Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je me réjouis que la transposition de la directive « Services » soit de nouveau discutée au Sénat, et ce grâce à l’initiative de notre collègue Jean Bizet.
Cette directive a pour objet la réalisation d’un véritable marché intérieur des services, qui représente 70 % de l’économie européenne et une très grande partie des créations d’emplois, mais seulement 20 % des échanges transfrontaliers. Elle vise à établir un cadre juridique commun, pour renforcer la compétitivité de l'économie européenne.
Depuis la suppression du principe controversé dit « du pays d’origine », à la suite de l’adoption par le Sénat d’une résolution et grâce à la mobilisation de nos collègues parlementaires européens, les finalités de la directive font désormais l’objet d’un consensus.
Malgré tout, des inquiétudes demeurent quant à son champ d’application et à ses conséquences pour certaines professions réglementées ; je pense principalement aux services sociaux et médico-sociaux.
Le 25 mars dernier, lors de la discussion de la proposition de loi relative à la protection des missions d’intérêt général imparties aux services sociaux et à la transposition de la directive « Services », Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés, nous a donné sur ce point nombre d’éclaircissements.
Elle nous a tout d’abord rappelé que la très grande majorité des établissements et services sociaux et médico-sociaux sont exclus du champ d’application de la directive, car ils satisfont aux deux critères cumulatifs d’exclusion prévus par ce texte.
D’une part, ils sont relatifs aux domaines suivants : le logement social, l’aide à l’enfance, l’aide aux familles et aux personnes se trouvant dans une situation de besoin, qu’elle soit temporaire ou permanente.
D’autre part, ils sont assurés par des prestataires mandatés par l’État ou par une collectivité publique.
Mme Nora Berra nous a également rassurés sur les établissements inclus dans le périmètre d’application de la directive : cette dernière ne remet en cause ni leur régime juridique ni leurs caractéristiques essentielles, et ce grâce à l’action du Gouvernement qui a justifié leur pertinence dans un rapport adressé à la Commission européenne au début du mois de janvier.
Par conséquent, le fait que les services soient inclus ou exclus du champ d’application de la directive ne risque pas, à mon sens, d’entraîner une dérégulation ou un abaissement des exigences de qualité.
Certains de mes collègues se sont en outre fait l’écho d’inquiétudes exprimées par les architectes. Actuellement, le droit français impose que le capital des sociétés d’architecture soit détenu majoritairement par les architectes qui en sont membres. Or la profession craint que le Gouvernement ne supprime cette clause majoritaire au prétexte qu’elle constituerait un obstacle à la liberté d’établissement. Pouvez-vous, madame la secrétaire d'État, nous faire part des intentions du Gouvernement sur cette question ?
Une dernière inquiétude demeure quant aux mesures de transposition de la directive. En effet, une réunion qui s’est tenue le 27 avril dernier a permis de constater que vingt États membres – dont la France – sur vingt-sept n’avaient toujours pas pleinement transposé ce texte. Le Gouvernement a choisi, Jean Bizet l’a indiqué, de recourir à une transposition sectorielle, et non à une loi-cadre.
J’en viens maintenant au processus complexe de la transposition d’une telle directive, exercice long et difficile. Cette transposition a d’abord nécessité de passer en revue toute la législation nationale pouvant être affectée par les dispositions envisagées. Elle a aussi suscité d’importants efforts de coordination à tous les échelons des administrations nationales, afin de mettre en place les dispositifs prévus.
L’une des actions requises consistait à instaurer ce qui a été appelé les « guichets uniques », c'est-à-dire les portails d’administration en ligne permettant aux entreprises d’effectuer toutes leurs formalités administratives par voie électronique. Ces guichets uniques ne fonctionnant que depuis quelque temps, il paraît quelque peu prématuré de tirer des conclusions. Mais les utilisateurs ont peut-être fait part de remarques au Gouvernement, madame la secrétaire d'État.
Plusieurs députés européens ont souligné la nécessité de proposer ces sites en au moins deux langues, afin que les prestataires de services souhaitant s’installer dans l’un des États membres soient mieux à même de comparer les conditions dans lesquelles ils exerceront leurs activités. Pouvez-vous nous préciser la position du Gouvernement sur ce sujet ?
Par ailleurs, au vu de l’importance que revêt cette directive tant pour les citoyens que pour les entreprises, il me paraît judicieux de permettre aux acteurs concernés de mieux comprendre les modifications en cours, ainsi que les différentes actions menées. Une campagne d’information volontaire pourrait les y aider. Un tel projet est-il envisagé par le Gouvernement ?
Une fois la législation passée en revue, certaines entraves levées et des réalisations, telles que les guichets uniques, accomplies, une nouvelle étape va pouvoir débuter : il s’agit de la phase dite d’« évaluation mutuelle », durant laquelle chaque État membre produira un rapport sur les modifications législatives effectuées dans le domaine de la prestation de services. Ce document sera étudié par la Commission européenne et par les autres États membres, qui pourront observer concrètement les efforts accomplis par leurs partenaires, et éventuellement signaler les dispositions susceptibles, selon eux, de créer des distorsions de concurrence.
La Commission européenne présentera quant à elle un rapport complet sur l’application de la directive « Services » le 28 décembre 2011. Par la suite, elle en fera de même tous les trois ans. Ces documents seront accompagnés, le cas échéant, de propositions de modifications et de mesures supplémentaires concernant les questions exclues du champ d’application de la directive.
Il paraît envisageable que certains professionnels, se rendant compte des opportunités économiques offertes, demandent leur inclusion dans le champ de la directive « Services », alors qu’ils en sont exclus aujourd’hui.
Il semble donc bien que les réalisations que je viens de citer ne constituent que les premières étapes de la transposition de la directive, qui, plus qu’une transposition législative, doit être perçue comme un processus d’amélioration constant de la qualité des échanges intracommunautaires dans le domaine des services.
Madame la secrétaire d'État, le Gouvernement partage-t-il cette analyse de l’avenir de la directive « Services » ?
Même si cette dernière n’est effectivement pas entièrement transposée en France, j’estime, à titre personnel, qu’il est plus pertinent de prendre un peu plus de temps que prévu pour transposer ce texte essentiel, plutôt que de bâcler le travail.
Cependant, il importe que cette transposition s’achève le plus rapidement possible dans tous les États membres. En effet, je suis intimement convaincue que cette directive, lorsqu’elle sera entièrement transposée, permettra de dynamiser la croissance économique européenne et de relancer la création d’emplois.
Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, dans le contexte de crise économique et de désarroi social que nous traversons actuellement, il ne faut négliger aucun outil susceptible d’améliorer la situation de nos entreprises et de nos concitoyens !