Intervention de Nicolas Forissier

Réunion du 18 janvier 2005 à 16h00
Développement des territoires ruraux — Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales :

Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, comme l'a très bien dit Dominique Bussereau, le projet de loi dont le Sénat entame aujourd'hui la deuxième lecture traduit la confiance du Gouvernement dans l'avenir de nos territoires ruraux.

Ce texte favorise une dynamique et fait en sorte d'offrir aux acteurs du monde rural les outils de leur propre développement. Il s'inscrit dans une réflexion plus vaste, initiée depuis deux ans et demi, sur le thème d'un essor plus harmonieux de nos territoires et d'une meilleure utilisation de notre espace. Il obéit à une volonté forte : celle de donner aux acteurs du monde rural les moyens d'agir.

Le Gouvernement a engagé, depuis son arrivée, une politique volontariste et cohérente en faveur du monde rural. Jamais sans doute, depuis longtemps, le monde rural n'avait pu disposer d'autant d'outils pour bâtir des projets, libérer ses énergies et construire son avenir.

De nombreuses actions ont été engagées depuis deux ans et demi, qui témoignent de la cohérence de cette démarche : les grandes lois de décentralisation, qui sont un signe très fort de confiance de l'Etat envers les acteurs de nos territoires ; les comités interministériels pour l'aménagement du territoire, les CIADT, et notamment le CIADT rural de septembre 2003, celui sur les grandes infrastructures de décembre 2003, celui sur les pôles de compétitivité et l'essor du haut débit de septembre 2004 ; la politique menée en faveur de la couverture totale du territoire en téléphonie mobile, décisive depuis deux ans ; l'accès à l'internet à haut débit pour tous, avec des objectifs et un calendrier précis ; le projet de loi sur les territoires ruraux, dont nous allons terminer les débats ; la future grande loi d'orientation agricole, qui doit être articulée avec ce texte, comme l'a rappelé Dominique Bussereau, qui a été précédée, dans toutes les régions, de débats sur le thème de l'agriculture, des territoires et de la société et qui devra être applicable l'an prochain ; le partenariat national pour le développement de l'industrie agroalimentaire, auquel je travaille, et qui doit conforter un secteur qui assure 70 % des débouchés de notre agriculture :

Mesdames, messieurs les sénateurs, ces outils s'inscrivent dans une réflexion de fond que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a lancée afin d'ouvrir de nouvelles perspectives et d'essayer de faire « bouger les lignes » en faveur du monde rural.

Qui sait, en effet, que depuis dix ans le monde rural a regagné 500 000 habitants ? On croit souvent qu'il continue de perdre des habitants ; en réalité, même si les situations sont contrastées, il en regagne.

Pourquoi, dès lors, ne pas dessiner une nouvelle frontière, en se fixant pour objectif 30 % de la population française dans les territoires ruraux, contre 20% aujourd'hui ? Un tel objectif n'est pas forcément impossible à atteindre, au regard des évolutions des dernières décennies.

Nous devons essayer de relever ce défi, car une répartition plus harmonieuse de la population sur notre territoire aurait, évidemment, de nombreuses conséquences positives, en termes de vie économique et sociale, pour le monde rural.

Les problématiques et les besoins sont multiples ; les richesses de nos terroirs sont diverses ; nous devons libérer toute cette capacité d'initiative. Il fallait donc se doter d'une véritable « boîte à outils », dans laquelle chaque acteur puisse trouver les instruments adaptés. Tel est l'objet de ce projet de loi.

Je voudrais, à l'instar de Dominique Bussereau, souligner l'apport du Parlement, toujours riche et de grande qualité. Je le dis avec beaucoup de force et de sincérité : cet apport a été et sera essentiel. Je souligne, en particulier, la qualité du travail accompli par les rapporteurs et le rôle joué par le Sénat dans l'enrichissement de ce texte. J'ai eu beaucoup de plaisir à commencer ma mission ministérielle sur ces bancs, avec vous, et je suis heureux de vous retrouver, aujourd'hui, pour poursuivre ce travail.

Je voudrais prendre quelques exemples, très concrets, pour illustrer la démarche du gouvernement auquel j'appartiens, démarche, je vous l'ai dit, de confiance en l'avenir du monde rural.

Ce qui compte, c'est avant tout d'assurer le développement économique de nos territoires ruraux. Celui-ci passe par deux grands axes : une action résolue en faveur des entreprises, créatrices d'emplois, et une action tout aussi déterminée en faveur du niveau de services, de la qualité de l'accueil et du logement, pour les salariés de ces entreprises et pour les habitants des régions rurales. Ces deux problématiques sont indissociables et le projet de loi leur apporte des réponses précises.

Il faut d'abord maintenir et développer les entreprises. Nos campagnes, surtout les plus fragiles d'entre elles, ont impérativement besoin des entreprises, des commerces, des artisans. Nous devons encourager une vie économique qui puisse s'y implanter durablement.

Mais soyons tout à fait lucides : pour y parvenir, il nous faut trouver un « avantage comparatif » pour ces territoires afin de renforcer leur attractivité.

Ce projet de loi revoit et renforce donc les zones de revitalisation rurale, les ZRR, en les dotant de dispositions fiscales et financières incitatives, notamment au travers d'exonérations de taxe professionnelle, à même de mieux attirer les initiatives et donc les emplois. Frédéric de Saint-Sernin reviendra sans doute sur ce sujet.

Il s'agit d'une démarche très importante, en particulier dans le secteur de l'industrie agroalimentaire, dont je suis chargé. C'est une industrie « rurale » s'il en est puisque huit entreprises sur dix sont des petites et moyennes entreprises, des PME, ou des très petites entreprises, des TPE, qui maillent notre territoire.

Il faut les conforter, en particulier dans les zones rurales fragiles. Tel est, d'ailleurs, l'objet du plan d'action pour le développement des industries agroalimentaires auquel je travaille et qui, lui aussi, doit s'articuler avec le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux. Ce plan d'action, je le rappelle, sera définitivement opérationnel en juin prochain.

Nous devons donc conforter les entreprises, favoriser leur implantation, mais nous devons aussi développer les services pour maintenir les emplois. Si nous voulons encourager la venue d'entreprises dans les territoires ruraux, nous devons offrir à leurs salariés des conditions d'accueil, de services et de logement comparables à celles qu'ils trouvent en zone urbaine.

Les territoires ruraux ont beaucoup progressé dans cette voie, ces dernières années, grâce à l'utilisation des fonds européens, grâce au soutien des collectivités locales et de l'Etat. Nombre d'entre eux - notamment les campagnes des villes et les nouvelles campagnes, à savoir les bourgs ruraux qui, avec dynamisme, savent s'équiper - proposent déjà une qualité de vie et des infrastructures égales à celles des grandes zones urbaines.

Néanmoins, un effort particulier doit être fourni, de nouveau, pour les campagnes les plus fragiles. Un effet de levier est nécessaire pour amplifier ce mouvement positif. Tel est aussi l'objectif visé à travers plusieurs mesures et plusieurs chapitres du projet de loi.

Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat chargé de l'assurance maladie, abordera le sujet-clé de l'installation des médecins et de la meilleure coordination de l'offre médicale.

Je voudrais, pour ma part, mettre l'accent sur un autre besoin qui conditionne non seulement l'implantation, mais encore le maintien d'activités économiques : le logement.

Le texte entend remédier à l'insuffisance de l'offre de logements en zone rurale. Par plusieurs dispositions fiscales, il favorise l'habitat locatif ; il comporte également des dispositions pour les travailleurs saisonniers, via la rénovation de locaux qui pourraient leur être loués ensuite. C'est, de nouveau, une réponse concrète aux besoins d'un grand nombre d'exploitants agricoles.

Le projet de loi permet également la reprise par le bailleur de bâtiments de ferme présentant un intérêt architectural pour les mettre sur le marché locatif. La mise en valeur du patrimoine et des paysages de nos terroirs est aussi un élément de qualité de vie, et donc d'attractivité. La démarche gouvernementale est cohérente.

Là encore, nous avons cherché, ensemble, à apporter des réponses concrètes, en soutenant à la fois la préservation du patrimoine rural bâti et l'essor de l'activité touristique.

Un autre exemple concret est la présence des vétérinaires, qui sont de vrais partenaires des agriculteurs et des garants de notre sécurité sanitaire. Cette présence est indispensable. Il était donc primordial que le projet de loi s'attache à réunir des conditions favorables pour leur maintien dans nos territoires ruraux. C'est le cas au travers de la possibilité d'exonération de taxe professionnelle, prévue lors de l'installation ou du regroupement de vétérinaires dans les zones de revitalisation rurale.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte comporte nombre de mesures concrètes et apporte des réponses à la multitude de problèmes que nous rencontrons dans nos territoires.

Après l'adoption définitive de ce projet de loi, il restera à accomplir la tâche, évidemment essentielle, de le mettre en oeuvre et de l'expliquer. Ce sera le rôle du Gouvernement, et je puis vous dire que Dominique Bussereau, moi-même comme « secrétaire d'Etat du rural », et Frédéric de Saint-Sernin en tant que secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire, nous y serons particulièrement attentifs. Ce sera un travail de tous les instants dans les années à venir et, notamment, dans le courant de cette année 2005.

Soyez certains, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous assurerons pleinement le service « après-vote » de la loi, sur le terrain, pour faire vivre ce texte, pour présenter aux acteurs du monde rural la « boîte à outils » dont ils vont disposer.

Cela passera par nombre de déplacements très concrets, mais aussi par une approche vivante. Un texte de loi, au fond, mesdames, messieurs les sénateurs, est un « chantier » que nous ouvrons, mais qui peut encore évoluer. Il faudra vérifier sur le terrain que les dispositions de ce projet de loi relatif au développement des territoires ruraux sont bien adaptées. C'est ce que nous ferons, quitte à les ajuster par la suite.

J'ai d'ores et déjà sensibilisé les services déconcentrés du ministère, les directions départementales de l'agriculture et de la forêt, les DDAF, et les directions régionales de l'agriculture et de la forêt, les DRAF, à la nécessité d'informer, d'expliquer les mesures de la loi. Je leur demanderai également de faire remonter du terrain les réactions, les initiatives, mais aussi les difficultés éventuelles dans la mise en oeuvre de telle ou telle mesure, de façon que l'on fasse encore évoluer ce « chantier ».

En effet, comme je l'ai dit, la loi n'est pas un aboutissement, c'est un « chantier » ouvert qui doit s'adapter à l'évolution et à la variété des territoires ruraux, à la diversité des problèmes posés. C'est bien ainsi que nous redonnerons au monde rural les perspectives dont il a vraiment besoin. Je voudrais vous convaincre, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous nous y employons dans un esprit de confiance et de volonté.

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