Intervention de Françoise Laborde

Réunion du 12 mai 2010 à 14h45
Débat sur l'application de la loi de 2005 sur le handicap

Photo de Françoise LabordeFrançoise Laborde :

Vous évoquez le financement de 12 000 places à l’horizon de 2014. Malheureusement, il s’agira surtout d’aide à domicile, alors que les besoins d’accueil dans les établissements spécialisés sont immenses. Selon l’INSERM, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, le handicap concernerait encore 15 000 naissances par an.

Pour les enfants et les jeunes qui ont la chance d’être scolarisés en milieu ordinaire, d’autres problèmes se posent. Bien qu’ils aient une place à l’école, ils n’y trouvent pas forcément « leur place ».

Tout d’abord, l’augmentation du nombre d’enfants accueillis cache des disparités très importantes en fonction du handicap. Si les jeunes affectés par des déficiences physiques suivent un cursus ordinaire jusqu’au lycée, la proportion des enfants affectés par des déficiences intellectuelles ou mentales diminue au fur et à mesure de la scolarité. Or, un faible niveau de formation engendre un taux de chômage élevé. Ce dernier est d’ailleurs deux fois plus important chez les personnes en situation de handicap que dans l’ensemble de la population. Un effort doit être fait dans ce domaine pour accroître le niveau de formation. Il est primordial que ces enfants soient le plus tôt possible en contact avec des enfants « ordinaires », afin qu’ils soient intégrés socialement.

Je citerai simplement les propos tenus par Nicolas Sarkozy, pendant la campagne présidentielle : « Je considère qu’il est scandaleux qu’un enfant ayant un handicap ne puisse pas être scolarisé dans une école normale. […] Les autres […] au contact de cet enfant différent apprendront que la différence est une richesse. Dans les démocraties du nord de l’Europe, 100 % des enfants ayant un handicap sont scolarisés en milieu scolaire classique. En France, c’est 40 %. » Mais ce n’est pas si simple…

La question de la scolarisation en milieu ordinaire soulève un autre problème, celui de l’insuffisance des moyens humains et financiers pour rendre possible cet accueil dans des conditions décentes. En 2009, 1 500 auxiliaires de vie scolaire ont vu leur contrat non renouvelé et les associations viennent de dénoncer la convention-cadre qui prévoyait de mettre en place un groupe de travail qui, finalement, ne travaille pas…

Les AVS, recrutés pour trois ans renouvelables, sont des personnels précaires. Cette situation est inquiétante, car l’auxiliaire de vie scolaire a un rôle primordial d’aide à l’enseignant et à l’intégration dans la classe du jeune qu’il aide dans ses déplacements et les actes de la vie quotidienne. Il favorise la communication avec ses camarades et sa socialisation. Il contribue à lui assurer des conditions de sécurité et de confort. Il intervient dans la classe en concertation avec l’enseignant ou en dehors des temps d’enseignement. Il collabore au suivi des projets personnalisés de scolarisation, participe aux sorties de classe et se charge des gestes techniques médicaux ou paramédicaux. Les familles demandent, légitimement, un vrai statut professionnel pour ces personnels.

C’est pourquoi, madame la secrétaire d’État, je vous demande de débloquer d’urgence les négociations avec les associations pour avancer enfin sur la mise en place de ce statut professionnel du métier d’AVS-EVS – auxiliaire de vie scolaire-emploi vie scolaire. Sinon, il s’agirait une fois de plus d’un désengagement inacceptable de l’État.

Il est temps, en effet, de reconnaître et de valoriser les acquis de ces professionnels, tout comme il est urgent d’organiser une formation spécifique à l’accueil des enfants en situation de handicap à destination des enseignants et de garantir des effectifs réduits dans les classes qui accueillent ces enfants.

Cette avancée garantira aux enfants concernés, à leur famille et aux enseignants un service d’accompagnement compétent et de qualité. Madame la secrétaire d’État, le temps presse !

Je souhaiterais enfin évoquer le problème de l’extrême pauvreté. Alors que l’année 2010 a été déclarée « année européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale », il est inadmissible que, dans notre pays, aujourd’hui, près d’un million de personnes en situation de handicap vivent – « survivent » devrais-je plutôt dire – sous le seuil de pauvreté.

Je rappellerai simplement le texte de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, dont l’article 28 précise que « les États parties […] prennent des mesures […] destinées à assurer aux personnes handicapées et à leurs familles, lorsque celles-ci vivent dans la pauvreté, l’accès à l’aide publique pour couvrir les frais liés au handicap, notamment les frais permettant d’assurer adéquatement une formation, un soutien psychologique, une aide financière ou une prise en charge de répit ».

Actuellement, l’allocation aux adultes handicapés, versée à près de 900 000 personnes, s’élève à 693 euros maximum par mois, ce qui ne leur permet pas de vivre décemment. Certes, le ministre du travail a annoncé la revalorisation de l’allocation de 25 % d’ici à 2012, mais elle sera toujours inférieure au seuil de pauvreté, qui, je le rappelle, est selon l’INSEE légèrement supérieur à 900 euros. Par ailleurs, plusieurs mesures risquent de neutraliser cette augmentation. Je pense notamment à l’instauration des franchises médicales, à l’augmentation du forfait hospitalier et au déremboursement de médicaments. Comment pouvons-nous accepter que ces personnes extrêmement fragilisées vivent dans de telles conditions ?

La loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées de 2005 a permis un changement important de notre société et peut-être, je l’espère, une révolution des mentalités. Madame la secrétaire d’État, mon vœu le plus cher, en accord avec tous les collègues de mon groupe, serait que cet anniversaire soit l’occasion de donner un nouveau souffle à cette loi et de concrétiser enfin tous les espoirs qui ont été mis en elle.

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