de la sélection génétiques, organisation à laquelle participent de nombreux acteurs publics ou privés.

L'action de ces divers opérateurs français sera confortée par ce traité car, dans notre pays, la filière des semences, en pleine croissance, joue un rôle de premier plan.

Ainsi, l'ensemble de la production française représente 1, 3 million de tonnes et un chiffre d'affaires de 1, 72 milliard d'euros. Avec des exportations s'élevant, au total, à 503 millions d'euros, la France se place au troisième rang mondial.

En termes d'emplois, la filière des semences regroupe en France 90 établissements obtenteurs, soit plusieurs milliers de chercheurs et techniciens dans les organismes de recherche publique, 250 établissements multiplicateurs et 24 000 points de vente.

C'est pourquoi, mes chers collègues, j'estime qu'il est souhaitable que ce traité soit ratifié et je vous propose, au nom de la commission des affaires étrangères, d'adopter ce projet de loi.

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