Intervention de Bernadette Dupont

Réunion du 12 mai 2010 à 14h45
Débat sur l'application de la loi de 2005 sur le handicap

Photo de Bernadette DupontBernadette Dupont :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, sans rien retrancher au propos de notre collègue Marie-Thérèse Hermange, je voudrais revenir sur le problème de l’accessibilité, que j’avais abordé dès 1995 avec Éric Molinié, spécialiste de la question que beaucoup d’entre vous doivent connaître.

Tout ne reste pas à faire dans ce domaine, mais l’accessibilité reste un enjeu central pour l’insertion sociale des personnes handicapées, qui rencontrent encore de nombreux obstacles au quotidien, que ce soit dans le milieu scolaire ou professionnel, dans les transports, ou bien simplement pour accéder à la culture et aux loisirs.

La loi du 11 février 2005 a fixé des objectifs ambitieux à la société pour qu’elle devienne accessible à tous, avec une obligation de résultat à l’horizon de 2015. Cette échéance, qui peut sembler encore lointaine, risque pourtant d’être difficile à respecter étant donné l’ampleur des chantiers qui restent à mettre en œuvre.

C’est la raison pour laquelle Xavier Bertrand, lorsqu’il était ministre, avait prévu d’anticiper d’un an – c’est-à-dire avant la fin de 2008 – la remise du rapport des commissions communales et intercommunales d’accessibilité, chargées de dresser le bilan de l’accessibilité du cadre bâti existant, de la voirie, des espaces publics et des transports et de faire des propositions pour leur mise en accessibilité. Malheureusement, ces commissions n’existent pas encore partout sur le territoire national.

Sur ce point, je pourrais citer la ville de Versailles, qui a été exemplaire en établissant très tôt – dès 2006 – ce diagnostic et en prenant la mesure des travaux à réaliser : ils sont chers, très chers, reconnaissons-le. Mais, en réalité, de nombreuses communes n’ont pas encore effectué ce bilan et ont ainsi pris un retard qui sera très difficile à combler.

Cette situation s’explique en partie par l’ambiguïté des dispositions de la loi de 2005 concernant la répartition des compétences entre les communes et les intercommunalités. Fort heureusement, cette ambiguïté a été levée l’été dernier, grâce à une disposition introduite dans la loi de simplification du droit par notre collègue Paul Blanc.

Cependant, ce retard reste difficile à rattraper et les communes vont se trouver « au pied du mur » à l’échéance de 2015 qui approche à grands pas. Prévoir un moratoire serait un très mauvais service à rendre à tout le monde : nous n’en avons pas le droit, comme nous n’avons pas le droit de baisser la garde ! Nous devons plutôt nous demander comment aider les communes à avancer au mieux, en mobilisant davantage le Fonds interministériel pour l’accessibilité aux personnes handicapées, le FIAH. Puisque, à l’évidence, tout ne sera pas faisable dans les délais prévus, ne doit-on pas envisager de fixer un ordre de priorités ?

Je voudrais encore donner en exemple la ville de Versailles, que je connais bien pour y avoir beaucoup travaillé : ne pouvant réaliser l’accessibilité dans toutes les écoles, la municipalité a décidé de ne rendre accessible, dans un premier temps, qu’une école par quartier. Jusqu’à présent, je crois que les parents ont été satisfaits de cette décision.

Il me semble donc souhaitable d’identifier les projets les plus urgents, et je souhaiterais recueillir votre sentiment sur ce point, madame le secrétaire d’État.

Si des problèmes d’ordre technique, difficiles à résoudre, se posent dans le bâti ancien et les secteurs sauvegardés – encore un sujet que je connais bien, car la ville de Versailles est certainement, en France, une des premières concernées par ce problème –, il semble qu’il existe également des difficultés dans le bâti neuf.

On peut d’ailleurs regretter que des pressions très fortes aient été exercées pour élargir le champ des dérogations aux règles de l’accessibilité des bâtiments et des logements, en particulier dans les logements sociaux. Il faut certes reconnaître que les surcoûts ne sont pas négligeables et qu’il existe également des contraintes techniques évidentes, par exemple en haute montagne. Mais on ne peut admettre que des dérogations aient été accordées pour le bâti neuf sur le fondement de dispositions réglementaires prises sans base légale, le législateur n’en ayant prévu, en 2005, que pour les bâtiments existants. Ainsi, le décret du 17 mai 2006, sur le fondement duquel plusieurs permis de construire ont été accordés, a-t-il été annulé l’été dernier par le Conseil d’État. En vertu de cet arrêt, les constructions autorisées devraient être, en toute logique, démolies !

Cette situation a d’ailleurs conduit le Gouvernement à introduire dans la loi de finances rectificative pour 2009 un article prévoyant de nouvelles possibilités de dérogation, en cas d’impossibilité technique résultant de l’environnement du bâtiment, pour les ensembles de logements à occupation temporaire ou saisonnière – ce qui pourrait être une marque de sagesse ! –, mais aussi en cas de contraintes liées à la préservation du patrimoine architectural. Cet article, mal encadré, a été invalidé par le Conseil constitutionnel.

Je crois savoir qu’une consultation est en cours à ce sujet, associant les ministères du logement et de la solidarité, en concertation avec les associations représentatives des personnes handicapées. Pouvez-vous, madame le secrétaire d’État, nous donner des précisions à ce sujet ?

Il apparaît urgent de trouver une solution permettant de concilier les exigences légitimes des personnes handicapées et les contraintes techniques que rencontrent, sur le terrain, les architectes et les promoteurs. Ainsi, les dérogations pour le bâti neuf devront être accordées dans un esprit pragmatique et responsable, respectueux des droits et attentes des personnes handicapées.

Pour y parvenir, il est indispensable de prévoir, comme pour le bâti existant, que les décrets définissant lesdites dérogations seront soumis à l’avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées, le CNCPH, et que, localement, les dérogations seront soumises à l’avis conforme des commissions consultatives départementales de sécurité et d’accessibilité.

En outre, les dérogations ne devront pas revêtir un caractère trop général. Si l’accessibilité en fauteuil peut se révéler très difficile à réaliser techniquement, la dérogation accordée ne doit pas pour autant inciter l’architecte à s’exonérer des obligations tendant à garantir l’accessibilité des lieux aux personnes atteintes d’un handicap sensoriel, par exemple ; je veux parler de la sonorisation des annonces, des indications en braille, des bandes fluorescentes au sol pour les malvoyants ou du repérage par des codes couleurs dans la signalétique pour les infirmes moteurs cérébraux, etc.

L’Union sociale pour l’habitat a évalué à 12 % les surcoûts résultant de la construction de logements accessibles, en particulier dans le cas des logements sociaux. Ce chiffre peut sembler disproportionné et excessif à certains, mais il faut savoir quelle société nous voulons ! Sommes-nous aussi regardants pour le coût des mesures environnementales ? La société doit être solidaire au regard de ce que j’appelle « l’accès à tout pour tous ».

L’accessibilité ne vaut d’ailleurs pas uniquement pour les personnes handicapées : sont également concernées les personnes âgées, les personnes temporairement blessées, ou encore les mamans avec poussette. Les personnes âgées représenteront bientôt 25 % de la population et sont souvent atteintes, du fait de l’âge, d’affections qui réduisent leur mobilité. Il faut donc mener une réflexion complète et, sur ce sujet, je partage le point de vue de notre collègue Paul Blanc, dont nous allons examiner prochainement la proposition de loi : il suggère, lorsque la mise en accessibilité totale représente un coût trop élevé, de préparer les conditions pour prévoir l’avenir. Par exemple, on peut réserver l’espace nécessaire pour la construction future d’une douche avec mise à niveau pour une personne âgée ou handicapée.

Je souhaiterais évoquer rapidement les trois secteurs qui me paraissent essentiels du point de vue de la mise en accessibilité.

La mise en conformité des établissements recevant du public, les ERP, tels que les mairies ou les écoles, représente un coût important pour les collectivités locales, mais je crois qu’il convient de faire preuve de pédagogie et de pragmatisme. Ici encore, je peux citer l’exemple de la magnifique restauration du lycée Hoche, à Versailles, bâtiment ancien s’il en est : l’accessibilité y est presque parfaite, mais il reste une zone de pavés « Grand Siècle » totalement intouchable et impraticable ! L’office du tourisme de Versailles a d’ailleurs reçu le label « tourisme et handicap » : des efforts ont donc bien été réalisés. C’est pourquoi je récuse les propos tenus par notre collègue : non, tout ne reste pas à faire, mais il convient de se faire bien conseiller et accompagner, pour éviter des travaux mal pensés ou excessifs par rapport à l’objectif visé.

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