Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, un véritable débat de société s'est ouvert dans notre pays sur le thème de l'accès à la culture à l'ère du numérique.
Avec le projet de loi que nous commençons à examiner, nous touchons à la vie quotidienne de nos concitoyens, notamment à celle des plus jeunes.
Si plus d'un Français sur deux utilise déjà Internet aujourd'hui, à terme, grâce aux efforts mis en oeuvre pour résorber la fracture numérique, une grande majorité des Français deviendra internaute.
Dès lors, nous devons relever un extraordinaire défi : concilier une large diffusion de la production artistique et technique liée à l'essor exponentiel des nouvelles technologies avec la sauvegarde des droits des auteurs et celle de la production artistique et littéraire.
Pourquoi les artistes qui en ont fait le choix ne pourraient-ils pas vivre de leurs créations ? La rémunération due n'a pas une valeur différente si le travail est de nature artistique ! Cela concerne non seulement les musiciens, les acteurs, mais aussi les écrivains.
Par ailleurs, l'accès à la culture, l'accès aux oeuvres grâce à l'univers numérique est un élément fondamental. L'accès de tous à la connaissance et à l'information doit donc être protégé.
L'objectif est de tendre vers un point d'équilibre entre les droits des auteurs et les aspirations légitimes du public.
Le droit d'auteur est un droit fondamental et intangible. Les créateurs sont propriétaires de leurs oeuvres. Ce droit a jusqu'à présent joui d'une certaine stabilité en France. Les grandes notions autour desquelles il s'articule sont issues de deux lois de la période révolutionnaire. Un droit d'auteur « à la française » s'est peu à peu ébauché face au modèle anglo-saxon du copyright.
Cette construction progressive a trouvé son aboutissement avec l'adoption de la grande loi du 11 mars 1957, complétée par la loi du 3 juillet 1985, dont les dispositions sont, pour l'essentiel, encore en vigueur aujourd'hui dans le code de la propriété intellectuelle.
Ce droit a aussi su s'adapter aux innovations technologiques, notamment à l'invention du disque et de la vidéo. Aujourd'hui, il est de notre responsabilité de l'adapter à Internet.
Internet doit être un espace de respect des valeurs de liberté auxquelles nous sommes tous très attachés : liberté d'accès du public aux oeuvres, liberté de création des auteurs, liberté des créateurs de choisir les conditions d'accès à leurs oeuvres ainsi que les conditions de leur rémunération, y compris la gratuité.
Il s'agit donc d'augmenter les offres culturelles en ligne pour satisfaire les attentes de chacun. Cette diversité culturelle est un enjeu essentiel pour la France dans la mondialisation, un enjeu pour la croissance, pour la compétitivité, pour la préservation de nos métiers et de nos savoir-faire, pour la création d'emplois et, tout simplement, pour l'émergence et l'épanouissement des talents.
Le développement d'une offre légale en ligne, c'est une plus grande diversité de produits culturels mis à la disposition des internautes, de nouvelles recettes apportées à la création, l'amélioration de la qualité technologique des enregistrements du son et de l'image pour les internautes.
Le texte encadre la mise en place des mesures techniques de protection afin de protéger les droits des auteurs sur Internet. Mais, par ailleurs, l'article 1er bis reconnaît de nouvelles exceptions au droit d'auteur, l'objectif étant de contribuer positivement à la diffusion des oeuvres.
La directive que nous transposons autorise les États à prévoir des limitations au droit exclusif des auteurs en faveur des bibliothèques, des musées et des archives.
Cette exception que l'Assemblée nationale a choisi de retenir ne peut être acceptée que dans la mesure où son application est limitée. Comme le propose la commission des affaires culturelles, la limitation à l'archivage et à la consultation sur place permettrait d'éviter toute atteinte à l'exploitation normale des oeuvres, c'est-à-dire des livres, qui ne serait pas acceptable.
La commission propose dans le même registre d'introduire une exception en faveur de l'enseignement et de la recherche, qu'elle entend limiter en la subordonnant à des fins d'analyse ou d'illustration et en réservant le bénéfice de cette exception à un cercle restreint. Cette nouvelle exception permettra de sortir de la zone grise dans laquelle nous nous trouvons actuellement en la matière.
Comme l'a rappelé le directeur général de l'UNESCO le 7 avril dernier, à l'occasion de la onzième Journée mondiale du livre et du droit d'auteur, le livre est un « outil unique d'expression, d'éducation et de communication ». Le livre reste en effet aujourd'hui un ciment essentiel du tissu éducatif et culturel d'une société. Cependant, il s'agit d'un produit double et complexe, à la fois marchandise et oeuvre de l'esprit, produit industriel et fragment du patrimoine immatériel de l'humanité. Il est indispensable au développement économique, social et culturel de tous les pays du monde.
Il semble donc plus que jamais important de rappeler que la création littéraire se doit d'être considérée et rétribuée à sa juste valeur, sans quoi la créativité et la richesse culturelle mondiales risquent fort de décliner.
Nous devons être d'autant plus vigilants que si, aujourd'hui, les technologies ne permettent pas encore de consulter agréablement des livres sur un support numérique, nous aurons très bientôt - n'en doutons pas - des écrans portables tout à fait propices à la lecture. L'équivalent littéraire des lecteurs portables de musique ou de vidéo ne saurait tarder.
Le monde de l'écrit n'est pas à l'abri de ce que traversent déjà, depuis quelques années, les industries de l'audiovisuel, même si je reste convaincu que le lecteur de demain aura encore de l'attachement pour le livre en tant qu'objet. Cet amour du livre et de la lecture dans son ensemble doit continuer à être transmis par l'école ainsi que par les parents. C'est un défi que nous devons relever tous ensemble et je sais à quel point le ministre de l'éducation nationale tout comme celui de la culture y sont attachés.
Par conséquent, le groupe du RDSE se prononcera en faveur de ce texte, sous réserve du sort qui sera fait aux amendements proposés par la commission des affaires culturelles et traduisant un travail d'autant plus considérable qu'il s'agit d'un sujet très technique et difficile à appréhender.
C'est pourquoi je tiens à rendre hommage au président de la commission et tout spécialement à son rapporteur pour le travail accompli, qui va nous permettre d'examiner convenablement ce texte.