Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de regretter que, sur un sujet aussi important que celui des relations financières entre la France et l’Union européenne, notre débat soit aussi formel.
Je m’explique. Nous sommes réunis pour discuter et débattre des crédits octroyés par la France pour abonder le budget de l’Union européenne, à hauteur de 18, 9 milliards d’euros, et des choix opérés par ce budget, mais sans pour autant que les avis que nous pourrions émettre n’aient une quelconque conséquence.
Quel que soit notre vote, la somme inscrite dans le projet de loi de finances est une obligation juridique imposée par l’Union européenne sous peine de poursuite par la Cour de justice.
Curieuse idée du débat démocratique et de la représentation nationale ! Et c’est bien là que le bât blesse : la construction européenne est marquée par un déficit démocratique majeur dont la discussion budgétaire n’est qu’une illustration.
À ce titre, je rappelle que le traité de Lisbonne est caduc, ne vous en déplaise, puisque l’Irlande l’a rejeté à plus de 54 %, comme les peuples français et néerlandais avaient rejeté en 2005 le traité constitutionnel. Pourtant, les documents budgétaires continuent d’évoquer les conséquences d’une ratification prochaine. Il s’agit là d’un véritable déni de démocratie. Ce traité, par ailleurs, ne s’illustrait pas franchement par sa grande ambition de démocratisation des institutions ! Ainsi, le droit d’initiative législative, y compris budgétaire, était toujours refusé au Parlement européen.
Par ailleurs, ce projet de budget ne tient absolument aucun compte de la crise économique et sociale que nous traversons ! Pourtant, comment ne pas reconnaître que le cadre des prévisions pluriannuelles couvrant la période 2007-2013 est obsolète et que, dès à présent, c’est-à-dire, y compris dans les choix budgétaires, il convient de réorienter les politiques européennes vers l’économie réelle ? Je rejoins ainsi, une fois n’est pas coutume, certaines préoccupations exprimées par M. le rapporteur général.
La crise trouve ses fondements dans l’application des politiques économiques et monétaires libérales incarnées au niveau européen par le pacte de stabilité, la marchandisation de toutes les activités humaines ou bien encore l’indépendance de la Banque centrale européenne.
En un demi-siècle d’existence, l’Union européenne n’a eu qu’un seul objectif : l’achèvement du marché intérieur entièrement libéralisé. Le projet politique n’est donc pas celui d’une Europe des peuples, mais c’est celui d’une Europe de la finance où la circulation des capitaux ne subit aucune entrave, celui d’une Europe libéralisée où les actionnaires décident seuls des politiques industrielles.
Pour cette raison, nous appelons régulièrement de nos vœux la réorientation des politiques européennes dans le sens d’une solidarité renforcée entre les pays membres et d’un projet commun soucieux du progrès partagé permettant d’allier performance économique, sociale et environnementale. Le projet que vous nous proposez ne va pas dans ce sens.
Il s’agit d’un budget de la continuité totalement imprégné du cadre financier pluriannuel. Les conclusions du Conseil européen de 2005 avaient pourtant invité la Commission « à entreprendre un réexamen complet et global, couvrant tous les aspects des dépenses de l’Union européenne, y compris la politique agricole commune, ainsi que des ressources, y compris la compensation en faveur du Royaume-Uni et à faire un rapport en 2008-2009 ».
La communication du 12 novembre dernier ne révèle cependant aucun changement. Ainsi, le système de ressources resterait fondé sur le revenu national brut, tout en prévoyant la suppression des corrections ainsi que de la ressource TVA.
De plus, la décision concernant ce que l’on appelle les « ressources propres » n’apporte aucune clarification sur cette notion elle-même. Les prélèvements communautaires incarnés par la ressource du RNB qui représente 66 % des ressources de l’Union européenne s’apparentent bien plus à un système de contributions budgétaires qu’à un transfert de produit fiscal spécifique aux communautés européennes.
Nous pensons qu’un large débat doit donc être mené sur les ressources de l’Union européenne et sur le niveau d’engagement que nous pouvons attendre de l’Europe. Ainsi, si l’idée même d’un impôt européen n’est pas sans poser de problème, nous jugeons intéressante la proposition, formulée par le gouvernement autrichien, d’une taxe européenne sur les transactions financières. Cette proposition prend tout son sel dans le contexte actuel de crise financière.
Quoi qu’il en soit, un budget traduit nécessairement des objectifs politiques. Celui de l’Union européenne pour 2009 manque d’ambition dans des domaines fondamentaux comme ceux de la politique extérieure, de la solidarité, des politiques sociales et environnementales. À ce titre, vous reconnaissiez, monsieur le secrétaire d’État, que les crédits accordés « à l’énergie, au climat, aux infrastructures, aux relations extérieures, à l’aide au développement, à la recherche et au développement, à l’aide aux PME […] ne représentent aujourd’hui que 20 % du budget ».
Il s’agit donc une nouvelle fois d’un budget de saupoudrage et de compromis, « largement déterminé par les considérations en termes de « retour net » pour les États contributeurs », par le biais notamment des fonds structurels. C’est regrettable et cela donne une piètre image de l’Europe politique !
Concernant les dépenses, l’avant-projet de budget prévoit 134 milliards d’euros en crédits d’engagement et 116, 7 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une baisse de 3, 3 % comparativement au budget pour 2008.
Le Conseil européen a effectué des coupes importantes et ciblées s’élevant à 469, 5 millions d’euros en crédits d’engagement et à 1, 7 milliard d’euros en crédits de paiement.
Ces coupes sévères concernent le budget de la rubrique « Conservation et gestion des ressources naturelles », moins 497 millions d’euros ; de la politique de cohésion, moins 550 millions d’euros ; ainsi que celui de la politique extérieure, moins 392 millions d’euros.
Je voudrais maintenant revenir sur certaines lignes définies par le projet de budget pour 2009.
Concernant les crédits alloués au titre de la compétitivité, de la croissance et de l’emploi, vous me permettrez de noter que les dépenses relatives à la politique sociale sont parfaitement ridicules : elles atteignent péniblement 178 millions d’euros de crédits d’engagement en 2009 dans l’avant-projet de budget ; en crédit de paiement, cette mission baisse de 6, 7 % comparativement à 2008.
C’est un comble, alors que nous nous apprêtons à traverser une crise sociale sans précédent !
De plus, le Conseil européen de mars 2008, en lançant le nouveau cycle de la stratégie de Lisbonne, avait affirmé l’importance de la dimension sociale en « faisant valoir en particulier la nécessité de poursuivre l’intégration des politiques économiques, des politiques de l’emploi et des politiques sociales ». Nicolas Sarkozy lui-même annonçait le 27 février 2007 : « Je veux une Europe à l’intérieur de laquelle aucun État ne puisse pratiquer le dumping social. » Pourquoi, une nouvelle fois, ce décalage entre les déclarations d’intention et les actes ?
Concernant les politiques économiques, la Commission continue de pousser dans le sens d’une libéralisation accrue par une concurrence renforcée. Ainsi, l’existence de tarifs réglementés de l’énergie est-elle toujours menacée. Parallèlement, la dimension environnementale passe à la trappe. Le fameux plan « énergie-climat », tant attendu par les associations, n’est plus la priorité du l’Union. Les vingt-sept membres peinent à se mettre d’accord et les engagements sont revus à la baisse. Nous allons, une nouvelle fois, assister à une tractation laborieuse entre les États membres, sans que s’en dégage une quelconque notion d’intérêt général communautaire. C’est profondément regrettable.
Concernant les dépenses au titre de la cohésion, qui représente le deuxième poste de dépenses de l’Union, soit 36 % du budget, on ne peut que déplorer la forte baisse des paiements qui sont amputés de 14, 5 % dans le projet de budget pour 2009. Il faudrait pourtant veiller à ce que les ressources nécessaires aux politiques de cohésion demeurent garanties afin de pouvoir relever les défis actuels et futurs au vu du principe de solidarité prévalant au sein de l’Union européenne.
Il faut lutter contre les disparités économiques, sociales et territoriales. C’est sur ce plan que l’Europe est attendue par les populations. C’est dans la lutte contre les inégalités que la construction européenne trouvera son sens profond.
Les dépenses rattachées à la rubrique « Conservation et gestion des ressources naturelles » recouvrent essentiellement la politique de la PAC. Il s’agit du premier poste de dépenses, représentant encore aujourd’hui 42 % du budget. Pourtant, selon les perspectives financières, les politiques agricoles devraient progressivement diminuer. Ainsi, à réglementation constante, la France risque de cesser d’être destinataire de l’aide de la PAC, dès 2013, du fait de la montée en puissance des aides directes dans les nouveaux États membres. La refonte annoncée et attendue de la PAC représente des enjeux majeurs. À l’heure actuelle, seuls 25 % des agriculteurs européens perçoivent des aides de la PAC.
S’agissant des actions relevant de l’espace « Justice, liberté et sécurité », nous ne nous étonnerons pas que les crédits consacrés au programme-cadre « Solidarité et gestion des flux migratoires » soient en nette augmentation. Ils soutiennent une politique européenne qui s’inscrit dans un mouvement répressif, comme le confirme le pacte européen sur l’immigration et l’asile adopté au Conseil européen les 15 et 16 octobre derniers.
Pourtant, aucune politique sécuritaire ne permettra de répondre aux causes des migrations vers l’Europe.
S’agissant des actions extérieures, le budget octroyé reste dérisoire. L’insuffisance des moyens alloués au Kosovo, au Moyen-Orient et à l’aide alimentaire est inadmissible, cela sans parler de la politique européenne dans le conflit Israélo-palestinien, qui mériterait un tout autre engagement de l’Europe. Cela confirme que l’Union européenne refuse de devenir un acteur majeur sur la scène internationale.
En définitive, le budget de l’Europe n’est pas à la hauteur des enjeux. Au-delà de la question, toujours éludée, d’une véritable augmentation du budget européen, la question fondamentale de la répartition des crédits est significative de l’orientation de la construction européenne, qui reste fondamentalement libérale.
Pour toutes ces raisons, le groupe CRC votera contre cet article 33.