J’en reviens au prélèvement sur nos recettes de 18, 9 milliards d’euros.
Situons-les, tout d’abord, par rapport aux prélèvements opérés les années précédentes. Je rappelle que le prélèvement finalement exécuté est toujours différent du prélèvement voté. Comment en serait-il autrement ?
Nous votons aujourd’hui, 26 novembre, l’article 33 du projet de loi de finances, qui nourrira un budget européen non encore arrêté puisqu’il ne sera examiné en deuxième lecture par le Parlement européen que le 18 décembre. Nous ne savons donc pas encore ce que sera le budget européen, et il y aura, en 2009, des rectificatifs, des reports et des sous-consommations.
Pour illustrer mon propos et le résultat de ce décalage dans le temps, je citerai quelques chiffres.
Pour 2007, le prélèvement exécuté s’élevait à 17, 2 milliards d’euros, montant inférieur de 1, 5 milliard à celui de 18, 7 milliards d’euros que nous avions voté.
Pour 2008, le prélèvement exécuté dépassera de plus de 300 millions les 18, 7 milliards d’euros votés.
Les comparaisons ont donc peu de sens !
Le prélèvement voté pour 2008 était en augmentation de 6 % par rapport au prélèvement exécuté de 2007. Quant au prélèvement voté pour 2009, il n’affichera qu’une progression de 1 % par rapport au prélèvement exécuté pour 2008.
Il faut une lecture interannuelle de l’évolution du prélèvement si l’on veut éviter de tirer des conclusions hâtives, comme certains ne s’en privent pas dans de mauvaises intentions. Nous devons veiller à ne pas tomber dans ce piège.
Je préfère remarquer que ce prélèvement, qui représente 1 % de notre produit intérieur brut et 6 % de nos recettes fiscales, est de l’ordre du tiers de ce que devrait être le déficit de notre budget national pour 2009. Cela paraît peu, mais uniquement parce que notre déficit est beaucoup trop lourd.
Là aussi, il faut savoir raison garder. Nous ne devons jamais oublier que nous avons une ardente obligation de contrôler le déficit.
La France demeure le deuxième pays contributeur au budget communautaire, derrière l’Allemagne et devant l’Italie, l’Espagne, le Royaume-Uni. La part de sa contribution représente l7, 4 % du total.
Depuis 2006, la France a remplacé l’Espagne au rang de premier pays bénéficiaire des dépenses du budget communautaire, politique agricole commune oblige.
Je rappelle, par ailleurs, que le prélèvement tient compte de la nouvelle décision relative au système des ressources propres des Communautés européennes du 7 juin 2007, que j’ai eu l’honneur de rapporter devant vous, mes chers collègues, et que vous avez bien voulu transcrire dans notre droit national, le 15 mai dernier, suivant en cela mes recommandations.
Cette décision modifie, dans un sens plutôt favorable, les modalités de calcul et de financement du chèque britannique, qui nous coûte, et ce n’est pas marginal, encore 1, 5 milliard d’euros, soit près de 10 % de notre contribution au budget européen. Il ne faut jamais l’oublier !
J’en viens au budget européen pour 2009, que permet de financer ce prélèvement.
L’avant-projet de la Commission consacre une augmentation de 3, 1 % des crédits d’engagement par rapport au budget pour 2008, qui atteignent 134, 4 milliards d’euros. Les principales augmentations de crédits traduisent la volonté de la Commission de consacrer la part la plus significative du budget communautaire à la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne.
Les crédits de paiement affichent, en revanche, une baisse de 3, 3 % et s’élèvent à 116, 7 milliards d’euros. Les années 2007 et 2008 ont concentré les derniers paiements réalisés au titre des perspectives financières closes en 2006, et la majeure partie des avances de paiement pour la nouvelle programmation. Nous voyons là un des défauts du système des perspectives financières interannuelles.
Adopté à l’unanimité du Conseil, le projet de budget proposé par la présidence française sur la base de cet avant-projet de la Commission se veut « réaliste ». Les coupes réalisées en crédits d’engagement et en crédits de paiement ont principalement pour origine la prise en compte de sous-exécutions passées sur certains programmes, ou ont une vocation « tactique » en vue de la négociation entre le Parlement européen et le Conseil. La dernière séance, qui s’est déroulée le 21 novembre, a d’ailleurs permis d’avancer et nous devrions pouvoir conclure, cette année, avant la fin de l’exercice 2008.
L’avant-projet de la Commission a été préparé avant la crise. Le Parlement européen et le Conseil ne proposent pas, à ma connaissance, de le modifier.
Le hasard du calendrier veut que nous débattions de notre contribution à ce budget le jour même où la Commission européenne va rendre public un « plan de relance en faveur des économies du continent ». Annoncé à 130 milliards d’euros, soit le montant du budget européen lui-même – nouveau hasard ! –, ce plan serait essentiellement composé de crédits ouverts sur les budgets nationaux. On ne touche pas au budget européen : la participation du budget communautaire demeurerait marginale et prendrait la forme d’une accélération des paiements aux États membres et d’interventions du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation, fort peu utilisé jusqu’à présent.
Si, dans une démarche intergouvernementale, induite et pilotée par la présidence française, l’Europe a su réagir à la crise financière, elle a peiné un peu plus à bâtir un plan de relance qui, au demeurant, demeure lui aussi largement intergouvernemental.
Quant à la Commission, gardienne de la méthode communautaire, elle suit le Conseil et sa présidence, sans doute quelque peu paralysée par la proximité de son renouvellement, mais consciente tout de même de la nécessité de coordonner au moins les plans des États afin de leur donner une valeur supplémentaire d’entraînement collectif.
S’agissant du pacte de stabilité, dont on parle beaucoup actuellement, tout le monde semble s’accorder pour considérer qu’il doit être « temporairement mis entre parenthèses ». Vous devrez veiller, monsieur le secrétaire d’État, à ce que ses détracteurs n’interprètent pas cela comme sa fin et, de ce fait, comme une victoire. Vous devez rappeler, à temps et à contretemps, que le principe du pacte exprime une exigence vertueuse.
Moins de plan ne signifierait pas moins de dette. Bien au contraire ! Et la dette reste l’ennemi numéro un du développement durable. Il faut donc rester vigilant et se montrer très attentif à la sémantique employée.
Veillez aussi, monsieur le secrétaire d’État, à ce que les dépenses autorisées « en dérogation du pacte » financent des investissements à « retours » rapides et importants !
On peut accepter une difficulté temporaire, à condition que celle-ci représente un plus grand bien pour demain. Souvenons-nous que le mot grec krisis signifie temps décisif. Or, dans les temps décisifs, nous n’avons aucun droit à l’erreur !
Sans doute souffrons-nous ici aussi d‘une certaine difficulté à vivre pleinement le couple franco-allemand. Je sais, monsieur le secrétaire d’État, que vous le déplorez au moins autant que moi. J’espère que le rapprochement de ces dernières vingt-quatre heures sera réellement durable.
Il est indispensable qu’on arrive à rebondir et à reconstruire un couple vraiment uni. Les temps de crise et l’avenir de l’Europe l’exigent. Nous n’en ferons jamais trop pour chercher à mieux nous comprendre !
Nous voyons enfin combien une politique économique européenne nous manque. Le budget de l’Union européenne n’a pas la taille critique qui lui permettrait de jouer un rôle de stabilisation conjoncturelle.
Je note d’ailleurs, en ces temps difficiles, que les 130 milliards d’euros du budget de l’Union européenne sont finalement bien modestes en comparaison des sommes avec lesquelles le monde jongle en ce moment pour tenter de juguler la crise et relancer la croissance.
Pour autant, il est primordial que les citoyens européens prennent la mesure des efforts consentis par le budget communautaire pour préserver et dynamiser l’activité économique en Europe.
Dans l’immédiat, et bien que cette initiative ressortisse essentiellement au domaine du symbole, notre travail de pédagogie communautaire doit plus que jamais consister à rappeler combien sont importants les investissements européens dans la recherche, la formation, la compétitivité et les réseaux transeuropéens. Ils doivent absolument être privilégiés.
Si nous voulons que l’Europe puisse poursuivre sa construction – et vous savez que, personnellement, j’y suis passionnément attaché – il faut le faire dans la rigueur, en ces temps de crise, où souvent on peut rebondir et bien repartir. Saisissons cette occasion pour préparer un avenir plus solide et plus fort !
Pour en revenir à l’article 33, j’invite le Sénat, au nom de la commission des finances, à le voter dans un esprit constructif et tourné vers l’avenir afin d’éviter une crise et de poursuivre la construction de l’Union européenne. (