Intervention de Nadine Morano

Réunion du 12 mai 2010 à 14h45
Débat sur l'application de la loi de 2005 sur le handicap

Nadine Morano, secrétaire d’État :

Au mois de juin 2007, le président Nicolas Sarkozy formait le vœu que pas un seul jour ne passe, pendant les cinq années à venir, sans que nous travaillions au service des personnes souffrant d’un handicap, des personnes fragiles et de leurs familles. Et il avait promis, au cours de la campagne de l’élection présidentielle, une revalorisation sans précédent de l’AAH, de l’ordre de 25 %.

Comme Paul Blanc l’a rappelé, nous respectons ce calendrier : au 1er avril, nous avions déjà atteint la phase moyenne d’augmentation et de revalorisation de l’AAH, soit 12, 1 %. Ce rythme sera tenu jusqu’en 2012.

Le Président de la République s’était également engagé en faveur d’un plan de création de 50 000 nouvelles places en établissement. Là encore, grâce au vote de la majorité parlementaire dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le calendrier de création de ces places est respecté. C’est important de le rappeler !

La loi du 11 février 2005, contre laquelle le groupe socialiste a voté, a fait naître des attentes que nous ne pouvons décevoir. Il faut la mettre pleinement en œuvre : 120 décrets et arrêtés d’application ont été pris en trois ans. La mobilisation sans précédent des pouvoirs publics a permis d’atteindre les principaux objectifs qui sous-tendent cette loi.

C’est un travail considérable, qui a été réalisé par le Gouvernement et sa majorité, en totale concertation avec les associations de personnes handicapées, notamment à travers le CNCPH, devant lequel je me suis déjà exprimée deux fois depuis ma nomination à ce secrétariat d’État. En outre, je reçois régulièrement – tous les deux mois, en moyenne... – le comité d’entente des associations représentatives de personnes handicapées. Je mets un point d’honneur à respecter une méthodologie qui permette d’avancer avec ces associations.

Le handicap n’est d’ailleurs pas l’affaire d’un secrétariat d’État en particulier, en l’occurrence le mien : c’est celui du Gouvernement tout entier. Toutes les politiques publiques sont concernées, car notre mot d’ordre est l’accès au droit commun pour tous. Tel est le sens de l’installation par le Premier ministre, le 9 février dernier, du comité interministériel du handicap, le CIH, qui réunit désormais tous les ministres chargés de garantir la mise en œuvre opérationnelle de la loi du 11 février 2005.

La politique du handicap de ce gouvernement, c’est aussi un effort extrêmement important de la nation en faveur des personnes handicapées : la masse globale des crédits consacrés au handicap représente tout de même 39 milliards d’euros. Des plans ambitieux sont mis en place, parmi lesquels figure, au premier chef, le plan de création de 50 000 places en établissement, doté de 1, 5 milliard d’euros.

Nous avons eu à cœur de répondre aussi aux besoins spécifiques de certains types de handicap par des plans plus sectoriels.

C’est le cas du plan autisme 2008-2010, auquel sont dédiés plus de 200 millions d’euros. Dans le cadre de ce plan, nous avons expérimenté les méthodes dites « comportementalistes », notamment la méthode ABA, ou analysis behavior applied, ce qui signifie en français « analyse appliquée du comportement ». Les résultats obtenus dans les structures que j’ai visitées sont impressionnants.

Le Schéma national d’organisation sociale et médico-sociale pour les handicaps rares 2009-2013 est doté de 35 millions d’euros, le plan handicap visuel 2008-2011 de 80 millions d’euros et le plan en direction des personnes sourdes ou malentendantes de 52 millions d’euros. Par ailleurs, le Premier ministre a demandé à Roselyne Bachelot-Narquin et à moi-même de mettre en place un plan pour les traumatisés crâniens, qui verra bientôt le jour.

Pour répondre plus précisément à l’ensemble de vos questions, j’organiserai mes réponses autour des deux grands piliers de la loi : « l’accès à tout pour tous », d’une part, et la compensation, d’autre part.

J’en viens à l’architecture institutionnelle et à la simplification administrative, en évoquant les maisons départementales des personnes handicapées et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et handicapées, la CNSA.

Monsieur Daudigny, puisque vous avez cité la CNSA, je vous rappellerai que, grâce à la journée de solidarité de nos concitoyens en faveur des personnes âgées et handicapées, disposition adoptée par notre majorité parlementaire sous le gouvernement précédent, les fonds de cette caisse ont été augmentés de 2 milliards d’euros.

L’accessibilité concerne non seulement le handicap moteur, mais aussi le handicap sensoriel, psychomoteur et mental. La question de l’accessibilité ne concerne pas uniquement les fauteuils roulants, comme je l’entends bien souvent dire ; il faut penser de façon globale à la personne handicapée.

Pour aider à mettre en œuvre une véritable accessibilité, nous avons créé l’Observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle. Cette notion de « conception universelle » est définie dans la déclaration onusienne, et internationale, pour les personnes handicapées. Elle signifie que toutes les personnes, qu’elles vivent en France ou qu’elles se déplacent dans d’autres pays, ont le droit de bénéficier d’une accessibilité.

J’ai été choquée par certains propos entendus tout à l’heure dans cette assemblée. Par exemple, pour M. Jean Louis Masson, qui a évoqué le milieu rural et qui avait d’ailleurs voté la loi de 2005, réaliser des travaux d’accessibilité dans une église où la messe n’a lieu qu’une fois par an n’est pas justifié.

Indépendamment de ma fonction de secrétaire d’État, je suis moi aussi élue d’une circonscription rurale. J’ai pu le constater, bon nombre de communes, y compris des petites – le cas de communes de cent habitants a été cité, mais j’en connais qui n’en comptent que trente-cinq ! –, déposent des projets d’accessibilité, malgré la faiblesse de leur budget, l’État y participant au travers de la dotation globale d’équipement. Comme Mme Bernadette Dupont l’a rappelé, les communes, même en milieu rural, doivent faire preuve de beaucoup de bon sens et de pragmatisme pour établir leurs priorités.

Alors, si une fois par an une personne handicapée peut entrer dans cette église que j’évoquais précédemment, je vous l’affirme, je m’en réjouirai ! Le handicap est l’affaire de tous ! On peut naître handicapé, mais on peut aussi le devenir à la suite d’un accident ou d’une maladie. Cela peut concerner chacun d’entre nous, un membre de notre famille, notre enfant, un voisin ou un ami : nous sommes tous concernés ! Il ne faut pas l’oublier, demain, le handicap peut nous frapper nous aussi ! Il faut en prendre conscience.

Je fais toute confiance à votre collègue Mme Sylvie Desmarescaux, présidente de l’Observatoire, pour mener à bien le chantier de l’accessibilité.

Par ailleurs, 1 000 commissions communales et 400 commissions intercommunales ont été créées. Nous devons « penser » l’accessibilité au sens large, mais nous devons aussi aider à une meilleure accessibilité, avec un centre de ressources et de conseil.

Certaines communes qui ont réalisé des travaux n’ont pas pensé à tous les champs d’accessibilité et le regrettent. C’est dommage, en effet. Cet Observatoire incarne le besoin d’un centre de ressources et de conseil, de diagnostics et d’aide.

C’est vrai, 2015, c’est demain. Beaucoup déjà ont fait des efforts. Je vous invite à aller voir combien la ville de Vichy, par exemple, s’est transformée et est devenue accessible aux personnes handicapées de manière absolument remarquable et sur tous les champs de handicaps. Les progrès sont donc possibles.

Il faut évidemment agir dans la durée ; on ne transforme pas une commune d’un coup de baguette magique ! On le voit très bien, des actions peuvent être mises en œuvre. Je me réjouis d’ailleurs de constater que nombre de communes se sont déjà engagées dans cette voie.

J’en viens aux transports. Je veux que très vite la France offre des transports accessibles partout et pour tous ! Quel que soit le problème de mobilité, on devra pouvoir circuler et utiliser les différents services sans recourir à l’aide d’un tiers. De nombreux investissements ont été réalisés pour éradiquer les difficultés de mobilité rencontrées dans les gares, les stations, les aéroports et dans les transports en général. Mais la triste expérience vécue par Marie-Patricia Hoarau sur le vol Paris-Nice, le mois dernier, démontre que nous devons poursuivre nos efforts.

Les incidents survenus nous ont amenés, M. Dominique Bussereau et moi-même, à réunir l’ensemble des acteurs du réseau des transports et les associations autour d’une table ronde le 3 juin prochain. Ces travaux se prolongeront par ceux de l’Observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle, qui dressera un état des lieux, identifiera et recensera les obstacles qui peuvent encore exister sur l’ensemble de la chaîne du déplacement dans les transports.

Plusieurs d’entre vous ont évoqué les logements neufs. Je vous le rappelle, le Conseil d’État a annulé, pour des raisons de forme, le décret autorisant les dérogations dans les constructions neuves.

Nous partageons profondément le point de vue des associations – je pense notamment à l’Association des paralysés de France, l’APF – relatif à la nécessité d’aménager l’obligation d’accessibilité, précisément pour lui donner plus de force.

Nous devrons trouver un cadre adéquat, extrêmement précis et restrictif pour débloquer les projets immobiliers en cours. Nos précédentes tentatives législatives ont échoué devant le Conseil d’État, puis devant le Conseil constitutionnel, pour des questions de pure forme.

Je le dis très solennellement devant la Haute Assemblée : j’associerai pleinement les associations au travail de rédaction des dispositions adéquates, la seule méthode qui vaille étant celle de la concertation.

C’est pour cette raison d’ailleurs que les amendements déposés dans le cadre du projet de loi Grenelle II n’ont pas été défendus. Je l’ai dit aux parlementaires auteurs de ces amendements : nous devons nous concerter avec les associations.

Un véhicule législatif semble plus approprié : la proposition de loi de M. Paul Blanc, qui devrait permettre d’introduire les mesures nécessaires, une fois la concertation menée à son terme et avec la garantie d’atteindre les objectifs que nous nous fixons.

Vous avez été nombreux, mesdames, messieurs les sénateurs, à évoquer la question de la scolarisation, et je le comprends puisqu’il s’agit d’un enjeu important. Dès le mois de juin dernier, le Président de la République affirmait l’exigence de la scolarisation pour les enfants handicapés. Aujourd’hui, 180 000 d’entre eux sont scolarisés à l’école ordinaire, soit 30 % de plus qu’en 2004. C’est l’un des grands acquis de la loi du 11 février 2005 et, reconnaissons-le, un défi que l’éducation nationale a su relever.

Quant aux difficultés d’accès au bâti rencontrées par le jeune handicapé moteur que vous avez cité, madame Hermange, leur résolution relève également des collectivités locales, comme vous le savez. S’agissant du handicap, nous sommes tous coresponsables.

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