Cet amendement me gêne beaucoup. Je rappelle que le Sénat s'est prononcé, dans le passé, contre le recours en récupération sur succession, notamment s'agissant de la prestation spécifique dépendance.
Aujourd'hui, nous revenons sur une disposition de cette nature. Nous n'y revenons pas totalement puisque cette mesure n'avait pas été supprimée du code de l'action sociale et des familles et était donc encore en vigueur.
C'est en raisonnant par analogie avec ce que nous avons pu décider antérieurement que certains d'entre nous considèrent qu'il serait cohérent et logique de ne pas inscrire dans le présent projet de loi le recours sur succession.
Cela étant, il existe des arguments, développés par M. le président de la commission des lois et par M. le rapporteur, qui plaident en faveur du maintien du recours sur succession.
Tout d'abord, il a été rappelé qu'il ne s'agissait que d'une faculté. Par conséquent, les présidents de conseil général ne sont pas tenus de la faire jouer.
En outre, M. le rapporteur vient de faire valoir qu'il existait un seuil de recouvrement. À ce propos, j'appelle l'attention du Gouvernement sur la nécessité de réévaluer ce seuil. En effet, lorsque nous avions décidé de supprimer le recours sur succession s'agissant de l'allocation personnalisée d'autonomie, il avait été annoncé que, logiquement, à terme, cette procédure serait appelée à disparaître. En conséquence, le Gouvernement n'a jamais réévalué le seuil, puisqu'il devait perdre sa raison d'être.
Il me semblerait donc utile et nécessaire qu'une réflexion soit engagée sur la récupération sur succession, en concertation avec les représentants de l'Assemblée des départements de France, de manière que nous puissions arrêter une position sur les limites dans lesquelles elle pourrait être opérée. Sinon, nous risquons de voir apparaître des situations variant sensiblement d'un département à l'autre, selon la force de la fibre sociale de la majorité du conseil général. Certains présidents de conseil général - nous en connaissons et ils ne s'en cachent pas - suivent une logique plus économique que sociale et feront systématiquement jouer le recours sur succession. D'autres, en revanche, n'y recourront jamais. Nos concitoyens auront alors du mal à comprendre que, dans tel département, rien ne soit réclamé, alors que dans tel autre la récupération sur succession se pratique.
C'était d'ailleurs l'une des raisons qui avaient motivé l'opposition de la majorité du Sénat à la récupération sur succession au titre de la PSD. M. Fischer a eu raison d'indiquer que le bilan qui avait été établi démontrait que peu de départements appliquaient systématiquement la mesure et que les montants récupérés étaient très modestes.
Il ne faudrait pas que, en restaurant le recours sur succession s'agissant de la protection juridique des majeurs, nous obtenions l'effet contraire à celui qui est recherché. Mme Desmarescaux a évoqué la situation de familles disposant d'un patrimoine relativement modeste. Il s'agit souvent de couples de salariés qui se sont saignés toute leur vie pour devenir propriétaires de leur maison, dont la valeur a beaucoup augmenté en raison de la hausse très forte du coût du foncier : avec les seuils en vigueur, leurs héritiers tomberont infailliblement sous le coup de la récupération sur succession.