Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le tour d’horizon très complet que vient d’effectuer mon collègue Simon Sutour.
Je me permettrai de vous présenter quelques remarques sur l’un des théâtres d’action de l’intervention européenne : la politique industrielle, s’agissant en particulier de l’industrie automobile.
J’interviens le jour même où la Commission européenne s’apprête à annoncer des mesures sectorielles et conjoncturelles qui auront, je l’espère, des incidences budgétaires. Surtout, j’interviens au moment où l’ensemble des constructeurs européens, victimes, à des degrés divers, de la crise bancaire et des dérégulations boursières irresponsables, mais aussi d’une sensible baisse du pouvoir d’achat de leurs clients, enregistrent l’un des plus forts reculs des immatriculations de leur histoire et s’apprêtent à vivre une récession économique de très grande ampleur. À titre d’exemple, le chômage partiel sévit depuis plus d’un mois dans le bassin d’emploi de Montbéliard, où est implantée la plus grande entreprise de France.
L’Union européenne, il faut le rappeler, a toute légitimité pour sauver ce fleuron de l’industrie : d’une part, !a filière automobile emploie en amont et en aval près de 8 % de la population active ; d’autre part, elle est souvent concentrée dans des bassins d’emploi et de savoir-faire que l’Union européenne a tout intérêt à faire vivre et à développer. Enfin, les investissements dans les domaines de l’emploi, de la connaissance, de la formation et du développement durable correspondent à des objectifs visés tant par l’Union européenne que par l’industrie automobile. Les intérêts sont bien communs.
Outre la légitimité, l’Union européenne a aussi une responsabilité dans cette affaire, puisque le projet de réduction des émissions de CO2 d’ici trois à cinq ans doit permettre d’accompagner très rapidement les mutations de l’ensemble de la filière automobile vers des modèles propres. Il s’agit non pas d’opposer l’industrie automobile aux exigences environnementales, mais d’en faire des alliées au service de la croissance, de l’emploi et du développement régional.
Dans ce contexte, mes chers collègues, la réactivité du budget européen pour faire face à la violence de la crise du secteur automobile européen qui se manifeste depuis plus d’un mois et donner un coup d’accélérateur aux investissements du secteur est, il faut le dire, extrêmement décevante.
Les perspectives financières ne permettent pas suffisamment d’infléchir des politiques budgétaires en cas de crise grave telle que celle que nous vivons. La révision des perspectives financières pour 2009 doit nous permettre de tirer des leçons de cette situation.
Je note que les récentes propositions d’intervention européenne dans le domaine industriel se fondent avant tout sur des engagements d’États membres, et non de l’Union européenne dans son ensemble. Je trouve cela assez regrettable.
L’augmentation du volume de prêts bonifiés de la Banque européenne d’investissement de 20 % à 30 % est une excellente nouvelle, mais cela ne relève pas strictement du budget communautaire.
Les annonces de baisses de TVA dépendent du bon vouloir des États membres et ne visent ni à atteindre des objectifs environnementaux ni à répondre à la crise structurelle de l’automobile.
Je ne m’attarderai pas sur le projet de M. Barroso de soumettre à l’Organisation mondiale du commerce les aides américaines à l’industrie automobile. Point n’est besoin d’ouvrir un conflit avec les États-Unis sur cette question ; nous avons à faire face à la crise du secteur de l’automobile.
Je plaide, pour ma part, pour que l’Union européenne s’engage dès maintenant, euros à l’appui, sur la durée et à travers son budget, pour se porter au secours de l’un des fleurons de son industrie.
On ne peut pas laisser sur le bord du chemin des salariés victimes de vagues de chômage technique. On ne peut pas non plus laisser péricliter, faute de trésorerie suffisante, de très petites entreprises qui souffrent en silence.
Je plaide, monsieur le secrétaire d’État, pour que dès maintenant deux mesures puissent être prises.
Tout d’abord, je suggère le doublement du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation, alimenté aujourd’hui à hauteur de 500 millions d’euros, ce qui s’avère très insuffisant en temps de crise. Je rappelle que l’avant-projet de budget de la Commission comportait un abondement à hauteur de 1 milliard d’euros, disposition qui a très malencontreusement disparu !
Par ailleurs, l’accès à ce fonds doit être simplifié. Je propose aussi que les salariés en situation de chômage technique, et non plus seulement ceux qui ont été licenciés pour raisons économiques, puissent être bénéficiaires de ces aides. La situation des familles dans les bassins d’emploi touchés par ce chômage technique est dramatique. Le nombre des travailleurs pauvres augmente considérablement. Nous avons besoin de ce fonds.
Je demande également, monsieur le secrétaire d’État, que vous réclamiez que les très petites entreprises ou les petites entreprises puissent prétendre dans la même mesure que les autres aux prêts de la Banque européenne d’investissement. Actuellement, seuls les constructeurs ou les moyennes entreprises semblent pouvoir bénéficier de ces aides, ce qui menace, à court terme, la pérennité de la filière automobile.
De plus, comment engager des mutations structurelles de l’industrie automobile si les trois quarts des entreprises familiales sont menacées ?
Je plaide enfin pour une intensification des mesures structurelles d’adaptation du secteur, en particulier pour l’abondement du fonds de modernisation de l’automobile ou pour des investissements massifs en faveur de la recherche appliquée. Ce sont ces investissements qui permettront de généraliser la construction de voitures propres, d’en faire baisser le prix et de les rendre plus attractives pour les consommateurs.
Je souhaite que toutes les énergies soient mobilisées pour que l’automobile européenne de demain, répondant à de hautes exigences environnementales, faiblement consommatrice d’énergie, fiable, construite par des salariés jouissant de bonnes conditions de travail, de salaires corrects et d’une bonne formation, soit une référence mondiale. Cela dépend de la capacité de notre industrie automobile à survivre face à une concurrence de plus en plus effrénée, difficile, et dans une période de crise tant structurelle que conjoncturelle. C’est à la seule condition que des mesures d’urgence soient prises pour l’aider à garder toute sa force que nous arriverons à conserver des centaines de milliers d’emplois en Europe.