Intervention de David Assouline

Réunion du 4 mai 2006 à 9h30
Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information — Discussion générale

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

Vous avez beau jeu de justifier le recours à la procédure d'urgence pour l'examen de ce texte par le retard très significatif pris pour la transposition de la directive de 2001, retard qui a d'ores et déjà exposé la France à des rappels à l'ordre on ne peut plus légitimes de la part de la Commission européenne et qui l'expose désormais à de non moins légitimes sanctions.

La France est en effet l'avant-dernier État membre de l'Union à transposer la directive de 2001 dans un domaine dans lequel, à juste titre, elle se vante pourtant d'être pionnière. Sans parler des conditions de préparation du premier projet par M. Aillagon, votre prédécesseur : ni les orientations de la directive communautaire ni les modalités de transposition retenues par le texte n'ont fait l'objet d'un minimum d'explication, alors même qu'il aurait fallu de la pédagogie, pendant la longue période qui s'est déroulée avant le début du débat à l'Assemblée nationale.

Le ministre de la culture et de la communication a toujours semblé considérer ce texte - peut-être plus aujourd'hui, mais à l'origine - comme d'ordre purement technique, sans enjeu politique.

Cette absence de clairvoyance, pour ne pas dire cet aveuglement, a contraint le Président de la République en personne à intervenir pour appeler à trouver « un équilibre entre lutte contre le piratage et liberté des utilisateurs » - c'était avouer que cet équilibre ne figurait pas dans le texte - et à « sortir de la logique de répression systématique des internautes » ; c'est donc qu'il voyait une telle logique dans le texte qui était soumis à l'Assemblée nationale.

Reprise le 7 mars à l'Assemblée nationale, la discussion n'est pourtant pas repartie sur des bases sereines, le Gouvernement tentant même de recourir à un artifice de procédure pour supprimer l'article 1er, coupable d'avoir été amendé par l'Assemblée nationale au mois de décembre, avant de devoir y renoncer, dans la plus grande confusion et en ayant mis au passage gravement en cause - il faut tout de même le préciser - le droit constitutionnel d'amendement des députés.

Comme le soulignait alors un grand quotidien du soir, le débat parlementaire a pris, devant nos collègues députés et du seul fait de l'improvisation du Gouvernement, des « allures de farce », indignes d'une démocratie adulte.

Mais là n'est pas le plus grave. Le débat à l'Assemblée nationale a en fait été le réceptacle d'un affrontement beaucoup plus vaste, profond et préoccupant mettant en scène, par le biais notamment de très nombreux blogs créés pour l'occasion, internautes et créateurs ou, pour être plus précis, droit des usagers de l'internet - citoyens et consommateurs - et droit des créateurs et de leurs « employeurs » - producteurs, diffuseurs et autres industriels de la culture.

Ainsi que le dit très justement maître Pierrat dans son ouvrage La guerre des copyrights, paru récemment, c'est en fait un conflit entre droit à la culture et droit de la culture auquel on assiste aujourd'hui, conflit qui ne laisse pas de préoccuper les responsables politiques de gauche dont je suis, car ce gouvernement, notamment au travers de la préparation de ce texte, n'a semblé que l'aviver sans chercher de réponses politiques aux questions posées dans l'espace public par, d'une part, des citoyens et des consommateurs et, d'autre part, des acteurs de la création et de la culture, tous confrontés à des évolutions économiques et technologiques majeures.

Je voudrais donc essayer de montrer en quoi la gestion désastreuse de ce dossier par le Gouvernement a transformé un vrai beau débat en faux débat, puis en vrai conflit, alors que les pouvoirs publics auraient dû cerner au préalable les défis à relever collectivement, comme ce fut le cas avec la loi « Lang ».

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