... ce serait un aveu, deux ans seulement après la promulgation de cette réforme !
Rien n'est prévu non plus dans ce projet de loi pour financer le déficit passé, qui s'élèvera à 16 milliards d'euros à la fin de l'année 2006. Quand on vous interroge à cet égard, monsieur le ministre, vous devenez soudain évasif : vous êtes incapable de nous préciser comment seront financés les déficits de 2006 et 2007 ! Je ne vous ai pas entendu dire que nous financerions le déficit passé grâce à des ressources nouvelles ou à une augmentation des ressources existantes.
Selon le cadrage quadriennal de l'annexe B, le besoin de financement futur s'établit, dans le meilleur des cas - qui n'est pas le plus probable -, à 24, 4 milliards d'euros pour l'ensemble des régimes de base et à 16 milliards d'euros pour le régime général. Si l'on choisit l'hypothèse économique la plus basse, le besoin de financement s'élève respectivement à 46 milliards d'euros et 29 milliards d'euros.
Cette situation financière catastrophique aurait dû conduire le Gouvernement à augmenter les ressources soit par prélèvements sociaux, soit par prélèvements fiscaux. Or il n'en est rien ; au contraire, vous diminuez l'IRPP, ce qui profite essentiellement aux plus riches, qui n'ont aucun problème quant à l'accès aux soins.
Pourtant, quand vous êtes arrivé au pouvoir, en 2002, le déficit du régime général s'élevait à 3, 4 milliards d'euros. Vous allez quitter vos responsabilités, cinq ans après, en ayant creusé le déficit de la sécurité sociale de plus de 50 milliards d'euros et en laissant un découvert d'au moins 16 milliards d'euros.
Cela n'a rien à voir avec la présentation tronquée que vous en faites et qui occulte délibérément les années 2002 et 2003 : la sécurité sociale irait beaucoup mieux, comme si votre responsabilité n'était engagée qu'à partir de 2004, date à laquelle fut établi le record historique du déficit de la sécurité sociale, auquel le nom de M. Douste-Blazy restera durablement attaché.
Par ailleurs, votre présentation des comptes sociaux est très contestable. En effet, en soustrayant les soldes du FSV et du FFIPSA du bilan général de la sécurité sociale, vous masquez la réalité des déficits et en vous diminuez le montant.
Si l'on intègre ces deux fonds dans le bilan général, comme le demande la Cour des comptes, on s'aperçoit que le déficit est bien plus élevé et que, de 2004 à 2005, loin de s'améliorer, il s'est aggravé, passant de 14, 2 milliards d'euros à 14, 4 milliards d'euros.
Enfin, ce projet de loi de financement, comme les précédents, ne respecte pas intégralement la loi de 1994 sur la compensation des exonérations de cotisations sociales.
Quant à la dette de l'État, qui s'élèvera pour 2007 à 7 milliards d'euros, nous ignorons si l'État a l'intention de l'apurer et dans quels délais. La prise en charge par l'État des frais financiers de cette dette, décidée pour la première fois en 2007, ne saurait bien entendu nous satisfaire.
Enfin, ce PLFSS aggrave les inégalités face à la santé et à l'accès aux soins.
En 2004, nous avons consacré plus de 11 % de notre PIB à la santé, soit 147 milliards d'euros, mais seulement 3 % de cette somme ont été consacrés à la prévention : cette faiblesse vous interdit de mettre en oeuvre une véritable politique de protection de la santé, notamment à l'égard des populations les plus pauvres, qui en ont le plus besoin.
Cette situation est en contradiction avec les dispositions de la loi du 4 mars 2002, qui précise que le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en oeuvre pour toute personne et par tous les moyens disponibles. Elle est également sans rapport avec les grandes ambitions affichées dans la loi relative à la politique de santé publique du 9 août 2004.
Le libre et égal accès aux soins pour tous, même s'il était effectif, ce qui n'est pas le cas, ne saurait nous exonérer de la mise en oeuvre d'un projet collectif de santé portant sur la prévention.
Votre politique de maîtrise des dépenses sans augmentation des ressources compromet le principe d'égal accès.
L'inégalité devant la prévention et l'accès aux soins a toujours constitué un problème, mais celui-ci s'est sensiblement aggravé avec la mise en place de la réforme de 2004.
Ces faits sont corroborés par de nombreuses associations et, récemment, par la Commission nationale consultative des droits de l'homme, à laquelle appartient notre éminent collègue M. Serge Vinçon : dans son avis du 19 janvier 2006 sur la préservation de la santé, l'accès aux soins et les droits de l'homme, ladite commission dénonce cette situation.
Tous confirment un fort recul de l'accès aux soins des plus démunis, souvent privés des droits médicaux auxquels ils pourraient prétendre. Cela concerne cinq millions de personnes.
L'institution de la contribution forfaitaire de 1 euro a été un facteur d'exclusion des soins pour les plus pauvres qui est venu s'ajouter à ceux dont ils sont déjà victimes.
De plus, la complexité des formalités administratives mises en place ces dernières années, notamment pour limiter les abus, ont eu des effets pervers.
On constate que ces dispositions, loin de dissuader les fraudeurs, ont en revanche eu pour effet d'interrompre des soins ou d'empêcher la prise en charge de ceux qui ne savent pas bien tirer partie du système de santé, tout particulièrement pour les diabétiques, les malades mentaux et les toxicomanes.
Médecins du monde indique que, faute d'avoir pu surmonter les obstacles administratifs qu'ils rencontrent pour obtenir la CMU ou l'aide médicale de l'État, les trois-quarts de ses patients sont sans couverture maladie, alors que la moitié d'entre eux pourrait y prétendre.
Les médecins libéraux, de leur coté, ne jouent pas toujours le jeu. Comme plusieurs de mes collègues l'ont relevé, une enquête récente a montré que 40 % des praticiens du secteur II refusaient de prendre en consultation les bénéficiaires de la CMU.