Intervention de Georges Mouly

Réunion du 18 janvier 2005 à 16h00
Développement des territoires ruraux — Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Georges MoulyGeorges Mouly :

« Délaissée ou mal comprise, la ruralité doit bénéficier d'une attention renouvelée de notre politique d'aménagement du territoire. L'Etat jouera son rôle de garant de la solidarité nationale au service des territoires ruraux. » Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les secrétaires d'Etat, c'est M. le Président de la République qui s'exprimait ainsi. J'étais à Ussel en 2003, et samedi dernier à Tulle.

L'attente est grande, comme en témoigne, entre autres, le thème du congrès des familles rurales qui doit se tenir à l'automne : « Territoires ruraux, notre défi. »

C'est une volonté ferme qu'il faut. Cette volonté est traduite, me semble-t-il, dans le texte en discussion ce jour dont les rapporteurs ont bien dégagé les grands volets. Je n'y reviendrai pas, délibérément.

Je me bornerai à quelques remarques, basiques, ponctuelles, voire annexes, mais tirées du vécu de la ruralité.

Je commencerai par l'école. La mesure concernant les effectifs scolaires en ZDR, les zones de développement rural, est bienvenue. Elle me donne l'occasion de revenir sur la présence et la prise en compte des enfants de deux ans dans les écoles maternelles.

Je citerai cette réponse d'un précédent ministre : « Tout faire pour les accueillir dans les milieux ruraux isolés et dans les ZEP. »

Je lis encore dans le projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école: « L'accueil des enfants de deux ans reste assuré en priorité dans les écoles situées dans un environnement social défavorisé. » Or, le rural profond relève ô combien - hélas ! - de cette notion.

Je plaide donc à nouveau pour la présence des enfants de deux ans dans les classes maternelles.

Au sujet de l'école en milieu rural, comment ne pas remarquer l'insuffisance des postes de médecin scolaire ?

En ce qui concerne l'emploi, rendre possible le cumul d'un emploi public et d'un emploi privé me semble une bonne chose, de même que prévoir la possibilité de confier une mission de service public à une personne dont l'activité ne relève pas de ce dernier. Cependant, il serait à mes yeux bienvenu d'assouplir et d'ouvrir plus encore le dispositif.

A cet égard, je voudrais évoquer le cas concret d'un maire dont la volonté était de mettre en place une agence postale communale. A défaut d'autre solution envisageable, il a été proposé de confier cette mission de service public à une personne préretraitée présentant un profil idéal. Or ce maire s'est heurté à un veto : l'allocation de préretraite versée par les ASSEDIC ne peut être cumulée avec une rémunération, aussi faible soit-elle. Ne pourrait-on envisager d'abolir ce type de barrière lorsqu'il s'agit de services publics en milieu rural ? Le cumul d'un emploi et d'une retraite ou d'un emploi et du RMI est possible ; pourquoi ne pas aller plus loin ?

En ce qui concerne les services au public, le texte prévoit heureusement de donner aux communes la possibilité de créer des services de première nécessité si l'initiative privée est défaillante. C'est là une politique que bien des départements conduisent déjà et qui porte ses fruits.

Dans ce domaine, j'ai bien conscience que le présent projet de loi ne peut apporter une réponse à tous les problèmes ; ne pourrait-on cependant envisager d'ouvrir sans trop attendre les professions réglementées et les secteurs protégés ? Pour l'heure, en effet, on constate des situations du type suivant : la fermeture d'une officine de pharmacie a été imposée par jugement d'un tribunal, alors que son ouverture avait, bien évidemment, été autorisée par le préfet. Le ministère a fait appel, en indiquant que la création de l'officine était de droit et, plus loin, que le jugement du tribunal est entaché d'une erreur de droit. Comprenne qui pourra, messieurs les ministres ! En tout cas, voilà la population de plusieurs communes rurales privée d'un service de proximité.

Je me permets donc de formuler le souhait d'une ouverture des secteurs protégés et des professions réglementées. Lors de la discussion d'un amendement, rejeté à l'Assemblée nationale, portant précisément sur l'ouverture des officines de pharmacie en milieu rural, il a été objecté que son adoption serait susceptible de porter atteinte à l'équilibre de ces dernières. Dans ces conditions, est-on condamné à l'immobilisme en milieu rural ? Avouez-le, messieurs les ministres, ce serait aller à l'encontre de l'esprit qui sous-tend le présent projet de loi.

S'agissant toujours des services publics, j'ai encore à la mémoire la démission d'élus de la Creuse. A cet égard, l'article 37 F du texte reprend, pour l'essentiel, la réponse donnée à une question orale que j'ai récemment posée sur ce sujet. Le point central est l'organisation d'une concertation locale, dont il est dit qu'elle doit précéder toute décision de réorganisation des services publics et permettre un débat visant à trouver des solutions adaptées et réalistes. Les propos qui ont été tenus sur ce point par MM. les ministres et M. le rapporteur sont certes rassurants, mais il ne s'agit pas que le représentant de l'Etat puisse décider de l'opportunité d'une concertation : la concertation doit être un préalable. C'est encore le Président de la République qui demandait récemment que soit menée une concertation avant toute adaptation - il ne doit pas seulement, j'y insiste, s'agir de fermeture - des services publics. Ce n'est qu'ensuite que l'on définit ce qu'il convient de faire et que le préfet peut saisir le ministre concerné.

De ce point de vue, j'exprimerai un regret, tenant à la suppression, par un décret d'avril 2004, de l'étude d'impact préalable. Je ne comprends pas une telle décision, alors que cette procédure me semblait pertinente.

A ce moment de mon intervention, je soulèverai une question : que sera précisément la conférence des services publics en milieu rural, qui doit déboucher sur les états généraux des communes rurales ? J'ai bien entendu les propos que vous avez tenus à cet égard, monsieur le ministre, mais nous voudrions en savoir davantage sur ce projet, qui paraît certes intéressant, même si sa mise en oeuvre est difficile. Il a d'ailleurs été question des départements d'expérimentation, dont le mien fait partie.

En ce qui concerne l'artisanat, chacun sait la volonté manifestée qu'il trouve sa juste place dans la ruralité, que les dispositions du présent texte renforcent les possibilités d'une synergie et que le monde rural soit un espace d'équité. Je présenterai des amendements portant sur ce sujet. Certes, l'artisanat est l'un des thèmes abordés au travers du texte qui nous est soumis, mais que penser de l'idée d'une chambre interconsulaire ? J'énonce cette question, parce qu'elle s'inscrit dans le débat relatif à l'agriculture, aux territoires et à la société.

J'évoquerai maintenant brièvement le tourisme, pour demander une fois encore des éclaircissements. Je partirai là aussi d'un exemple précis.

Par une récente lettre relative à l'ouverture de casinos, M. le ministre m'a rappelé que celle-ci ne saurait concerner que des stations balnéaires et thermales. Cela ne m'apprenait rien, mais, dans la réponse à une question écrite que j'ai posée précédemment, il est fait référence à l'implantation de casinos dans des espaces à dominante rurale - la Lozère, le Cantal - dans des communes ayant engagé des politiques de développement touristique. Là encore, comprenne qui pourra ! Que dire, que faire ? Une évolution de la législation de 1907 est-elle ou non envisageable ?

En conclusion, je tiens à rappeler combien certaines politiques départementales tendent déjà fortement au développement de la ruralité. C'est là une heureuse complémentarité entre les collectivités territoriales et l'Etat. Il s'agit aujourd'hui de donner un nouvel essor à la politique de l'Etat. Ce qui compte maintenant - cela a été dit et est attendu avec impatience -, c'est la mise en oeuvre des décisions prises. A cet égard, je veux croire, monsieur le ministre, que tout n'est pas figé et que, au vu de l'application des dispositions du présent texte, d'autres initiatives pourront se faire jour.

En tout état de cause, messieurs les ministres, j'approuve une politique trouvant ici sa traduction dans un projet de loi qui se veut et qui est réellement porteur d'espoirs, qu'il conviendra de ne pas décevoir, bien évidemment !

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