Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 17 octobre 2006 à 10h00
Banque de france — Discussion générale

Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vous êtes aujourd'hui amenés à discuter de la proposition de loi portant diverses dispositions intéressant la Banque de France présentée par le président Jean Arthuis.

Cette proposition de loi répond à une question qui a été débattue à plusieurs reprises au cours des dernières années, notamment à l'occasion de l'examen des projets de loi de finances. Il s'agit, comme vient de l'expliquer M. le rapporteur, d'adapter la « gouvernance » de la Banque de France aux réalités de ses missions.

Dans ce contexte, mon intervention s'articulera autour de trois points. J'évoquerai d'abord l'organisation que le Gouvernement souhaite mettre en place pour la Banque de France de demain, puis les questions sociales et, enfin, les missions que celle-ci est conduite à servir.

En premier lieu, l'objectif de cette proposition de loi est de doter la Banque de France d'une organisation permettant de piloter efficacement sa modernisation. À cet égard, je tiens à remercier tout particulièrement le président Jean Arthuis de cette initiative, et je commencerai par la replacer dans une perspective historique, sans pour autant remonter - rassurez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs - à deux cents ans en arrière.

C'est en 1993, dans la suite du traité de Maastricht, que le législateur a adopté le principe de l'indépendance de la Banque de France pour l'exercice de ses missions de banque centrale. Vous avez alors créé, mesdames, messieurs les sénateurs, le Conseil de la politique monétaire, le CPM, qui comptait neuf membres, pour conseiller le gouverneur dans ses prises de décision.

Parallèlement, le Conseil général de la Banque de France était composé lui-même du CPM et d'un représentant élu des salariés de la Banque de France. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, avec la mise en place de l'euro, ces principes ont été maintenus, même si le CPM a été réduit à sept membres et si son rôle a été revu. Nous le savons tous, et le regrettons parfois, les décisions en matière de politique monétaire sont désormais prises dans le cadre de l'Eurosystème. Le CPM s'est donc concentré sur le conseil et sur les décisions d'application de la politique ainsi arrêtée.

Votre assemblée a souhaité procéder à une nouvelle réforme du CPM dès décembre 2005. À l'issue d'un débat constructif, vous avez retenu l'idée qu'il ne suffisait pas de réduire le nombre des membres du CPM, ni même de supprimer celui-ci, mais qu'il fallait véritablement réformer la gouvernance de la Banque de France. Tel est aujourd'hui l'objet de la proposition de loi présentée par le président de la commission des finances.

Le Gouvernement accueille cette proposition de loi très favorablement et propose d'ailleurs de l'enrichir et de la perfectionner à la marge par quelques amendements que j'aurai l'honneur de vous présenter tout à l'heure.

Pour faire écho à ce que vous venez de dire, monsieur le rapporteur, l'économie de la proposition de loi consiste tout simplement à inverser l'ordre des priorités pour les instances dirigeantes de la Banque de France. Il s'agit en l'espèce de mettre l'accent sur sa gestion.

Aujourd'hui, le conseil général, qui traite des affaires relatives au fonctionnement de la Banque de France, à sa gestion et à son efficacité, est en réalité subordonné au CPM. Grâce à votre initiative, la gouvernance de la Banque de France s'ordonnera d'abord autour du conseil général. Car l'enjeu principal aujourd'hui est bien d'administrer un établissement important pour notre économie, qui compte, je le rappelle, plus de 13 000 agents, dont le dévouement et le sens du service public font honneur à notre pays. La Banque de France comprend aussi une centaine d'établissements, dont de véritables usines pour la fabrication des billets à Chamalières. Le résultat financier de l'entreprise Banque de France est, cette année, de 2, 3 milliards d'euros.

Au titre d'une gouvernance moderne, vous avez prévu que les membres du conseil général puissent exercer des fonctions à l'extérieur de la Banque de France, supprimant ainsi l'incompatibilité, ce qui leur permettra, bien sûr, de faire bénéficier l'établissement de leur expérience.

C'est à titre subsidiaire qu'un comité monétaire, et non plus un Conseil de la politique monétaire, issu du conseil général, continuera de conseiller le gouverneur et les sous-gouverneurs sur la politique monétaire.

Par cette proposition de loi, outre le gouverneur, les deux sous-gouverneurs et le représentant des salariés, vous suggérez la nomination de quatre membres, dont deux seraient désignés directement par le président du Sénat et les deux autres par le président de l'Assemblée nationale.

Le Gouvernement est favorable à cette simplification de la procédure de nomination, qui répond à un souci de clarté, comme vous l'avez parfaitement exposé, monsieur le rapporteur. Je souhaite cependant que la composition du conseil général soit complétée, en retenant également la nomination de deux de ses membres par le Gouvernement. Cela n'est ni contraire à l'indépendance de la Banque de France ni contradictoire avec le souhait de modernisation émis par le président Jean Arthuis et par le rapporteur.

C'est tout simplement, pour le Gouvernement, une manière d'affirmer tout le prix qu'il attache à l'efficacité de la gestion de cette grande institution financière publique. Je rappelle que la Banque de France exerce pour le compte du Gouvernement d'importantes missions, notamment le traitement du surendettement ou la tenue du compte du Trésor public, qui est le compte bancaire de l'État !

Je souhaite donc que deux membres, désignés par le Gouvernement, siègent au conseil général, sans toutefois avoir vocation à siéger au comité monétaire. En revanche, ils augmenteront le poids des personnalités qualifiées au sein du conseil général et apporteront leur expérience en matière de gestion administrative ou financière.

En deuxième lieu, vous proposez, comme vous venez de nous l'indiquer en citant des exemples très précis, évocateurs, parfois un peu ironiques, de modifier le droit du travail applicable aux agents de la Banque.

À ce sujet, je souhaite vous indiquer, monsieur le rapporteur, que le Gouvernement partage pleinement votre analyse. Ainsi, se référant à l'exposé des motifs de la proposition de loi lui-même, il approuve cette démarche qui consiste à clarifier les modalités d'application du code du travail à la Banque de France. Vous entendez tenir compte, en particulier, de la différence intrinsèque de statut de la Banque avec les entreprises du secteur concurrentiel, exposé, par hypothèse, à d'autres risques. Vous tenez, bien entendu, à garantir le respect des droits fondamentaux du travail, point auquel le Gouvernement est très attaché.

Le débat de ce matin nous permettra, j'en suis persuadée, d'examiner la proposition de loi dans cet objectif, tout en tenant compte des souhaits de concertation préalable que le Président de la République a exprimés la semaine passée devant le Conseil économique et social.

En troisième lieu, votre proposition de loi prévoit plusieurs mesures qui redéfinissent les missions de la Banque de France. Le Gouvernement les approuve. Je souhaite les compléter par une réforme de la supervision bancaire, qui est exercée par les services de la Banque.

Je rappelle que la proposition de loi retient, dans ses articles 2, 3 et 4, plusieurs dispositions significatives.

Tout d'abord, elle place dans le champ des missions fondamentales de la Banque de France l'établissement de la balance des paiements. Cela signifie que l'État n'aura plus à prendre en charge financièrement cette mission, comme il le fait pour d'autres, notamment pour le surendettement. Le gain pour le budget de l'État sera de 16 millions d'euros par an.

Naturellement, cette mission exercée par la Banque, conformément à nos engagements européens, sera assurée grâce à des moyens que le conseil général de la Banque de France définira et avec des efforts de productivité maintenus.

Je souhaite dire que cette modification du champ des missions actuellement effectuées pour le compte de l'État n'est qu'une première étape. Il faudra la compléter, notamment en introduisant une contractualisation dynamique entre l'État et la Banque de France et faire évoluer le dispositif de remboursement à l'euro près actuel. Mais nous avons besoin de temps et de concertation pour finaliser cette deuxième réforme.

Ensuite, la proposition de loi élargit les obligations d'échanges d'informations entre les entreprises et la Banque de France et les possibilités de diffusion dans l'espace économique européen. Cette mesure permettra à la Banque de France de faire reconnaître son outil de cotation des entreprises au titre des organismes externes de crédit, tels que définis de façon communautaire. Dans toute l'Europe, les banques pourront donc utiliser cet outil pour mesurer le risque et développer ainsi, sur des bases solides, le crédit aux entreprises, que le Gouvernement souhaite vivement encourager.

Enfin, la supervision bancaire étant l'une des missions principales de la Banque de France, le Gouvernement veut, à l'occasion de cette discussion, soumettre à l'approbation du Sénat les dispositions législatives indispensables à l'application du nouveau ratio de solvabilité issu des négociations dites « de Bâle II ». Ce nouveau ratio sera applicable dès le 1er janvier 2007. De ce fait, il y a une certaine urgence à transposer ces dispositions.

J'aurai l'occasion de vous présenter plus amplement ces mesures au cours de notre débat, mais d'ores et déjà, je veux souligner que ce projet est extrêmement structurant pour notre système bancaire. Il a évidemment fait l'objet d'une très large consultation des acteurs économiques, qui attendent à présent son entrée en vigueur.

En conclusion, je tiens à féliciter et remercier à la fois le président Jean Arthuis, qui est l'auteur de la proposition de la loi, inlassable promoteur de la modernisation de la Banque de France, ainsi que le rapporteur de la commission des finances, avec lequel un travail de grande qualité a pu être mené à bien pour préparer cette séance. Ainsi, vous parviendrez, en quelques articles, à donner à cette institution remarquable, vieille de plus de deux cents ans, les moyens de s'adapter efficacement à son temps. Que votre assemblée en soit, une fois encore, remerciée.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion