Intervention de Nadine Morano

Réunion du 12 mai 2010 à 14h45
Débat sur l'application de la loi de 2005 sur le handicap

Nadine Morano, secrétaire d’État :

La scolarisation en milieu ordinaire nécessite parfois que l’enfant handicapé soit accompagné par un auxiliaire de vie scolaire : près de 54 000 enfants sont désormais accompagnés individuellement. Lors des deux dernières rentrées scolaires, 4 700 AVS ont été recrutés, soit une augmentation de presque 50 %, portant leur nombre à près de 10 000 équivalents temps plein.

Mais à mesure de cette évolution, l’impératif de la qualité de l’accompagnement a émergé de plus en plus fortement : les familles attendent que l’AVS soit formé et sache s’adapter à la situation particulière de l’enfant. M. Luc Chatel et moi-même avons donc lancé une grande concertation sur ce sujet, afin de déterminer la professionnalisation nécessaire et de créer une réelle filière de métiers.

Nous avons travaillé afin d’élaborer une solution qui permette, d’une part, de garantir la qualité et la continuité des accompagnements pour les enfants qui en ont besoin, et, d’autre part, de maintenir l’implication forte de l’éducation nationale dans ce qui relève de l’accessibilité de tous à l’école, comme les familles le demandent à juste titre et comme la loi du 11 février 2005 le prévoit.

Nous avons décidé que la solution des services d’accompagnement et d’aide à domicile était la plus à même de répondre à nos objectifs. Il n’est en aucun cas question de transférer tous les AVS vers les services d’aide à domicile : il s’agit des AVS individuels, qui arrivent en fin de contrat et qui sont amenés à continuer leur accompagnement.

Nous ne nous priverons pas des associations qui se sont investies dans le dispositif transitoire de 2009. Nous avons souhaité que les deux dispositifs – le service à domicile et les associations – coexistent.

La solution proposée n’est pas figée. Nous avons décidé de mettre en place un comité de suivi du dispositif, afin de l’évaluer et de l’adapter.

Au-delà de la formation, les associations et les parents demandent – et c’est légitime – la constitution progressive de filières de professionnalisation. Ils ne veulent pas de rupture temporelle ou géographique de l’accompagnement. En effet, la vie de l’enfant handicapé ne se limite pas à l’école, elle s’étend à la famille et aux loisirs. Il faut, à terme, de vraies filières professionnelles pour mieux accompagner les enfants.

Pour ce qui concerne l’emploi, j’ai évoqué la surcontribution des entreprises. Vous avez raison, madame Pasquet, l’accessibilité, c’est aussi l’accès à l’emploi des personnes handicapées. Leur taux de chômage étant plus élevé que celui du reste de la population et leur niveau de formation étant inférieur, le constat est clair : les personnes handicapées ont plus de difficultés que les autres à mener à bien un projet professionnel.

C’est la raison pour laquelle, voilà deux ans déjà, le Président de la République a lancé le Pacte national pour l’emploi des personnes handicapées. Aujourd’hui, les entreprises s’ouvrent. On estime que 40 % d’entre elles atteignent ou dépassent le taux de 6 % de personnes handicapées employées.

Selon le baromètre « emploi et handicap », que vous avez cité vous-même, monsieur Le Menn, et qui est réalisé par le site « Missionhandicap.com » et le quotidien Le Figaro, la place des personnes handicapées dans les entreprises françaises n’a cessé de croître ces vingt dernières années.

Les trois quarts des entreprises emploient au moins une personne handicapée selon le dernier baromètre publié hier, contre seulement une sur deux voilà un an et deux sur trois voilà six mois. C’est le signe, n’en doutons pas, de l’efficacité de notre politique et de l’importance de ce sujet pour les entreprises, en dépit de la crise.

Parallèlement, l’allocation aux adultes handicapés est remaniée pour devenir un instrument facilitant l’emploi et l’insertion, lorsque la situation des personnes s’y prête.

La réforme de l’AAH est importante. J’en ai beaucoup discuté avec les associations de personnes handicapées à travers le comité d’entente. Comme vous le savez, il est possible de cumuler l’AAH et un niveau de revenus équivalent à 1, 1 SMIC. Avec la réforme, ce niveau passera à 1, 3 SMIC.

Il s’agit aussi de trimestrialiser l’AAH. En effet, il faut être plus réactif en fonction de la situation des personnes handicapées sur le marché du travail – en cas de perte d’emploi ou simplement de modification de la situation professionnelle. Par ailleurs, j’ai souhaité qu’il n’y ait que des gagnants, en lissant, par cette réforme, les plafonds d’abattement.

La réforme entrera en vigueur le 1er janvier prochain. Cela permettra aussi aux caisses d’allocations familiales de mieux accompagner les personnes handicapées vers cette trimestrialisation et de les informer de ce nouveau dispositif. Ce délai laissera à chacun le temps de trouver ses marques.

Notre action s’organise autour de trois axes.

Le premier axe porte sur la formation. De l’aveu de tous, c’est le grand frein à l’embauche. Je l’évoquais à l’instant, il nous faut des écoles, des universités mais aussi des centres de formation accessibles. Là encore, l’Observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle s’y emploie.

Le deuxième axe concerne la mise en relation de l’offre et de la demande avec le renforcement et la professionnalisation du réseau Cap Emploi, la mobilisation du service public de l’emploi et des entreprises, dont les initiatives sont tout à fait innovantes.

Je pense à certaines banques, comme – je cite de mémoire – la Société générale, qui ont organisé un tour de France pour recruter des personnes handicapées ou pour mettre ces dernières en relation avec les entreprises.

Nous menons un travail de terrain et de proximité, en lien avec nos partenaires locaux. Une expérimentation est en cours dans plusieurs départements. Elle s’appuie, entre autres, sur l’AGEFIPH et sur le FIPHFP, mais aussi sur Pôle emploi et des dispositifs comme Record ou le réseau Comète France.

Enfin, le dernier axe de cette politique vise la mobilisation des employeurs. En la matière, les marges de progrès potentielles sont considérables, en particulier dans deux domaines : la sensibilisation des employeurs et la lutte contre les a priori, ainsi que le souci des carrières.

Il faut également prendre en compte les efforts réalisés grâce aux aides dont l’AGEFIPH fait bénéficier les personnes qui sont devenues handicapées. Lorsque je me suis rendue dans les locaux de la société Thales, une personne handicapée se déplaçant en fauteuil roulant à la suite d’un accident de voiture a souligné avec beaucoup d’émotion combien il était important pour elle que son entreprise ne l’ait pas mise de côté et qu’elle ait adapté son poste professionnel. Cet exemple montre que la société a beaucoup évolué et que nous consacrons les moyens nécessaires pour reconnaître le handicap de naissance, mais aussi celui qui se produit à la suite d’un accident de la vie.

J’en viens à présent au second pilier de la loi de 2005 : la création d’un véritable droit à compensation du handicap, c’est-à-dire la prise en charge, de façon personnalisée, des surcoûts de toute nature liés au handicap.

J’évoquerai tout d’abord la prestation de compensation du handicap, nouvelle allocation instaurée par la loi du 11 février 2005.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous m’avez interrogée sur l’accompagnement par l’État des dépenses nouvelles incombant aux conseils généraux. Je vous rappelle que, contrairement à ce qui s’est passé pour l’APA en 2002, nous avons voté en même temps la prestation et la ressource qui contribue à son financement, par exemple, comme je l’ai indiqué au début de mon intervention, les fonds induits par la journée de solidarité.

La montée en charge de la prestation de compensation du handicap est progressive, et cette allocation n’a sans doute pas encore atteint son niveau de croisière. Pour autant, l’État, via la CNSA, verse depuis 2006 la totalité de la ressource promise, alors même que les dépenses sont bien inférieures. Nous pouvons donc constater aujourd'hui que, depuis quatre ans, et en tenant compte des dépenses de l’allocation compensatrice pour tierce personne, qui sont intégralement à la charge des départements, le financement de la PCH, à l'échelle nationale, est assuré pour moitié par l’État et pour moitié par les conseils généraux.

Certes, des questions subsistent sur la répartition équilibrée de cette charge entre les départements. C’est le sens de la réflexion que le président de la CNSA a engagée en ce qui concerne les clefs de répartition des concours.

S'agissant de l’AAH, je rappellerai que nous nous sommes engagés à revaloriser cette prestation et surtout à permettre son cumul avec les revenus d’activité.

Pour finir, j’évoquerai les questions relatives à l’architecture institutionnelle, c'est-à-dire les maisons départementales des personnes handicapées et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et handicapées.

Comme la loi le prévoyait, les MDPH sont devenues le point unique par lequel les personnes handicapées accèdent à leurs droits. Elles ont pris toute la place qui leur était dévolue par la loi. Elles ont notamment permis de procéder à une véritable évaluation des besoins de compensation des personnes handicapées.

Enfin, l’État a largement contribué à la mise en place de ces MDPH en mettant à leur disposition des agents, en remplaçant ces derniers quand ils partaient à la retraite ou décidaient de revenir dans leur administration d’origine, en leur allouant des crédits de fonctionnement – plus de 14 millions d’euros par an –, ainsi que 235 millions d’euros depuis 2006, soit 47 millions d’euros par an, et en consacrant 50 millions d’euros à leur installation.

J’en viens à la compensation des postes. Mesdames, messieurs les sénateurs, sachez que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 prévoit toutes les compensations de postes qui seront nécessaires au cours de cette année. Par ailleurs, le Gouvernement souhaite que le statut des personnels des MDPH, que vous avez été nombreux à évoquer, soit stabilisé.

C’est pourquoi je me réjouis que vous examiniez dans les prochaines semaines la proposition de loi déposée par votre collègue Paul Blanc et plusieurs de ses collègues, qui constitue une excellente occasion de modifier les règles qui doivent l’être.

Vous m’avez interrogée également sur l’application de l’article 13 de la loi du 11 février 2005. La mise en œuvre des grands principes qu’il édicte incombe au législateur. Je tiens toutefois à vous indiquer que je souscris aux objectifs généraux de cette disposition, même si j’en connais les limites. J’estime que nombre des dispositifs mis en place nous permettent de nous rapprocher des finalités visées.

La compensation doit dépendre non pas de l’âge de la personne concernée, mais bien de sa situation. De même qu’il est possible de devenir handicapé au cours de sa vie, il n’y a pas de fatalité à vieillir dépendant ; là encore, il s'agit d’un accident de la vie. À ce titre, nous devrions envisager le droit à compensation de la même manière dans les deux cas.

Je suis d’ailleurs extrêmement sensible à la question des personnes handicapées vieillissantes. Elle attire particulièrement notre attention, en nous montrant que certaines frontières de notre droit médico-social sont artificielles.

Nous avons déjà engagé des travaux sur ce thème, pour faire évoluer l’offre dans un sens plus satisfaisant. Nous réfléchissons aussi au problème posé par les aidants, qui vieillissent eux aussi. Voilà autant de grands défis qui nous attendent, mais qui ne sont pas faciles à relever, d’autant que les contraintes financières que la crise fait peser sur les finances locales et nationales ne peuvent être ignorées. C’est pourquoi le simple élargissement du champ des bénéficiaires de la PCH aux personnes âgées n’est pas envisageable.

Je le répète, des progrès ont déjà été enregistrés pour les personnes handicapées de plus de soixante ans. Ces dernières peuvent d'une part, conserver le bénéfice de leur PCH après cet âge et jusqu’à leur mort et, d'autre part, solliciter l’attribution de la PCH après soixante ans – mais avant soixante-quinze ans – si le handicap est survenu avant cet âge. Nous pourrons d'ailleurs réfléchir à la suppression de cette dernière limite qui, je vous l’accorde, mesdames, messieurs les sénateurs, n’a pas grand sens.

J’en viens à la question des retraites, sur laquelle, monsieur Teulade, vous m’avez interpellée sans jamais formuler la moindre proposition !

En ce qui concerne la réforme en préparation, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a lancé une phase de concertation, qui se poursuit.

À ce stade, les personnes handicapées bénéficient d’une pension au taux plein dès l’âge de soixante ans, sans décote et quelle que soit la durée de leur carrière. Toutefois, bien sûr, comme tous les autres cotisants aux régimes de retraite, elles ont été amenées à contribuer davantage.

Ainsi, depuis le 1er janvier 2009, elles cotisent au moins un trimestre de plus en fonction de leur année de naissance : un trimestre pour les personnes nées en 1949, deux pour celles qui sont nées en 1950, trois pour celles qui sont nées en 1951 et quatre pour celles qui sont nées en 1952 et au cours des années suivantes.

En tout état de cause, mesdames, messieurs les sénateurs, retenez que, en matière de retraite, une personne handicapée ne peut toucher moins que le montant de l’allocation supplémentaire pour les personnes âgées, à savoir 709 euros pour une personne seule, ce qui est heureux !

Par ailleurs, les personnes handicapées bénéficient d’avantages justifiés : un régime de départ anticipé à la retraite, la validation gratuite de trimestres pour les périodes d’arrêt maladie, ou encore certaines mesures protectrices pour les personnes bénéficiant seulement de faibles ressources. Il faut ajouter à ces avantages le développement des structures d’accueil.

Nous consacrons le plus grand soin à la préservation des intérêts des personnes handicapées vieillissantes. Répondre au défi du vieillissement de la population handicapée est même une priorité pour le Gouvernement !

Mesdames, messieurs les sénateurs, notre action est tout entière tournée vers la défense des personnes handicapées, avec la volonté de respecter les engagements et de conforter les avancées de la loi de 2005. Le Président de la République, les ministres et secrétaires d’État concernés, les parlementaires, qui sont pour nous autant d’alliés précieux, et les administrations souhaitent tous une mise en place rapide et efficiente de cette loi.

Monsieur Le Menn, l’histoire retiendra que, en matière de handicap, il y a ceux qui parlent, voire critiquent, et ceux qui agissent. Le Gouvernement conduit la mise en œuvre de la loi de 2005 et mène des réformes nécessaires et extrêmement difficiles, comme celle des retraites. D’ailleurs, que nul ne s’y trompe : si cette réforme avait été facile, ceux qui se trouvent aujourd'hui dans l’opposition l’auraient sans doute réalisée avant nous ! Quelles que soient les difficultés, malgré toutes les contraintes que nous subissons, je puis vous assurer que nous poursuivrons l’effort de solidarité accompli en faveur des personnes handicapées.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis que, malgré nos convictions différentes, nous ayons pu mener ce débat. Je me félicite de votre mobilisation, mais aussi de vos critiques, tant il est vrai qu’aucun dispositif n’est jamais parfait. Je salue vos engagements, en particulier ceux de Jacques Blanc, qui a été le rapporteur à l’Assemblée nationale de la loi de 1975, et du beau-père de Marie-Thérèse Hermange, qui, lui aussi, a largement contribué à la rédaction de ce texte.

Soyez assurés que nous poursuivrons notre mobilisation en faveur des personnes handicapées.

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