Intervention de Alain Vasselle

Réunion du 20 mai 2009 à 14h30
Réforme de l'hôpital — Article 26, amendement 249

Photo de Alain VasselleAlain Vasselle :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la création des ARS constitue une évolution importante de l’organisation de notre système de soins. Nous partageons un même objectif : l’amélioration ou l’optimisation du système de santé.

Certes, ces structures nouvelles seront dotées de compétences très larges, mais nous devons prendre garde à ne pas trop attendre d’elles.

Les directeurs généraux des ARS auront à gérer des dossiers très lourds, d’où ma crainte de les voir absorbés en quasi-totalité par la question hospitalière, en raison de l’importance des budgets et des négociations contractuelles à mener avec l’ensemble des établissements de santé publics et privés.

Les directeurs généraux devront être dotés de nombreuses qualités pour assurer la mise en œuvre et la direction de ces agences, et il faut espérer qu’ils auront la volonté, contrairement aux directeurs d’ARH, qui en ont parfois été dépourvus, d’être en contact avec les élus locaux, et ce d’autant plus que les ARS devront intervenir dans le champ du médico-social en collaboration avec les départements.

Au nom de la rationalisation administrative, on a fait le choix de confier à une seule structure à la fois l’organisation de l’offre de soins, le contrôle de la dépense hospitalière et la gestion du risque assurantiel en santé. Je persiste à dire qu’il y a des risques de conflit d’intérêt à confier à une même structure l’ensemble de ces missions. J’entends bien que, au stade où nous en sommes, ce n’est qu’un point de vue personnel qui n’est pas partagé, mais je prends date et nous aurons certainement l’occasion de reparler de ce sujet dans les mois ou les années qui viennent.

Je rappelle que les ARH n’ont pas su mener de front les missions d’organisation et de contrôle. En tant que président de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale je peux le confirmer, compte tenu des nombreuses auditions que j’ai conduites sur l’hôpital ; je vous renvoie au rapport que nous avons publié sur cette question.

Nos voisins européens font souvent le choix de dissocier ces fonctions sans pour autant remettre en cause le caractère régalien des politiques de santé.

Au-delà de cette argumentation sur le fond, madame la ministre, je voudrais aborder la question de façon plus pragmatique et concrète dans la perspective de la mise en œuvre de ce projet de loi.

Dans quelques mois, les directeurs généraux vont devoir mettre en place des structures rassemblant plusieurs centaines de personnes venues d’horizons variés, porteuses de cultures administratives différentes. Il est difficile de croire, quelles que soient les qualités de ces hommes et de ces femmes, qu’ils pourront mener de front l’ensemble des missions qui leur seront confiées. Leur priorité - et c’est indispensable - sera de travailler à une meilleure organisation de l’offre de soins avec les établissements de santé et les communautés hospitalières de territoires créées, avec les établissements médico-sociaux, dans le domaine de la médecine ambulatoire, pour laquelle nos attentes sont grandes et le temps compté, comme mes collègues l’ont souvent souligné.

Des avancées considérables ont été réalisées grâce au Sénat dans le domaine de la médecine ambulatoire, par la voie d’un amendement que j’avais fait adopter en loi de financement de la sécurité sociale. Je rappelle qu’à l’époque le Gouvernement avait été réservé sur l’adoption de cet amendement. Ensuite, on a constaté que la CNAM avait joué un rôle essentiel. La médecine ambulatoire a pu être développée avec des résultats significatifs qui ont permis d’aboutir à la maîtrise médicalisée d’un certain nombre de dépenses, notamment à l’hôpital.

Comment, dans un tel contexte et devant une telle urgence, les directeurs généraux pourront-ils mener de front les missions d’organisation des soins et de gestion de risque ?

Pouvons-nous prendre le risque que certaines compétences transférées vers les ARS ne soient pas exercées pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois ? Pouvons-nous interrompre des dynamiques que nous avons eu tant de mal à mettre en œuvre et qui commencent à produire leurs effets, comme je viens d’en faire état à l’instant.

Voila pourquoi j’ai proposé des modifications à l’architecture initialement retenue.

Voilà pourquoi j’ai souhaité optimiser la place et le rôle des ARS par rapport aux autres acteurs du système.

Voilà pourquoi j’ai déposé l’amendement n° 249 rectifié, qui ne se traduira pas par une dépossession de compétences au détriment de l’État ou des ARS. La politique de gestion du risque sera décidée au niveau national – l’amendement de la commission nous en donne la confirmation –, dans le cadre d’un comité national. La convention d’objectifs et de gestion qui lie les caisses d’assurance maladie précisera les objectifs que l’État fixe aux caisses et permettra de suivre leur exécution.

Une telle solution, qui s’inscrit dans la continuité des amendements adoptés sur l’initiative de la commission, présente l’avantage de faciliter la prise en compte d’une dimension régionale dans la gestion du risque, sans obliger le directeur général de l’ARS à signer des conventions avec l’ensemble des caisses. Les orientations souhaitées par l’ARS seraient ainsi mises en œuvre.

Madame la ministre, cette convention pourrait, comme l’a d’ailleurs évoqué le secrétaire général de votre ministère dans une interview, contenir des dispositions plus larges, par exemple pour la mise en œuvre d’actions de prévention ou de mesures destinées à favoriser l’offre de soins.

Je voudrais apporter une précision qui me semble importante : si les ARS devaient passer des conventions avec l’ensemble des caisses du régime général, cela se traduirait concrètement par la signature de plus de 240 documents !

Pour en terminer, permettez-moi de relever que, lorsqu’il s’agit du niveau national, il est fait référence à des « conventions » - je vous renvoie à un amendement du Gouvernement avant l’article 26 sur lequel la commission a émis un avis favorable -, mais que, pour le niveau régional, la notion de « convention » est abandonnée au profit de celle de « contrat ». S’il n’y a vraiment aucune différence entre les deux, pourquoi ne pas retenir le terme « convention » également pour la gestion du risque au niveau régional ?

J’aurai sans doute l’occasion d’intervenir de nouveau sur cette question lors de la discussion des amendements. M. le président de la commission a fait des propositions qui vont très largement dans la direction que je souhaite ; je présenterai les miennes, et nous verrons si le Sénat est en mesure de les accepter.

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