Intervention de Pascal Clément

Réunion du 15 février 2007 à 9h30
Protection juridique des majeurs — Article 5

Pascal Clément, garde des sceaux :

Je voudrais attirer l'attention du Sénat, comme vient de le faire M. le rapporteur, sur ce point qui est l'un des plus importants du texte.

Le présent amendement remet totalement en cause l'esprit du projet de loi. En fait, comme à l'Assemblée nationale, les auteurs de cet amendement récusent le texte. S'ils nous l'avaient dit plus tôt, nous n'aurions pas présenté ce projet de loi sur les tutelles ! Heureusement, tel n'est pas l'avis de la commission des lois.

Je vous demande de prêter attention à mes explications qui seront synthétiques et, je l'espère, claires.

Le texte veut distinguer complètement la protection judiciaire, qui supprime les droits civils d'une personne, de la protection sociale, qui n'est pas de même nature : elle permet, certes, un accompagnement, mais elle ne supprime pas les droits civils.

La protection judiciaire - tutelle ou curatelle renforcée par le juge - est réservée à ceux qui ont perdu une partie de leurs facultés mentales. La protection sociale concerne ceux qui n'ont pas perdu leurs facultés mentales, mais qui ont des difficultés de gestion ou qui se trouvent dans une situation d'extrême pauvreté.

Avec une protection judiciaire, la personne perd ses droits civils. Sous tutelle, elle ne dispose pas de son patrimoine. Sous curatelle renforcée, elle ne dispose même pas de son salaire, dont l'utilisation est décidée par le juge.

En revanche, la personne qui est en situation soit d'extrême pauvreté, soit d'incapacité de gérer son patrimoine et ses revenus est accompagnée par un travailleur social du département. Elle ne perd pas ses droits civils. Elle peut être soumise à des mesures contraignantes si la collectivité locale - le département le plus souvent - lui sert une prestation sociale. Cette collectivité est alors en droit de se demander si la prestation est bien utilisée et de le faire vérifier par un travailleur social. Mais celui-ci ne se mêlera jamais des autres revenus personnels, comme les salaires, car la personne n'a pas perdu ses droits civils.

Si vous souhaitez que les personnes sous assistance sociale soient mises sous assistance judiciaire, vous détruisez complètement le texte ! Actuellement, il y a 800 000 personnes qui soit ont des capacités intellectuelles altérées, soit sont simplement en situation de grande pauvreté ; les juges sont totalement débordés. Notre pays est celui qui judiciarise le plus ce type de problèmes qui relèvent, la plupart du temps, du social.

L'adoption de cet amendement et des suivants serait catastrophique ! Comme le souhaite également la commission des lois, je vous demande de rétablir la rédaction initiale, qui est la base de ce texte. Sinon, il était inutile que la Direction des affaires civiles prépare ce projet de loi sur les tutelles.

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