L'article 9 est certainement l'un des plus importants de la proposition de loi qui nous est soumise, car, au fond, il confère aux cendres des personnes décédées dont le corps a subi la crémation un statut parallèle à celui de la dépouille elle-même. Cette démarche était nécessaire puisque la pratique de la crémation tend à se développer rapidement, en raison de l'évolution des moeurs.
Le texte précise que les cendres devront être traitées avec « avec respect, dignité et décence ». Chacun de ces trois mots est important.
Je me suis demandé pourquoi ils figuraient ensemble dans le texte alors que, a priori, ils veulent dire la même chose. En réalité, quand on consulte le dictionnaire, on s'aperçoit que leurs significations sont différentes et complémentaires. Le respect, c'est le sentiment de réserve, de retenue, de déférence ; la dignité, c'est le sentiment de gravité, de grandeur, et même de noblesse ; la décence, enfin, c'est le sentiment de délicatesse, de discrétion, parfois même de modestie. C'est donc l'addition de ces trois valeurs qu'il nous est proposé de retenir pour les cendres.
Le droit constitutionnel, le droit civil, le droit pénal, appliquent le principe de dignité à la personne humaine, mais non aux produits et éléments de la personne décédée. Le Conseil d'État a consacré en 1995 le principe du respect de la dignité de la personne humaine dans un célèbre arrêt concernant le lancer de nains, l'arrêt Commune de Morsang-sur-Orge. Quant au droit civil, il consacre ce principe depuis l'adoption, en 1994 et 2004, des lois ayant trait à la bioéthique.
En étendant le principe de dignité aux cendres, nous en rendrons donc condamnable et punissable toute instrumentalisation.
Le rapporteur l'a rappelé ce matin, nous constatons un certain nombre de dérives particulièrement affligeantes dans le traitement, l'usage ou le non-usage des cendres. Nous avons évoqué des tableaux réalisés par des artistes ; ce matin, un journal indique qu'une société de bijouterie vous propose de fabriquer des bijoux, des pendentifs, avec les cendres ou les restes des membres de votre famille... Tout cela est inacceptable, inqualifiable, et doit être condamné.
Pour toutes ces raisons, l'article 9 mérite d'être adopté.