Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est dans la continuité du travail de M. le rapporteur général du budget, aujourd'hui rapporteur de la proposition de loi soumise au débat du Sénat par le président de la commission des finances, M. Arthuis, qu'il nous est demandé de modifier le droit applicable à la Banque de France.
Nous ne contestons pas l'utilité d'une actualisation consécutive au transfert de souveraineté monétaire, mais encore faudrait-il le faire dans une approche globale, c'est-à-dire dans un contexte bancaire et financier qui a lui-même profondément évolué depuis le début des années quatre-vingt-dix.
S'agit-il de recentrer la Banque de France sur ses métiers de base ? S'agit-il de la banaliser à l'avenir ? S'agit-il de lui trouver une place spécifique dans ce que l'on peut appeler le « pôle public » à la disposition de l'État, comme l'est, dans son domaine, la Caisse des dépôts et consignations ?
Ces questions méritent une réponse, que le texte qui nous est proposé n'apporte pas : tel n'est pas l'objet du débat d'aujourd'hui.
Il s'agit aujourd'hui de reprendre le dialogue instauré entre le Gouvernement et les plus éminents représentants de la commission des finances, lors de la discussion de la loi de finances rectificative pour 2005, sur l'amendement visant à assouplir les conditions de désignation des membres nommés au Conseil de la politique monétaire. Cet amendement avait été retiré à la demande du Gouvernement au motif qu'il s'agissait d'un cavalier budgétaire et qu'il était souhaitable d'intégrer la mesure dans une réforme plus large.
Dans l'esprit et la lettre de l'échange qui eut lieu entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale, il était bien question que ce fût le Gouvernement qui déposât un texte, mais force est de constater qu'il n'en a rien été depuis neuf mois. À vrai dire, il ne s'était engagé sur rien à l'époque, malgré les sollicitations répétées- relisez le compte rendu intégral des débats ! - de M. le rapporteur général et de M. le président de la commission des finances.
S'agit-il, aujourd'hui, de faire plaisir à la majorité sénatoriale et d'en rester là ? S'agit-il d'inscrire le texte qui serait éventuellement voté dans un véhicule législatif ultérieur d'ici aux échéances électorales de 2007 ? Dans ce cas, quel serait ce véhicule législatif ?
Madame la ministre, vous ne nous avez pas éclairés sur les intentions du Gouvernement. En tout état cause, s'il est légitime de la part de l'auteur de la proposition de loi et de M. le rapporteur d'invoquer le droit de suite parlementaire au sujet du Conseil de la politique monétaire, on ne peut parler de continuité s'agissant des dispositions introduites à l'article 5 et visant à retirer au personnel de la Banque de France des droits sociaux.
À aucun moment, ce sujet n'a été mis en chantier dans le débat parlementaire. Du reste, il m'apparaît être du ressort non pas de la commission des finances, mais plutôt de la commission des affaires sociales.
On est en droit de se demander s'il s'agit, dans leurs intentions, d'un ballon d'essai, d'un signal, comme M. le rapporteur vient de nous le dire, destiné à tester les réactions, ou s'il s'agit d'instituer un précédent juridique susceptible d'être reproduit dans d'autres domaines avec d'autres acteurs.
L'évocation du régime des retraites des personnels de la Banque de France dans le rapport écrit de M. le rapporteur n'est sans doute pas fortuite. M. Marini s'interroge, en effet, sur l'opportunité d'adosser ce régime spécial au régime général et de dégager une soulte sur les dividendes versés par la Banque de France à l'État.
Les finances publiques sont-elles dans un état si calamiteux qu'il faille trouver des recettes partout où l'on peut même si elles sont des rustines conjoncturelles ?
Quoi qu'il en soit, la conjonction de la volonté exprimée de retirer certains droits sociaux touchant à l'exercice des prérogatives des salariés et l'éventuelle disparition du régime de retraite de ces derniers nous inquiète. Nous nous opposerons donc à l'une et à l'autre.
L'amendement n° 12 du Gouvernement, dont nous avons eu connaissance ce matin en commission des finances, laisse supposer que le Gouvernement lui-même est très sceptique sur les dispositions qui nous sont proposées.
Pour ce qui est du fond des propositions prévues à l'article 5, nous ne nous rendons pas à l'argument de l'obsolescence des dispositions en vigueur.
La proposition de loi vise à supprimer le Conseil de la politique monétaire, créé en 1994, pour définir la politique monétaire de la Banque de France, et à le remplacer aussitôt par le comité monétaire du conseil général.
S'il faut vraiment tirer les conséquences de la mise en place de l'euro et des compétences conférées à la Banque centrale européenne, qui ont modifié en profondeur les fonctions de la Banque de France, partie prenante du système européen de banque centrale, pourquoi ne pas aller au bout et supprimer l'appendice que constitue le Conseil de la politique monétaire ?
Si, monsieur le président de la commission, vous décidez de le garder, la proposition de simplification relative au mode de désignation des personnalités issues du choix des deux assemblées parlementaires nous apparaît utile, même si l'on peut se demander quel sera le rôle desdites personnalités, le conseil général étant chargé de l'administration de la Banque de France.
Tout cela est assez bancal, reconnaissez-le ! De plus, l'amendement déposé ce matin par le Gouvernement introduit finalement plus de confusion que de simplification. S'agit-il de faire une économie budgétaire estimée à 480 000 euros, alors que la politique fiscale engagée depuis le début de la législature a conduit à priver l'État de 30 milliards d'euros qui eussent été bienvenus pour donner à notre pays et à l'État des marges de manoeuvre budgétaire ?