« L’État est garant de l’égalité de traitement des personnes handicapées sur l’ensemble du territoire… » Ainsi l’affirme l’article L. 114-1 du code de l’action sociale et des familles, tel que modifié par la loi du 11 février 2005.
Or, quelle qu’ait été sa pertinence initiale, notamment de par la création d’un guichet unique d’accueil destiné à faciliter les démarches des personnes handicapées, le moins que l’on puisse dire est que la mise en œuvre de cette loi a été mal engagée et mal accompagnée.
Elle impliquait en effet, d’une part, un changement culturel, une approche moins administrative – on parlait pour la première fois de « clients », de projet de vie… – et, d’autre part, un travail pluridisciplinaire qui n’a pas été anticipé.
La compréhension de cette révolution culturelle ne s’est pas faite partout, car elle demandait du temps, des moyens, une approche personnalisée et, surtout, une garantie de financement.
Le rapport intitulé Les maisons départementales des personnes handicapées sur la bonne voie : premier bilan, quatre ans après la loi du 11 février 2005, réalisé avec mon collègue Paul Blanc, met également en exergue la grande disparité des situations observées entre les départements.
Ainsi, le fait que la part de l’État varie de 12 % à 67 %, celle des conseils généraux s’ajustant en conséquence, pose de sérieux problèmes d’équité. De même, certains postes que l’État s’était engagé à mettre à disposition n’ont été ni pourvus ni compensés.
L’enquête réalisée à la fin de 2009 par l’association des directeurs de MDPH démontre que, en prenant en compte les dettes résiduelles cumulées au titre des postes vacants et de la fongibilité asymétrique, ce sont 34, 3 millions d’euros que l’État doit aux MDPH, dont 1 million d’euros à celle de mon département.
Soumises à des injonctions paradoxales – notamment à une obligation de résultat malgré une non-compensation des moyens en personnels –, les MDPH se trouvent dans une situation qui s’aggrave et qui risque même de remettre en cause leur fonctionnement.
Plusieurs propositions ont pourtant été remises au Gouvernement. Qu’en a-t-il fait ?
Souhaite-t-il réellement engager une politique d’intégration des personnes handicapées, en y consacrant les moyens financiers nécessaires et pérennes ?
Et comment appréhender la réforme de l’AAH, qui devait faciliter l’accès à l’emploi des personnes handicapées ? On se souvient que le Président de la République annonçait le 10 juin 2008, lors de la Conférence nationale du handicap, la mise en œuvre d’un pacte national pour l’emploi des personnes handicapées ; force est de constater, deux ans plus tard, qu’il y a loin des discours à la réalité !
Dans son rapport relatif à la situation des personnes handicapées au regard de l’emploi – rapport récent puisque datant du mois de décembre 2009 –, Michel Busnel émet un certain nombre de préconisations, en insistant notamment sur la notion d’accompagnement.
Il encourage aussi la signature de conventions entre les organismes chargés de l’insertion professionnelle des personnes handicapées – MDPH, Cap Emploi... – pour introduire une coopération renforcée.
Il insiste également sur l’importance d’une démarche de prévention en milieu de travail avec les médecins du travail, alors que l’on assiste au contraire à une désaffection de l’État à l’égard non seulement des MDPH, mais également de la médecine du travail.
De même, l’accent avait été mis, lors de réforme de l’AAH, sur la nécessité d’assortir toute demande à une étude de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, même si cette dernière n’est pas sollicitée.
Actuellement, près de 47, 5 % des dossiers des MDPH sont liés à l’évaluation des capacités et habiletés professionnelles des demandeurs, dossiers qui commencent à provoquer des contentieux.
Toutes ces contradictions nous amènent à nous interroger sur l’effectivité des mesures d’accès à l’emploi voulues par législateur de 2005, annoncées haut et fort par le Président de la République, largement relayées par les médias, mais restées sans suite…
Actuellement, le taux de chômage des personnes handicapées est supérieur à 20 %, leur taux de chômage de longue durée étant de 46 %, soit presque le double de celui qui est observé chez les personnes valides, pour lesquelles ce taux atteint 26 %.
On estime que, chaque année, 120 000 personnes handicapées sont licenciées du marché du travail pour inaptitude, comme en témoigne le rapport Busnel.
Tous âges confondus, seuls 44 % des personnes handicapées exercent une activité professionnelle, contre 71 % de l’ensemble de la population ; 80 % des travailleurs handicapés sont ouvriers ou employés, contre 57 % de l’ensemble des actifs ; 82 % des personnes handicapées disposent d’une formation inférieure ou égale au niveau V, et seulement 3 % d’entre elles sont ainsi cadres, contre 11 % des actifs valides.
L’obligation d’emploi des personnes handicapées dans les secteurs privé et public aurait pourtant dû largement faciliter leur accès à l’emploi si le Gouvernement n’avait fait voter des dérogations multiples et des reports. L’assiette d’assujettissement des pénalités baisse ainsi de 3 % à 4 % par an.
Les employeurs sont souvent réticents à recruter des travailleurs handicapés, craignant les arrêts maladie répétés et l’incompréhension avec leur équipe. Ils embauchent parce qu’il le faut !
Aussi, l’intégration et l’évolution de la personne handicapée dans l’entreprise sont difficiles. Leur accompagnement en amont et dans l’emploi par les MDPH ou par le réseau Cap Emploi serait la meilleure garantie d’une insertion durable.
La loi de 2005, même si elle a eu des effets mobilisateurs, ne pourra déboucher sur des résultats à long terme sans la volonté de l’État de mobiliser les moyens financiers indispensables pour stabiliser le personnel nécessaire aux MDPH, au premier plan dans l’évaluation et l’accompagnement global des personnes handicapées, et pour favoriser une meilleure coordination des différents acteurs.