Intervention de Jean-Paul Delevoye

Réunion du 15 février 2007 à 15h10
Communication du médiateur de la république

Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République :

Nous avons été entendus par le groupe de travail, présidé par M. Alain Bauer, qui s'efforce de concilier les droits collectifs et les libertés individuelles, notamment en ce qui concerne les fichiers informatiques.

Nous devons également trouver un équilibre s'agissant du traitement, par le code pénal, de la paternité frauduleuse.

L'an dernier, nous avions soulevé le cas de personnes qui avaient vendu la paternité de leur enfant. En effet, le père d'un enfant français peut espérer obtenir un titre de séjour d'une durée de dix ans, qui le rend non expulsable. Or le code pénal prévoit que l'homme qui vend sa paternité est condamné, ou condamnable, alors que celui qui l'achète ne risque rien. Nous devons trouver un meilleur équilibre sur ce point, me semble-t-il.

Enfin, nous avons soulevé le problème des assurances vie en déshérence. Il ne s'agit nullement, dans notre esprit, d'instruire le procès des assureurs. Aujourd'hui, l'encours des 22 millions de contrats d'assurance vie souscrits en France s'élève à plus de 1 000 milliards d'euros. Les sommes non réclamées à la suite de décès, faute de bénéficiaire identifié, s'élèveraient à un milliard d'euros selon la Fédération française des sociétés d'assurances, mais à deux ou trois milliards d'euros selon moi ; sur 500 000 personnes qui meurent chaque année en France, 10 000 ne laissent pas d'héritiers.

Aux termes de la loi, en cas de décès avéré du souscripteur, l'assureur n'est tenu de prévenir le bénéficiaire de l'assurance-vie que si les coordonnées de celui-ci figurent sur le contrat ; si l'assureur n'est pas avisé du décès ou s'il ne connaît pas l'adresse exacte du bénéficiaire, il ne cherchera donc pas à avertir ce dernier.

Or, les contrats d'assurance vie portent généralement la mention « au profit de mon conjoint ou, à défaut, des héritiers », mais aucune adresse n'y figure. Ainsi, si une catastrophe naturelle se produit ou si la famille disparaît dans un accident, il est impossible de contacter les bénéficiaires de ce contrat. Le système de recherches est tel que, aujourd'hui, un milliard d'euros - peut-être plus - tombent en déshérence et sont reversés au Fonds de réserve pour les retraites au bout de trente ans.

Pour résoudre ce problème, des réformes très simples sont envisageables. Ainsi, il conviendrait d'obliger l'assureur à prier le souscripteur d'indiquer l'adresse du bénéficiaire, s'il veut que sa volonté soit respectée. En outre, il conviendrait, comme le fait le Sénat, de demander chaque année au souscripteur si les données figurant sur son contrat sont encore exactes. Enfin, il serait prudent d'exhorter le souscripteur à avertir, éventuellement par testament, la personne qu'il a désignée comme étant le bénéficiaire du contrat d'assurance vie.

Quelles sont les perspectives, pour 2007, pour l'institution ?

S'agissant des prisons, il a été décidé de généraliser la présence des délégués dans l'ensemble des prisons d'ici à 2010.

Par ailleurs, l'instauration du contrôle général des lieux d'enfermement est prévue. Il s'agit d'un engagement international : la France a signé, au mois de septembre 2005, un protocole additionnel des Nations unies, reconnaissant la nécessité de mettre en place des mécanismes indépendants de prévention permettant, par des visites régulières, l'évaluation de tous les lieux d'enfermement.

Le Conseil de l'Europe a invité les États membres à accroître les pouvoirs des ombudsmans à cette fin. Pour ce faire, nous procédons actuellement à l'audition de l'ensemble des acteurs et nous soumettrons les conclusions au Parlement afin de trouver un moyen de concilier la fonction de médiateur et celle de contrôleur. Le terme anglais est monitoring, ce qui signifie évaluation et non pas inspection. Nous avons la conviction qu'un ombudsman français - le Médiateur de la République - a la capacité d'être, au même titre que les ombudsmans européens, en charge de cette responsabilité.

Un sujet fait aujourd'hui débat, celui de la place du Médiateur de la République dans le projet de loi organique relatif au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats, dont vous examinerez les conclusions proposées par la commission mixte paritaire le jeudi 22 février. Si je laisse au législateur la liberté de trancher en la matière - je ne suis pas un décideur politique -, mes services et moi-même analyserons le choix politique qui sera arrêté.

Deux limites ne doivent pas être franchies : celle qui touche à l'indépendance du juge et celle qui concerne l'indépendance du Médiateur de la République. Il s'agit non pas de défendre un quelconque pré carré, mais de mettre son pouvoir au service d'une cause qui consiste à rendre crédible la réclamation d'un justiciable et à engager la responsabilité d'un magistrat. La confiance passe par l'indépendance ; la crédibilité passe par les compétences. Je laisse au législateur, dont je connais la sagesse, le soin de trouver la meilleure formule qui permettra de ne fragiliser ni l'institution judiciaire ni l'institution de la médiature.

Quant au calendrier de 2007, je puis vous dire qu'un certain nombre de rendez-vous importants sont prévus à l'échelon tant international que national.

Nous souhaitons également réfléchir à la médiation. S'agit-il d'un alibi ou d'une réalité ? Nous voyons aujourd'hui se mettre en place un véritable business de la médiation, alors qu'il est nécessaire de trouver un mode alternatif de résolution des conflits.

Enfin, à un moment où un grand débat politique va s'engager, nous souhaitons que la politique regagne la confiance de l'opinion. Pour ce faire, sur des sujets tels que l'homoparentalité, la fin de vie, la génétique, l'Europe, il faut des choix politiques clairs ; au citoyen, ensuite, de les accepter ou non. En effet, lorsque le politique est faible, c'est le juge qui est obligé de prendre sa place. C'est l'atermoiement qui crée l'incohérence d'une jurisprudence et qui provoque l'incertitude chez nos concitoyens.

Nous devons tous faire en sorte d'atteindre l'objectif que nous nous sommes fixés : la médiature a pour vocation de se battre pour l'égal accès au droit pour tous. L'équilibre des armes entre l'administration et l'administré, l'équité pour que la liberté de circulation des hommes ne soit pas fragilisée par les barrières juridiques, l'équité pour les personnes vulnérables, pour les personnes victimes, pour les personnes handicapées sont autant de sujets qui nourrissent la crise de confiance que traversent aujourd'hui nos concitoyens. Il est important que les systèmes administratifs ne soient pas seulement respectueux des procédures, mais qu'ils le soient aussi des hommes et des femmes pour lesquels ils ont été créés.

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