Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’interviendrai sur les volets emploi et formation professionnelle, pour lesquels la loi du 11 février 2005 promettait une réelle égalité : elle posait le principe de non-discrimination et donnait la priorité au travail en milieu ordinaire, en misant sur l’incitation vis-à-vis des employeurs.
La loi réaffirmait l’obligation pour les entreprises de plus de vingt salariés d’employer au moins 6 % de personnes handicapées. Elle étendait aussi cette obligation à de nouvelles catégories de personnes handicapées : les titulaires de la carte d’invalidité et les titulaires de l’AAH. Enfin, la loi renforçait aussi la contribution à l’AGEFIPH, pour les entreprises qui n’ont pas rempli leurs obligations. Cette contribution-sanction devait même être triplée pour les entreprises n’ayant réalisé aucun effort au terme de trois ans.
Le dispositif de sanction a donc été renforcé et étendu aux employeurs publics puisque la loi a créé un Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, le FIPHFP, alimenté par la contribution des ministères, des collectivités territoriales et des hôpitaux publics ne respectant pas l’obligation d’emploi de 6 % de travailleurs handicapés.
Qu’en est-il aujourd’hui ?
L’objectif n’est malheureusement pas atteint. Le taux moyen d’emploi de personnes handicapées n’est que de 4, 4 % : cela signifie bien que nombreuses sont les entreprises qui emploient encore moins de 6 % de handicapés. Ce constat est surprenant quand on sait que l’obligation date de la loi du 10 juillet 1987, mais il est encore plus surprenant, et regrettable, que le Gouvernement ait consenti un délai supplémentaire de six mois aux entreprises employant de 20 à 49 salariés pour se mettre en conformité avec les dispositions législatives. De plus, ce délai supplémentaire ne concerne que des entreprises qui n’ont engagé aucune action en faveur de l’emploi des personnes en situation de handicap. Ce report de six mois représente donc un signal fort et un gage donné à ceux qui ne respectent pas la loi !
Pourtant, la situation des personnes handicapées sur le marché du travail est préoccupante. Ainsi, 19 % d’entre elles sont au chômage, soit deux fois plus que la moyenne de la population active. Par ailleurs, le taux de chômage augmente en fonction du niveau de handicap. Seuls 44 % des plus handicapés exercent une activité professionnelle, contre 71 % de l’ensemble de la population, tous âges confondus.
Les personnes handicapées qui occupent un travail sont le plus souvent employées dans les secteurs les moins qualifiés : ainsi, 80 % des travailleurs handicapés sont soit ouvriers soit employés, contre 57 % de l’ensemble des actifs ; 3 % seulement sont cadres, contre 11 % de l’ensemble.
Les difficultés d’intégration des personnes handicapées dans le monde du travail sont doubles : d’une part, leur parcours scolaire étant plus difficile, leur niveau de qualification est souvent inférieur à la moyenne puisque 83 % d’entre elles ont un niveau d’étude inférieur au baccalauréat ; d’autre part, elles sont plus âgées que la moyenne des actifs, puisque 34 % des salariés atteints d’un handicap ont plus de cinquante ans.
La formation des personnes handicapées est donc primordiale. Les femmes et les hommes concernés doivent pouvoir bénéficier d’une formation professionnelle de qualité et leur prise en charge ne doit pas être trop tardive, aussi bien en termes de formation que d’aide à la recherche d’emploi.
Un de mes interlocuteurs, dans le cadre de la préparation de ce débat, établissait un parallèle entre les personnes en situation de handicap et les jeunes des quartiers urbains en situation d’échec scolaire. Dans un cas comme dans l’autre, il ne faut pas attendre pour mettre en place une prise en charge : celle-ci doit commencer dès l’école primaire.
Toujours à propos de la formation professionnelle, je rappelle aussi que nous avions proposé, en septembre dernier, lors de la discussion du projet de loi relatif à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, un amendement visant à ce que la question du handicap ne soit pas ignorée dans le cadre de la stratégie nationale mise en œuvre et coordonnée par l’État, les régions et les partenaires sociaux. Nous regrettons encore que cet amendement n’ait pas été adopté, alors que le public souffrant de handicap a besoin plus que tout autre d’une sécurisation de son parcours professionnel.
En matière d’embauche, il est indispensable de mener des politiques publiques de sensibilisation, y compris en direction des entreprises de moins de vingt salariés. De telles démarches existent, mais elles relèvent uniquement de l’initiative d’associations, ce qui est insuffisant. En dehors de la semaine annuelle pour l’emploi des personnes handicapées, la communication sur les mesures incitatives demeure largement défectueuse. Or recruter une personne handicapée n’est pas qu’une démarche citoyenne : c’est aussi une démarche financièrement intéressante pour l’entreprise ; il est donc important que les entreprises le sachent.
Le Gouvernement a annoncé en septembre dernier que chaque ministère devrait atteindre l’objectif défini par la loi, à savoir employer au moins 6 % de personnes handicapées dans ses effectifs, sous peine de voir ces derniers gelés. Nous prenons acte de cet engagement et serons attentifs à sa mise en œuvre. Mais, l’éducation nationale continuant de jouir d’une dérogation tout à fait contestable, nous doutons de la volonté réelle du Gouvernement d’atteindre cet objectif.
Cinq ans après la loi du 11 février 2005, le bilan est donc mitigé en termes d’emploi et de formation. La situation évolue, mais les mentalités changent très lentement.
L’intérêt de ce débat est de souligner ces blocages, ces lenteurs qui écartent du marché du travail les personnes handicapées alors que celles-ci attendent un emploi, une formation, un vrai statut social... L’intérêt de ce débat est aussi de réaffirmer qu’il n’y a pas de situation inéluctable au regard de l’emploi. Ce qu’il faut maintenant, c’est agir promptement, sans plus perdre de temps, afin que toute personne handicapée puisse vivre dignement des revenus de son travail.