Intervention de Philippe Marini

Réunion du 17 octobre 2006 à 10h00
Banque de france — Discussion générale

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinerons aujourd'hui, successivement, les conclusions du rapport de la commission des finances sur la proposition de loi portant diverses dispositions intéressant la Banque de France, et les conclusions du rapport de la commission des lois sur la proposition de loi instituant la fiducie. Cette journée d'initiative sénatoriale est donc tout à fait dense.

Sur la proposition de loi déposée le 11 mai dernier par notre collègue Jean Arthuis, la commission des finances a adopté des conclusions favorables, tout en apportant quelques retouches de nature essentiellement technique.

C'est lors d'un échange avec le Gouvernement au cours de la discussion budgétaire de 2006 que l'idée de cette proposition de loi a surgi. La commission des finances avait, de façon récurrente par le passé, mais de manière plus appuyée à la fin de l'année dernière, souligné le caractère anormal du Conseil de la politique monétaire, le CPM, créé en 1993 par la loi relative au statut de la Banque de France et à l'activité et au contrôle des établissements de crédit. Depuis le traité de Maastricht et l'inclusion de la Banque de France dans le Système européen des banques centrales, le SEBC, ce Conseil était très largement vidé de sa substance.

Il ne semblait donc plus nécessaire que l'État dispose de cette assemblée, certes prestigieuse, mais coûteuse par ses rémunérations et ses avantages annexes ; au contraire, il paraissait utile de réduire ces petites « abbayes à bénéfices » et de les gérer de manière plus rigoureuse.

Telles étaient donc les motivations à l'origine de la proposition de loi, dont je vais maintenant vous décrire les grandes lignes.

L'article 1er prévoit la suppression du Conseil de la politique monétaire, au profit d'un « comité monétaire du conseil général », créé au sein de l'organe supérieur d'administration de la Banque de France, que l'on appelle le conseil général. Ce comité n'aura plus pour mission de préparer aux décisions de la politique monétaire. Toutefois, parce qu'il sera composé d'experts reconnus et de personnalités indépendantes, il gardera son utilité, à condition d'être géré de façon moins coûteuse et moins dispendieuse, et que ses membres bénéficient d'indemnités proportionnées aux activités qu'ils y exerceront.

Au demeurant, le régime des incompatibilités professionnelles qui s'appliquait jusque-là aux membres du CPM et qui traduisait l'engagement à plein temps de ces derniers dans leurs fonctions n'est plus utile. Un allégement est donc envisagé.

Enfin, pour permettre un partage efficace des responsabilités, il nous semble préférable de prévoir que le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat désigneront, chacun directement - c'est-à-dire sans négociations, tribulations, conciliabules - deux membres, plutôt que d'établir une liste unique, consensuelle, cherchant à satisfaire en même temps le Gouvernement, l'Assemblée nationale, le Sénat. Ce faisant, nous gagnerons du temps, nous ferons des économies, et chacun aura au sein de ce comité, sinon ses obligés, du moins ceux à qui il fait directement confiance. Tout sera donc beaucoup plus simple.

L'article 2 prévoit un toilettage des textes, pour permettre à la Banque de France de poursuivre, dans des conditions encore plus incontestables sur le plan juridique, sa mission d'intérêt général, en ce qui concerne la collecte des statistiques monétaires et financières.

L'article 3 organise l'échange d'informations sur la situation financière des entreprises et adapte le texte à l'évolution de la réalité économique. Il précise d'ailleurs, madame la ministre, que la Banque de France, en tant qu'organisme d'évaluation externe de crédit, pourra effectuer des évaluations d'entreprises autres que les établissements de crédit. Cette disposition renvoie à la directive « Bâle II », dont nous aurons peut-être l'occasion de reparler au cours de ce débat.

Je tiens à souligner, mes chers collègues, que la question du statut, du rôle, des conditions d'agrément, de contrôle, d'action, de transparence de ces organismes d'évaluation externe de crédit est bien au coeur de la nouvelle logique prudentielle, et nous devons en avoir une meilleure compréhension. C'est un débat que nous réclamons : la commission des finances l'a rappelé ce matin en examinant ce texte.

À l'article 4 figurent des dispositions de coordination avec l'article 2.

S'agissant de l'article 5, qui a suscité l'intérêt de plusieurs de nos collègues et des milieux concernés, la commission des finances entend bien s'assurer du caractère approprié des textes. Il n'est nullement besoin d'appliquer à la Banque de France des dispositions du code du travail qui ont été conçues pour les entreprises en situation de risque économique.

Personne ne va faire une OPA sur la Banque de France ! La Banque de France est à 100 % étatique : même les parlementaires ayant l'esprit le plus libéral ne proposent pas de modifier cet état de fait. Techniquement, matériellement, la Banque de France ne saurait donc faire l'objet d'une attaque hostile de la part de quelque prédateur que ce soit ! Dès lors, il n'y a pas lieu d'appliquer à la Banque de France, pour ne prendre que cet exemple, les dispositions du code du travail relatives à l'information du comité d'entreprise en cas d'offre publique.

De la même façon, il est difficile d'imaginer que la Banque de France devienne insolvable et ne puisse plus faire face à ses responsabilités vis-à-vis de son personnel. Elle est une entreprise d'État. Dès que cela est nécessaire, M. ou Mme État intervient.

L'exercice par le comité d'entreprise du droit d'alerte n'a pas lieu d'être. La Banque de France ne peut, d'une part, être totalement protégée par son statut public et, d'autre part, bénéficier des règles du droit du travail prévues pour les entreprises privées susceptibles de se trouver en situation d'insécurité ou de risque économique.

Il faut choisir : soit l'entreprise est dans le secteur public, sous le parapluie bien solide de M. ou Mme État, soit elle est dans le secteur privé, où doivent bien entendu s'appliquer des règles de gouvernance adaptées, notamment en matière d'information des partenaires sociaux, qui tiennent compte de la réalité économique et de son caractère parfois difficile à supporter et à vivre par les personnels concernés.

La possibilité pour le comité d'entreprise de recourir à un expert comptable aux frais de l'employeur pour l'examen des comptes n'a pas non plus lieu d'être. La commission des finances estime que cette disposition n'a pas de sens dans la mesure où la Banque de France est le tuteur du système bancaire par l'intermédiaire du secrétariat général de la Commission bancaire. Dès lors, comment imaginer que l'organisme qui cautionne la lisibilité des comptes des autres ne soit pas irréprochable pour son propre compte, c'est-à-dire pour son bilan et son compte de résultat ?

Enfin, et surtout, - et peut-être est-ce la disposition qui nous semble être le plus en décalage avec la réalité - figure le financement par l'employeur des institutions sociales et culturelles.

Dans le droit commun qui s'applique aujourd'hui à la Banque de France, « la contribution versée chaque année par l'employeur pour financer des institutions sociales du comité d'entreprise ne peut, en aucun cas, être inférieure au total le plus élevé des sommes affectées aux dépenses sociales de l'entreprise atteint au cours des trois dernières années précédant la prise en charge des activités sociales et culturelles par le comité d'entreprise, à l'exclusion des dépenses temporaires lorsque les besoins correspondants ont disparu ».

Cela signifie que le législateur a accordé à toutes les entreprises une garantie de progression de leurs dépenses au titre de la gestion des institutions sociales et culturelles. Lorsqu'elle a examiné la gestion de la Banque de France, la Cour des comptes a estimé, à juste titre, à mon sens, que cette disposition constituait une singulière anomalie.

L'effectif de la Banque de France diminue, car ses missions se contractent ; telle est la réalité européenne, qu'on le veuille ou non. Néanmoins, ses dépenses sociales et culturelles continuent de croître par l'effet mécanique du « cliquet social » ; elles représentaient, en 2002, 82, 7 millions d'euros, soit 13 % de la masse salariale de référence. Je souligne au passage, mes chers collègues, que je ne dispose pas de chiffres plus récents, ce qui ne fait pas preuve d'une grande transparence !

La Cour des comptes indique que cette situation est sans équivalent dans la fonction publique. Certes, mais elle est également sans équivalent dans le secteur bancaire, et nous serons en mesure d'alimenter tout à l'heure le débat à ce sujet.

Or, par rapport à d'autres secteurs de l'économie, le secteur bancaire, pour lequel le taux peut s'élever jusqu'à 5 %, est déjà traité d'une manière très favorable. Nous nous sommes donc demandé ce qui justifie de tels privilèges - je n'hésite pas à utiliser ce terme -, ...

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