Intervention de Roselyne Bachelot-Narquin

Réunion du 20 mai 2009 à 14h30
Réforme de l'hôpital — Article 26

Roselyne Bachelot-Narquin, ministre :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l’article 26, qui vise à créer les agences régionales de santé, est d’une telle importance qu’il aurait même pu constituer le titre Ier de ce projet de loi.

La création des ARS procède d’un choix stratégique fondamental : il s'agit de renforcer le pilotage territorial de notre système de santé en nous donnant les moyens d’une réelle efficacité.

Cette réforme s’inscrit dans un mouvement engagé depuis plusieurs années, qui vise au renforcement de l’échelon régional comme niveau pertinent pour la déclinaison des politiques nationales de santé. Les ARH, puis les URCAM et les GRSP ont marqué une étape importante dans ce processus.

Les ARS constituent, en quelque sorte, l’aboutissement de cette évolution.

La création des agences répond donc à une triple ambition de simplification, de territorialisation et de responsabilisation.

Simplification, car notre système est trop complexe.

Territorialisation, car nous allons mener des politiques de santé adaptées aux besoins locaux, ce qui nous conduit à renforcer l’ancrage territorial de ces politiques. Territorialiser, c’est aussi rassembler l’organisation de l’offre de soins au niveau régional entre les mains d’un seul acteur pour répondre à deux attentes fondamentales de nos concitoyens : l’accès aux soins et la lutte contre les déserts médicaux, d'une part, et l’amélioration des parcours de soins, d'autre part.

Menée depuis Paris, cette transition est vouée à l’échec ; menée localement, grâce à un pilotage commun de l’hôpital, du médico-social et de la médecine ambulatoire, elle pourra réussir.

Responsabilisation, enfin, car il s’agit de donner plus de responsabilités au niveau local, non seulement aux ARS, qui auront de réelles marges de manœuvre, mais également aux différents acteurs du système de santé.

La création des agences régionales de santé offre l’occasion d’un incontestable renforcement de la démocratie sanitaire.

Conformément à la définition de la santé donnée par l’OMS, les ARS ont un large champ de compétence, qui couvre l’ensemble des secteurs de la santé : la santé publique, les soins ambulatoires et hospitaliers, la prise en charge et l’accompagnement médico-sociaux. Quant à leurs missions, elles seront doubles : assurer le pilotage régional des politiques de santé et réguler le système de santé en organisant l’offre de services de santé.

À ce titre, ces agences vont définir et mettre en œuvre, avec le concours des organismes d’assurance maladie et de la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, des actions propres à prévenir et à gérer le risque assurantiel en santé.

À cette fin, le dispositif de gouvernance prévu est conçu pour satisfaire deux objectifs majeurs : l’efficacité, pour donner aux ARS les moyens de son action, et la démocratie, pour permettre une construction collective de la politique de santé en région.

Pour assurer le pilotage efficace de leurs missions, le choix a été clairement fait de doter les ARS d’un exécutif fort et responsable, chaque directeur général étant nommé en conseil des ministres.

Pour renforcer la démocratie sanitaire, qui est conçue comme un principe fondateur de la gouvernance, les ARS disposeront d’une instance délibérative – le conseil de surveillance –, dont la composition traduit clairement une volonté d’équilibre entre les forces constitutives des ARS que sont l’État et l’assurance-maladie et une volonté d’ouverture à la démocratie politique, représentée par les élus locaux, et à la démocratie sociale, c'est-à-dire les partenaires sociaux et les représentants des patients, des personnes âgées et des personnes handicapées.

Le conseil de surveillance de l’ARS a un rôle à la fois majeur et précis. Il doit orienter les décisions stratégiques et veiller à ce que les actions y répondent. Il s’occupe donc, en amont, des objectifs et, en aval, des résultats ; en revanche, il n’est pas un conseil d’administration.

La conférence régionale de la santé et de l’autonomie, dont l’organisation et les missions sont renouvelées, voit son périmètre élargi et a pour vocation de rassembler et de responsabiliser tous les acteurs du monde de la santé : élus, usagers et associations. C’est l’organe vivant de la démocratie sanitaire. Au-delà de ses seuls avis, elle aura un droit d’auto-saisine pour faire toute proposition à l’ARS sur la politique régionale de santé.

Afin d’organiser le travail partenarial entre les autorités publiques, le projet de loi prévoit la création de deux commissions de coordination des politiques publiques de santé, l’une dédiée à la prévention, l’autre au secteur médico-social.

Ces commissions ont pour fonction de permettre aux différents responsables publics chargés de politiques concourant à la santé – collectivités territoriales, organismes de sécurité sociale ou services de l’État – de travailler ensemble pour coordonner au mieux les objectifs et les modalités de leurs actions respectives.

Enfin, la prise en compte de l’expression la plus fine des besoins trouvera toute sa place au sein des conférences de territoires, qui doivent non seulement être des lieux de concertation entre les acteurs concernés dans chaque territoire de santé, mais également apporter des réponses concrètes aux besoins de santé des populations, par le biais de propositions d’actions qui s’inscriront dans les contrats locaux de santé.

L’efficacité de la gouvernance repose ainsi sur un exécutif fort, ayant autorité dans la conduite de l’action de l’agence, tandis que le contrôle de son action et de sa gestion est de la responsabilité du conseil de surveillance et qu’il appartient à la CRSA de conduire la concertation et le débat sur la politique de santé en région.

En ce qui concerne le pilotage national, on ne peut, à l’évidence, fédérer le pilotage territorial de notre système de santé en laissant, comme c’est le cas aujourd’hui, le niveau national organisé en « tuyaux d’orgue » cloisonnés.

Cela implique un pilotage stratégique fort en termes d’objectifs fixés aux ARS, de cohérence des instructions qui leur sont données, d’élaboration des contrats, de suivi de leurs actions et d’évaluation de leurs résultats.

Pour répondre à ces enjeux, le projet de loi prévoit la création d’un conseil national de pilotage des agences régionales de santé. Ce conseil réunira les représentants de l’État, des régimes d’assurance maladie membres de l’UNCAM et de la CNSA.

La commission des affaires sociales a très utilement précisé le dispositif prévu dans le projet de loi pour les instructions et directives adressées aux agences, en définissant les missions confiées au conseil national de pilotage. Les compétences de ce conseil devront bien évidemment s’exercer dans le cadre des instructions ministérielles et dans le respect des pouvoirs propres des ministres qui le président, n’est-ce pas, chère Valérie Létard.

En ce qui concerne la politique régionale de santé, l’action de chaque ARS est définie au sein de trois types de documents : le plan stratégique régional de santé, qui fixe les objectifs de santé pour la région, la stratégie de l’ARS et ses priorités d’action communes aux secteurs de la prévention, de la sécurité sanitaire, des soins, du médico-social ; les schémas sectoriels d’organisation, qui précisent les mesures concrètes déclinant les priorités pour chacun des secteurs ; les programmes qui détaillent les actions concrètes à mener pour mettre en œuvre les schémas.

Ces documents sont complétés par le programme régional pluriannuel de gestion du risque, qui porte sur l’amélioration des pratiques soignantes et des modes de recours aux soins et sur le respect des dispositions réglementaires et conventionnelles dans l’exercice des professions de santé.

Cher Alain Vasselle, ce programme reprend les actions définies par la caisse nationale de l’assurance maladie, précise les adaptations nécessaires aux réalités locales, identifie les initiatives régionales liées à la politique de santé menée en région et facilite la coordination entre les services et les caisses d’assurance maladie. Je suis sûre que les rédactions proposées permettront de concilier nos points de vue, qui sont en réalité extrêmement proches.

Le processus d’élaboration de la politique régionale de santé associera, grâce à une large concertation, les représentants des acteurs de santé dans la région.

La concertation est aussi territorialisée au sein de la conférence de territoire, où chaque ARS peut rassembler les représentants des acteurs de santé du territoire. Elle peut aboutir à l’élaboration d’un projet de santé local, se traduisant par des contrats locaux de santé.

Enfin, l’action des agences doit être articulée avec les autres politiques en faveur de la santé ou complémentaires par rapport aux stratégies de santé. J’ai évoqué les commissions de coordination des politiques qui réuniront autour des ARS les différentes autorités publiques responsables d’un segment d’une politique de santé ou de politiques sociales complémentaires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il ne s’agit ni de privatisation ni d’étatisation. Je remarque que, curieusement, certains ont réussi à formuler ces deux reproches dans une même intervention, ce qui est tout de même assez paradoxal !

Je voudrais répondre à MM. Daudigny, Chevènement et Fischer, qui en somme nous reprochent de charger les ARS de faire respecter l’ONDAM. On peut regretter que le niveau de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, qui est débattu et fixé à l’occasion de la discussion de chaque projet de loi de financement de la sécurité sociale, ne soit pas assez élevé. Il est tout à fait normal que chacun puisse s’exprimer à cet égard, mais à une condition : si l’on veut un ONDAM plus élevé, il faut alors indiquer par quelles recettes sera financée l’augmentation. Il est toujours facile de demander plus, beaucoup moins d’indiquer les impôts, taxes et cotisations qui devront en conséquence être augmentées !

Quand l’ONDAM est voté par le Parlement, le rôle de l’administration de l’État et de l’assurance maladie est pour le moins de s’assurer que l’objectif que vous avez fixé, mesdames, messieurs les sénateurs, est respecté par ceux qui ont la charge de le mettre en œuvre. Le reproche qui est fait au Gouvernement est donc, ici encore, bien curieux !

Par ailleurs, je vous ai entendus dire que les directeurs généraux des ARS auraient des missions importantes. Oui, je vous le confirme, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle, en liaison avec le secrétaire général des ministères chargés des affaires sociales, chef de la mission ARS, ainsi que, bien évidemment, avec mes collègues Brice Hortefeux et Valérie Létard, j’apporterai un soin tout particulier à leur recrutement.

Rassurez-vous, ces hommes et ces femmes qui auront, à la tête des ARS, à mettre en œuvre cette politique ne seront pas seuls : ils seront entourés par toute une équipe. Je souhaite d’ailleurs que l’ensemble des administrations de l’État et de l’assurance maladie qui vont concourir à la création de cet échelon régional aient des représentants au sein de ces équipes de direction afin de les faire profiter de leur culture, de leur connaissance, de leur expérience. C’est cela qui fera la richesse des agences régionales de santé !

Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, la politique de santé est de la responsabilité de l’État ! C’est une fonction régalienne. Je trouve donc également curieux que l’on invoque le pacte de 1945…

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