Intervention de Bernadette Bourzai

Réunion du 12 mai 2010 à 14h45
Débat sur l'application de la loi de 2005 sur le handicap

Photo de Bernadette BourzaiBernadette Bourzai :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’interviens à la demande de Mme Maryvonne Blondin, qui a dû partir, sur la question de l’accès à l’éducation des enfants handicapés.

Certes, la loi du 11 février 2005 est une avancée. Force est de constater que le regard de la société sur le handicap a changé et que les parents d’enfants porteurs de handicaps ont cru voir la fin de leur parcours du combattant en matière de scolarisation arriver.

Donner plus à ces enfants, c’est en effet pouvoir leur donner différemment. C’est pouvoir différencier la pédagogie, adapter les effectifs et les évaluations, former les enseignants et les accompagnants.

Alors, cinq ans après, où en sommes-nous ?

S’il faut bien reconnaître que la loi a permis une augmentation des scolarisations, celles-ci ne se réalisent pas toujours dans des conditions satisfaisantes.

Pendant l’année scolaire 2008-2009, 181 000 enfants handicapés étaient scolarisés ; un bilan qu’il faut néanmoins nuancer en rappelant que 37 % d’entre eux l’étaient à temps partiel et qu’il n’existe aucun suivi de ces enfants hors du temps d’intégration scolaire. En outre, à ce jour, encore 5 000 enfants demeureraient sans aucune solution de scolarisation. On est donc encore loin du droit opposable !

Le premier et le plus grand reproche que l’on peut faire à cette loi est d’être appliquée sans les moyens nécessaires au regard des objectifs annoncés. L’appel d’air suscité n’a pas été suffisamment anticipé et préparé. Pis, le temps passant, on supprime progressivement les rares moyens initialement destinés à la mise en œuvre de ces dispositions, les maigres acquis obtenus grâce au texte, et on vide ce dernier de sa substance. La révision générale des politiques publiques, mise en œuvre par le Gouvernement, est passée par là… Bref, des annonces fortes, mais des moyens faibles !

Ce manque de moyens se traduit d’abord par de cruelles carences en matière d’accompagnement adapté, personnalisé et professionnalisé.

La spécificité de ces enfants consiste en effet en ce qu’ils ont besoin d’un accompagnement sur mesure et, à cet égard, la complexité de l’organisation institutionnelle entre l’éducation nationale et le secteur médico-social est toujours un obstacle non négligeable.

Bien sûr, on me dira que les MDPH, qui, notamment, orientent de manière collégiale les enfants, facilitent les procédures en offrant un guichet unique. Mais on connaît leur situation : elle a été évoquée précédemment.

L’inspection d’académie assure les affectations. Mais elle est, elle aussi, confrontée à la logique de réduction des postes. Chacun ici se souvient de la mobilisation – vaine, hélas ! – pour conserver les RASED…

Par exemple, dans le département du Finistère, dont Mme Blondin est élue, sept postes sont encore supprimés à la rentrée de 2010 et la fermeture de dix CLIS – classes d’intégration scolaire – sur trois ans risque d’être imposée. La situation est comparable dans mon département, la Corrèze.

S’agissant du projet personnalisé de scolarisation qui, en théorie, constitue une bonne idée, il est, en pratique, peu appliqué, notamment parce que le nombre d’enseignants référents est insuffisant.

Les moyens de sensibilisation et de formation auprès des enseignants travaillant en CLIS ne sont pas davantage assurés.

La précarité de la situation des AVS, des EVS et des AED demeure tout autant intolérable. Elle incarne l’absence totale de reconnaissance du travail de ces agents, pourtant essentiel et indispensable. À ce jour, toujours aucun statut et aucune professionnalisation ne sont prévus. Les effectifs sont aussi largement insuffisants. Ainsi, 14 000 AVS supplémentaires seraient nécessaires pour subvenir aux besoins des familles.

En outre, aucune évolution de ce métier vers une prise en charge de tous les temps de vie des enfants n’est envisagée. Au contraire, après plusieurs mois de travail concerté entre les associations et les deux cabinets ministériels concernés, il ressort que la création de ce métier n’est pas envisagée et que les services d’aide à domicile ainsi que certaines associations sont sollicités pour reprendre les AVS en gestion : 9 000 postes d’AVS vont ainsi être transférés au maintien à domicile. Un bricolage qui ne simplifiera pas le parcours des familles !

Par ailleurs, les parents acceptent fréquemment une réorientation vers le secteur médico-éducatif, dans lequel on répond mieux aux besoins de soins. Mais le système actuel souffre encore largement de rigidité entre les différents secteurs et la frontière entre les deux grandes familles de scolarisation reste trop hermétique, ce qui ne facilite pas l’individualisation des parcours.

Pourquoi ne pas insuffler de nouvelles méthodes de collaboration interinstitutionnelle et créer de véritables passerelles entre ces différents secteurs ? Malheureusement, l’État se désengage sur tous les fronts dans cette bataille de l’inclusion !

Or je tiens à rappeler, en conclusion, certains termes de l’arrêt Laruelle du 8 avril 2009. Celui-ci a reconnu que la carence de l’État en matière d’obligation de scolarisation pour les enfants est « constitutive d’une faute de nature à engager sa responsabilité » et ouvre droit à des dommages et intérêts.

Madame la secrétaire d’État, nous ne pouvons pas laisser plus longtemps les grands principes de solidarité, de proximité, de continuité et de mixité bafoués par la restriction des moyens accordés et nous vous demandons d’intervenir auprès de M. le ministre de l’éducation nationale pour le rappeler à ses obligations.

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