Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons traite de questions politiques brûlantes, comme le dialogue social dans les entreprises publiques, mais aussi les instruments dont dispose la nation pour mobiliser les moyens financiers au service de l'emploi et de la croissance.
M. Arthuis propose de supprimer le Conseil de la politique monétaire. Cette mesure s'inscrit dans une logique incontestable puisque la fonction initialement dévolue à cet organisme, c'est-à-dire décider de la politique monétaire, est désormais exercée par le conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne.
Le conseil général n'en conserve pas moins la responsabilité importante d'administrer une grande entreprise publique, la Banque de France, chargée d'assurer un service public, très utile pour tous les citoyens, puisqu'il s'agit de garantir la qualité de la monnaie dont ils se servent tous les jours.
Cette mission recouvre la fabrication, l'émission et l'entretien de billets de bonne qualité, efficacement protégés contre les falsifications.
Elle recouvre l'action de la banque centrale pour veiller au bon fonctionnement des systèmes de paiement et à la stabilité du système bancaire, en France et en Europe.
Elle recouvre l'accueil des particuliers confrontés au surendettement ou à des difficultés de toute nature avec les réseaux bancaires.
Elle recouvre le suivi des territoires et des bassins d'emplois, ainsi que l'aide au diagnostic que la Banque de France apporte aux entreprises et aux collectivités territoriales.
Elle recouvre sa participation à la prévention des difficultés des entreprises et à l'examen des aides publiques qui leur sont accordées.
Elle recouvre naturellement sa contribution à l'élaboration et à la mise en oeuvre décentralisée de la politique monétaire de l'Eurosystème.
Tout conduit donc à doter la Banque de France d'un véritable conseil d'administration, digne d'une véritable entreprise publique. Dans notre esprit, cela supposerait, au demeurant, une composition tripartite, comprenant l'État actionnaire, des représentants du personnel de la Banque et des représentants des usagers. Et ces derniers sont nombreux, puisqu'il s'agit non seulement des établissements de crédit et des chefs d'entreprise, mais aussi de tous ceux dont l'emploi, le pouvoir d'achat, l'accès aux services bancaires dépendent de l'action de la banque centrale.
Le texte qui nous est soumis aujourd'hui manque délibérément l'occasion d'opérer cette réforme de bon sens.
Le rapport de notre collègue M. Marini montre bien que certains n'ont toujours pas admis que M. Trichet lui-même, sous la pression du mouvement social, des actions syndicales du personnel de la Banque et du soutien qu'elles ont reçu du public et des élus, ait été obligé de reconnaître la dimension de service public que revêt l'activité d'une banque centrale, et de l'inscrire, en 2003, dans un contrat de service public.
Adopter, en l'état, la proposition de loi de notre collègue Jean Arthuis serait un retour en arrière vers une conception étriquée du service public de la monnaie, replié sur les prérogatives d'une banque centrale européenne prétendument indépendante, mais, en réalité, polarisée sur les marchés financiers et coupée des citoyens et du monde du travail.
Ce serait au demeurant contraire à un point de vue exprimé par la Banque de France elle-même. Son bulletin mensuel du mois d'août 2006 consacre un article entier à démontrer que les banques centrales nationales « sont l'expression des principes de décentralisation et de proximité qui, en renforçant les liens entre les centres de décision et les acteurs de l'économie et de la société, contribuent concrètement à la pertinence et à l'efficacité de la politique monétaire ».
Mais la réforme du conseil général de la Banque n'est pas le seul domaine dans lequel se manifeste cette volonté de retour en arrière, qui apparaît, peut-être de façon encore plus inquiétante, en matière de dialogue social. Il ne s'agit pas moins que de placer une grande entreprise publique, ayant longtemps servi de modèle social, en dehors du droit du travail pour l'exercice de ses missions fondamentales ! Nous examinerons les aspects les plus critiquables de cette disposition dans le cadre de la présentation par mon collègue Thierry Foucaud, à l'issue de la discussion générale, de la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Aussi, je me contenterai de relever seulement quelques points en cet instant.
Nous avons besoin, dans ce pays et en Europe, de banques centrales de service public, indépendantes de la pression des marchés financiers et des multinationales, mais attentives à la croissance, à l'emploi, à la formation, à la recherche, au développement du potentiel économique des territoires.
Comment ne pas relever, à cette occasion, que la conception de la Banque centrale, qui émane du traité sur l'Union européenne, année après année, continue d'apparaître comme surannée et étroitement libérale ?
Alors même que l'inflation semble connaître une inflexion à la baisse, M. Trichet ne trouve rien de mieux, dans une économie européenne à la traîne de la croissance mondiale, que de relever les taux d'intérêt, sans doute pour attirer toujours plus de capitaux vers les gaspillages inhérents au fonctionnement des marchés financiers.
Pour les élus du groupe communiste républicain et citoyen, qui l'ont toujours dit dans cette enceinte, notamment lors de la discussion de la loi de 1993, la construction d'une alternative aux politiques néolibérales nécessite que la Banque de France contribue, au sein d'un système européen des banques centrales rénové et au coeur d'un pôle financier public, à mettre le crédit bancaire au service de l'emploi et de la formation.
Du point de vue technique, l'Eurosystème a tous les moyens pour respecter cette orientation. Comme il l'a déjà fait dans le passé, il peut utiliser, de façon sélective, les instruments de politique monétaire dont il dispose, tels que le taux de refinancement des crédits bancaires et le taux de réserves obligatoires, pour décourager les placements financiers et immobiliers et pour encourager, au contraire, les banques qui financent les investissements favorables à l'emploi, à la formation, à la recherche et à la croissance réelle.
Ainsi, les banques centrales d'Europe pourraient sortir du dilemme où elles se débattent depuis la création de l'euro.
Pour mener une telle politique, il est inutile d'insister sur la nécessité de banques centrales nationales en prise avec le tissu économique et social de nos régions, attachées à diffuser, sans restriction inutile, la très riche information économique qu'elles collectent et qu'elles élaborent, attentives au financement des PME, ouvertes aux citoyens, aux représentants des salariés.
Il est temps de prendre en considération les nombreuses propositions formulées par les syndicats dans ce sens.
Il est temps d'écouter les avis des élus locaux, régionaux, nationaux ou européens, qui ont eu l'occasion de s'exprimer au sujet de nos banques centrales.
Il est temps d'ouvrir avec les associations d'élus locaux et régionaux le dialogue sur le renouvellement du contrat de service public que ces élus attendent encore, alors que ce renouvellement est prévu pour le début de l'année 2007.
Il est temps, enfin, de reconnaître qu'une telle logique de service public doit s'accompagner d'une gestion exemplaire de l'entreprise chargée d'exercer ce service public.
De ce point de vue, la situation de la Banque de France n'est pas différente de celle des autres entreprises publiques qui, malgré les atteintes qui leur sont portées, ont joué et continuent de jouer un rôle irremplaçable pour le développement économique de notre pays. Le respect des droits des agents qui y travaillent est aussi un élément constitutif de notre modèle social, qu'il faut défendre et moderniser, et non démanteler, comme s'y efforce la politique menée depuis 2002.
Cette remarque vaut entre autres domaines pour le régime de retraite de la Banque de France. Vous estimez nécessaire, monsieur le rapporteur, de « mener une étude fine sur l'opportunité d'adosser ce régime spécial au régime général ».
Au moment où le Président de la République et le Premier ministre viennent d'affirmer que le Gouvernement n'avait pas de projet de réforme des régimes spéciaux de retraite, il serait incompréhensible et choquant que, de son côté, il s'obstine à imposer à la hâte une réforme qui n'a obtenu l'assentiment d'aucun représentant du personnel de la Banque.
J'ai cru comprendre que le Président de la République...