Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je m’attacherai à la question du financement du droit à compensation du handicap, qu’il s’agisse des prestations servies ou des institutions dédiées.
Le progrès issu de l’adoption de la loi du 11 février 2005 pour ce qui est de l’appréhension de la notion de handicap est incontestable. Force est de constater, néanmoins, que les moyens prévus pour la mise en œuvre de cette loi n’ont pas permis d’atteindre des objectifs ambitieux.
Cinq ans après, les personnes en situation de handicap et leurs proches ont manifesté dans la rue : c’était le 27 mars dernier.
La fédération des APAJH a saisi la HALDE le 4 mars dernier pour discrimination en matière d’accès aux bâtiments, aux transports, à la scolarisation, à la formation, à l’emploi et à la compensation, toutes facultés pour lesquelles la loi du 11 février 2005 entendait justement instaurer un traitement égal.
Toutefois, il faut faire la part des choses.
Premièrement, les difficultés actuelles trouvent leur origine dans le fait que les dispositions expressément prévues par la loi n’ont pas été mises en œuvre. En d’autres termes, le Gouvernement n’a pas respecté ses obligations. Madame la secrétaire d'État, c’est le rôle du Parlement que de vous rappeler à la loi, et nous vous demanderons de prendre des engagements.
Deuxièmement, ces difficultés trouvent leur source dans le mauvais choix qui a été fait d’un mode de financement non pérenne et ne permettant pas d’atteindre un niveau suffisant. Tel était, à l’époque, le jugement déjà unanimement porté par la CNAM, la CNSA et le CNPH, ainsi que l’atteste l’avis défavorable qu’ils ont rendu sur le texte qui leur était soumis.
Telle est aujourd’hui la situation : l’allocation aux adultes handicapés, même à taux plein, même revalorisée, reste en deçà du seuil de pauvreté. Les départements, qui financent la PCH, gèrent les MDPH, supportent les frais de séjour et sont, pour nombre d’entre eux, à la limite de leurs capacités.
Troisièmement, les difficultés sont liées aux perspectives d’avenir tracées par le Gouvernement. De ce point de vue, évidemment, l’absence de projet et de visibilité inquiète.
Je veux dire un mot du non-respect de la loi par le Gouvernement. Vous n’ignorez pas, madame la secrétaire d'État, que l’État doit 34 millions d’euros aux départements au titre des postes non pourvus en MDPH.
Alors que vous en appelez constamment à la responsabilité individuelle des Françaises et des Français, à la réciprocité des droits et des devoirs, le Gouvernement devrait à tout le moins respecter ses obligations !
Par ailleurs, aux termes de l’article 13 de la loi du 11 février 2005, vous étiez tenus de supprimer la barrière d’âge de soixante ans, qui limite l’accès au droit à compensation.
Bien entendu, les difficultés seraient moindres si la loi, sur ces deux aspects, était effectivement appliquée. C’est ce que vous demande la représentation nationale. Nous vous écouterons aujourd'hui avec attention sur ce sujet.
En outre, les difficultés de financement sont liées à la loi elle-même, qui souffre d’une malformation consubstantielle. Il y a, en effet, une contradiction évidente à prévoir le financement d’un droit universel à compensation par des ressources non pérennes ; au surplus, leur répartition à enveloppe fermée exclut la prise en compte de l’augmentation constante des besoins.
Les baisses de recettes de la journée de solidarité et de CSG, qui abondent les enveloppes de la CNSA, entraînent mécaniquement une diminution drastique du taux de couverture de la PCH servie par les départements. Cette couverture est passée de 97 % en 2008 à 61 % en 2009, pour tomber à 44, 5 % cette année.
De même, vous ne pouvez pas, sans contradiction, sortir la CNSA de son rôle, qui est d’intervenir « en plus » et non « à la place » de l’État. C’est bien pourquoi nous nous sommes opposés, lors de l’examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, aux mesures de « débasage » des excédents de la CNSA réintégrés à l’objectif national de dépenses d’assurance maladie.
Il en résulte que les départements eux-mêmes, piégés entre baisse de leurs ressources et financement insuffisant des compétences transférées, se trouvent encore dans l’obligation de compenser une prestation qui relève de la solidarité nationale, et dont ils ne décident ni les taux ni les conditions d’attribution, quand ils assument dans le même temps – j’insiste sur ce point – la charge croissante des frais de séjour en établissement.
Telle est bien la toute première observation du rapport Jamet, qui relève que les départements se sont vu confier la gestion de prestations qui « pèsent considérablement sur les budgets départementaux », ajoutant que « toutes se révèlent plus coûteuses que prévues », car « force est de constater que […] les perspectives communiquées lors des débats parlementaires se sont avérées erronées ».
Madame la secrétaire d'État, quelle est votre volonté ?
La multiplication des tentatives pour réduire la portée de la loi du 11 février 2005 – de nombreux exemples ont déjà été cités – ne laisse pas de nous inquiéter.
Quelles sont réellement vos perspectives ?
L’annonce d’un projet de réforme de l’AAH, alors que les budgets des familles sont toujours plus lourdement grevés de charges nouvelles – du déremboursement de médicaments à la fiscalisation des indemnités d’accident du travail –, n’y suffira pas, de même que n’y suffira pas la proposition de loi de notre collègue Paul Blanc dont le Sénat débattra bientôt, même si nous l’approuvons pour l’essentiel.
Aujourd’hui, l’urgence et l’attente sont d’un autre ordre : elles exigent un projet d’une autre ampleur, une vision solidaire de la prise en charge et de l’accompagnement de la perte d’autonomie, conformément au principe fondateur de la CNSA, et à l’ambition initiale de la loi du 11 février 2005 !