Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voici donc venu le point final du cycle budgétaire et la loi de finances rectificative de fin d'année n'en est pas l'exercice le plus facile.
Nous avons dû travailler sur beaucoup de registres en même temps et prendre connaissance des dispositions les plus variées, certaines d'entre elles nous parvenant par des cheminements complexes, voire contestables.
Je me livrerai, pour commencer, à une analyse statistique. Je rappellerai ainsi que le texte comportait au départ quarante-quatre articles, que l'Assemblée nationale en a ajouté cinquante-trois et que le Sénat, qui, bien entendu, souhaite rester dans la compétition, en a introduit quarante-deux supplémentaires.
La commission mixte paritaire a donc eu à statuer sur quatre-vingt-deux articles, ce qu'elle a fait de manière approfondie. Les discussions ont été longues, animées, mais conviviales et amicales tant les principes qui animent les majorités des deux commissions des finances sont identiques et tant le climat de travail est excellent entre leurs membres.
Je vais brièvement faire le point sur les questions de fond. Vous me pardonnerez par avance, je l'espère, monsieur le ministre, si j'aborde ensuite des questions de forme pour évoquer certaines anomalies de procédure intervenues à la fin de ce cycle parlementaire.
La question de fond essentielle concerne le nouvel équilibre budgétaire instauré par l'article 8 du projet de loi de finances rectificative.
Monsieur le ministre, je tiens à le redire en cette fin de session, nous avons tout lieu de nous féliciter de la façon dont a été conduite l'exécution budgétaire de 2005. Et si, parfois, la commission des finances ou les sénateurs de la majorité vous ont semblé critiques, il ne faut pas que ces critiques qui alimentent la libre discussion entre nous soient de nature à occulter l'essentiel, c'est-à-dire - pardonnez-moi de me répéter - le satisfecit et le quitus que nous vous devons pour cette exécution budgétaire 2005.
Vous avez osé faire un usage énergique des annulations de crédits. Grâce vous en soit rendue ! Car c'est en prenant ainsi vos responsabilités que vous avez pu parer par avance aux effets susceptibles de résulter de moins-values de recettes fiscales, même si ces moins-values ont été, en définitive, moins élevées qu'on pouvait le craindre à un moment de l'année.
Surtout, vous avez veillé au respect des autorisations parlementaires. Le déficit, en première analyse, reculerait d'un peu plus de 1 milliard d'euros par rapport aux données initiales. Cependant, il s'établirait encore à 44 milliards d'euros. Et nous ne devons pas nous cacher que, selon les perspectives d'exécution pour 2005, il s'affichera sans doute à un montant sensiblement plus élevé, aux alentours de 46, 8 milliards d'euros, du fait de l'importance des reports, cette épée de Damoclès suspendue en permanence sur l'équilibre budgétaire.
J'en viens à présent aux innovations en matière de législation fiscale et financière que comporte ce projet de loi de finances rectificative.
J'aborderai tout d'abord les points qui ont été réglés de façon concordante par la commission mixte paritaire dans les versions votées par l'une et l'autre des assemblées.
Le point principal, en matière législative, est bien la réforme de la fiscalité des plus-values. La commission mixte paritaire a entériné les assouplissements que le Sénat avait souhaités, particulièrement en matière de transmission d'entreprises.
Ces mesures prévoient notamment que les 25 % des droits de vote qui doivent être détenus pendant les cinq années précédant la cession peuvent l'être directement ou par l'intermédiaire du conjoint ou des ascendants ou descendants ou des frères et soeurs ; elles prévoient également un dispositif permettant au cédant d'une entreprise d'accompagner son acquéreur pendant une durée maximale d'un an, afin que l'entreprise soit confortée, stabilisée, au cours du processus de succession, qui est toujours difficile.
Par ailleurs, la commission mixte paritaire, en apportant quelques précisions supplémentaires, a fait prévaloir la neutralité pour la délicate question du départ des agents généraux d'assurance : elle a fait en sorte de placer cette profession, quelles que soient les modalités de retrait d'un professionnel, dans le cadre protecteur prévu par la loi.
Il convient de rappeler que cette réforme importante de la fiscalité des plus-values va surtout avoir des effets favorables sur la transmission des entreprises.
Depuis des années et des années, nous assistons à des réunions sur la perte d'énergie, la perte de matière économique que peut provoquer une succession mal assumée ou mal organisée. Nous avons souvent évoqué les effets pervers de la fiscalité en ce domaine. Ces débats, monsieur le ministre, relèvent à présent du passé. Le dispositif qui a été adopté facilitera les transmissions d'entreprises de manière équitable et, surtout, efficace pour la continuité des entreprises et l'amélioration de l'emploi.
S'agissant des valeurs mobilières cotées, les choses sont bien entendu légèrement différentes. Certes, l'obligation de détention pendant une certaine durée est un objectif essentiel, mais celle-ci, qui était inéluctable, conduit les actionnaires à figer leurs positions, ce qu'ils sont libres de faire ou de ne pas faire, la fiscalité n'étant, après tout, qu'un paramètre parmi d'autres des décisions de placements.
Puisque j'évoque l'épargne, je tiens à indiquer que la commission mixte paritaire a adopté, comme la commission des finances du Sénat le souhaitait, le volet fiscal de la grande réforme du régime de la « pierre-papier », ou, plus exactement, a fixé les dispositions fiscales relatives aux nouveaux organismes de placement collectif immobilier, les OPCI.
Vous savez, mes chers collègues, que cette nouvelle famille se répartit en deux catégories : les fonds de placement immobilier, les FPI, qui sont transparents sur le plan fiscal, et les sociétés de placement à prépondérance immobilière et à capital variable, les SPICCAV, dont le régime fiscal a été conçu par analogie avec celui des sociétés d'investissement immobilier cotées, les SIIC.
S'agissant des OPCI, permettez-moi de vous indiquer, monsieur le ministre - et ce souci est partagé par les députés et les sénateurs membres de la commission mixte paritaire - que nous serons très attentifs à la ratification de l'ordonnance du 9 octobre 2005. Cette ratification nous semble en effet nécessaire et sera sans doute l'occasion d'adopter, du moins nous le souhaitons, quelques amendements au texte de l'ordonnance, afin d'apaiser les dernières préoccupations légitimes de certains porteurs de parts des actuelles sociétés civiles de placement immobilier.
J'aborderai très rapidement les différents points d'accord de la commission mixte paritaire : remboursement partiel de taxe intérieure sur les produits pétroliers, prise en compte des holdings familiales de reprise au titre des engagements collectifs de conservation de la loi Dutreil, exonération, cher Robert Del Picchia, de la seconde cession d'un bien immobilier détenu sur le territoire national par les Français établis hors de France.
Nous avons également aménagé, monsieur le ministre - et ce fut l'une de nos dernières discussions nocturnes -, le barème du droit de francisation des bateaux, afin d'adopter une formule plus écologique, en pénalisant moins les voiliers par rapport aux bateaux à moteur.