Intervention de Catherine Tasca

Réunion du 4 mai 2006 à 9h30
Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information — Discussion générale

Photo de Catherine TascaCatherine Tasca :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat est un moment de vérité. C'est le moment de prendre position sur le rôle que nous voulons accorder à la culture dans notre société.

Le respect des droits moraux et économiques des auteurs et interprètes, l'accès de tous à la culture, la promotion de la diversité culturelle, dans un contexte de véritable révolution technologique, constituent des enjeux décisifs pour la vie culturelle de notre pays. La transposition de la directive européenne sur le droit d'auteur et les droits voisins aurait donc dû être l'occasion de relever ces défis en plein accord avec tous les acteurs culturels.

La directive date de 2001. Un projet de loi a dormi dans les cartons depuis 2003. Vous pouviez, monsieur le ministre, vous borner à la simple transposition d'une directive déjà ancienne, comme se sont contentés de le faire nos partenaires européens, vingt-trois sur vingt-cinq à ce jour.

Or voici maintenant un texte qui a été bien mal engagé et bien malmené. Comme le fait si souvent votre gouvernement, vous avez confondu action et précipitation en imposant l'urgence, alors qu'il eût fallu donner plus de temps à la réflexion et à la concertation. Et surtout, en choisissant dans la première version un système « tout répressif » totalement disproportionné, vous avez suscité chez les internautes inquiétude et indignation.

Comme, hélas ! depuis quatre ans, les politiques que mène le gouvernement auquel vous appartenez réussissent presque immanquablement à le faire, votre projet de loi a dressé les Français les uns contre les autres, dans un duel absurde où la raison n'a plus sa place et où la quête de l'intérêt général est reléguée derrière des analyses incomplètes et des affrontements destructeurs entre intérêts particuliers.

Plutôt que d'opposer auteurs et internautes, il s'agissait, avec ce texte, de trouver les moyens de concilier le respect des droits des auteurs et les progrès de l'accès à la culture grâce au numérique. L'impréparation de ce texte a malheureusement conduit au résultat inverse. Saurons-nous lui donner une deuxième chance d'être juste et utile dans un univers numérique en pleine expansion, tout en acceptant l'idée qu'il n'est qu'une étape, car beaucoup de questions techniques restent encore sans réponse ?

Nous devons d'abord faire preuve de modestie. L'ère numérique est, reconnaissons-le, encore largement une terra incognita. L'évolution technologique galope et souvent nous dépasse. La découverte de ce nouveau monde est encore très inégalement partagée, puisque seulement la moitié des Français ont accès à Internet.

Cependant, ce même Internet ouvre des perspectives immenses pour la communication entre les êtres et pour la diffusion des oeuvres de l'esprit. Il ne s'agit pas là d'un simple progrès technique ; il s'agit d'un tournant radical, d'un changement d'échelle qui modifie la nature et la capacité des échanges. Comment ne pas rêver d'en faire un instrument privilégié d'accès à la culture pour tous, sans toutefois tomber dans la naïveté, car il est clair que la Toile sert également de vecteur à bien d'autres choses que la culture : commerces de toutes sortes, pornographie, appels à la haine et au racisme ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion