Intervention de Bruno Retailleau

Réunion du 4 mai 2006 à 9h30
Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information — Discussion générale

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau :

Concrètement, il est absolument nécessaire de protéger les oeuvres et les artistes, mais jusqu'où doit aller cette protection ? En fait-on un principe général, absolu ? La protection doit avoir pour contrepartie une bonne interopérabilité et connaître un certain nombre de limites.

Je commencerai par les enjeux économiques fondamentaux.

Premier enjeu : les pratiques anticoncurrentielles. La semaine dernière, la Cour de justice des communautés européennes a rappelé, à juste titre, que l'affaire Microsoft était d'abord un abus de position dominante et des pratiques anticoncurrentielles.

Second enjeu économique : les éléments stratégiques, en France particulièrement, du secteur du logiciel libre. Monsieur le ministre, la France est, vous le savez, l'un des trois leaders mondiaux du logiciel libre avec l'Allemagne et le Japon. Dans ce secteur, le marché croît très rapidement : 46% en 2004, contre 7 % pour le logiciel propriétaire.

Nous n'avons pas le droit de négliger ce fait économique, d'autant que, outre les PME qui développent ces logiciels, toutes nos grandes entreprises sont aussi, si j'ose dire, des championnes du monde en matière de développement de ces programmes et de ces logiciels. : Thales, Airbus, Renault, notamment. Ce sont des éléments qu'il faut prendre en compte.

Monsieur le ministre, je voudrais maintenant « tordre le cou » à deux idées fausses.

La première est celle qui consiste à dire que l'interopérabilité pourrait s'opposer au droit de la propriété intellectuelle. Tout cela est faux, bien sûr ! L'article L. 122- 6- 1 du code de la propriété intellectuelle et le considérant 50 de la directive européenne sont parfaitement clairs : on y recommande l'interopérabilité. Il n'y a donc ni hiatus ni contradiction entre ces deux notions.

La seconde idée fausse est de s'imaginer que l'interopérabilité pourrait finalement devenir une sorte d'arme, une grenade à fragmentation, antiaméricaine. Là aussi, je voudrais rendre justice à l'interopérabilité en citant le grand journal américain Wired - en français : branché - qui, aux États-unis, a salué d'un vibrant « Vive la France » le fait que les députés aient, à l'Assemblée nationale, adopté à l'unanimité le dispositif d'interopérabilité. C'est suffisamment rare pour être cité !

Pour terminer avec ce côté de l'Atlantique, monsieur le ministre, je constate, en lisant l'entretien que vous avez donné au quotidien américain Herald Tribune, que je suis parfaitement d'accord avec la conception que vous avez de l'interopérabilité. Toutefois, il me semble que la conception de l'Assemblée nationale et ce qui deviendra peut-être celle du Sénat sont difficilement conciliables.

En effet, les députés ont voté à l'unanimité une interopérabilité de principe, alors que l'on va proposer à notre Haute Assemblée une interopérabilité éventuelle, potentielle, et surtout négociée sous l'égide d'une autorité de régulation. J'ai peu d'amour pour la multiplication de ces instances administratives !

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