Intervention de Philippe Marini

Réunion du 17 octobre 2006 à 10h00
Banque de france — Article additionnel avant l'article 3

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur :

Il est clair que nous devons transposer les directives dites « Bâle II », tendant à modifier sensiblement et « conceptuellement » la pratique du contrôle des risques bancaires et les règles d'évaluation des fonds propres, en adéquation avec les risques portés par chaque bilan bancaire.

Sans entrer dans le détail de ce sujet complexe, je note que les professionnels du crédit, dans leurs raisonnements et leurs anticipations, se sont déjà adaptés à cette nouvelle donne.

Le Gouvernement nous a saisis en fin de semaine dernière de ce texte, qui ne soulève pas d'objection de fond de la part de la commission. Toutefois, madame le ministre, celle-ci n'est pas en mesure de préconiser l'adoption instantanée de l'amendement tel que vous nous le soumettez, pour les raisons suivantes.

En premier lieu, nous voulons nous assurer que le secteur des assurances et, plus largement, celui de l'investissement institutionnel, ne seront pas directement ou mécaniquement affectés par les directives et leur transposition.

En d'autres termes, nous avons entendu, pas plus tard que la semaine dernière, le directeur général de la Caisse des dépôts nous dire en substance que, dans quelques années, la Caisse des dépôts sera probablement le seul véritable grand acteur d'investissements durables en actions sur le marché de Paris. La transposition des directives de solvabilité va en effet conduire les grandes compagnies d'assurances à faire décroître la proportion de leurs actifs placés en actions. Sans doute ce raisonnement est-il valable, mais il s'applique à des textes différents de celui qui nous est soumis.

Quoi qu'il en soit, il faudrait disposer d'un peu de temps pour apprécier cet effet possible de « contamination » et, surtout, madame le ministre, pour trouver les parades afin de ne pas se résigner à un mouvement, peut-être européen dans l'esprit, mais qui, mal compris, mal conçu, mal appliqué, risquerait de se retourner contre notre politique et nos intentions sur le long terme.

C'est un vrai sujet, que l'on ne peut pas traiter de la sorte, je veux dire au détour d'une séance, même si la proposition de loi sur la Banque de France se prête tout à fait à évoquer la solvabilité des banques.

Donc, nous voudrions explorer plus avant l'aspect de correspondance, je disais « contamination », terme peut-être excessif, mais, en tout cas, les liens entre le secteur de l'investissement institutionnel et le secteur bancaire au regard des exigences de transposition de Bâle II.

En outre, et la commission y a été sensible ce matin, nous rappelons que l'un des aspects principaux du nouveau dispositif est de recourir à des évaluateurs externes de risques, en d'autres termes, des agences de notation.

On se souviendra que le débat sur les agences de notation a été très présent, notamment dans la discussion de la loi de sécurité financière de 2003, qui a vu la commission des finances jouer, à cet égard, un rôle un peu précurseur. Face au discours du ministre, Francis Mer, qui nous incitait à passer, soutenant qu'il n'y avait rien à voir, pas le moindre problème, puisque tout se déroulait sur fond de marché rémunéré par les entreprises, nous, nous disions qu'il serait peut-être bon de creuser un peu plus le sujet, en s'interrogeant sur les conditions d'agrément, sur la circulation des informations, sur la transparence de ces agences de notation, pas forcément aussi transparentes que les entreprises sur lesquelles elles délivrent du papier et des opinions tous les jours.

C'est ainsi que nous nous interrogions sur les contrôles que l'on est susceptible d'appliquer à ces agences de notation. Par exemple, jusqu'à quelle date doivent-elles conserver leurs dossiers de travail afin de permettre aux autorités de régulation d'accéder, dans le cadre d'enquêtes, à cette documentation ?

Bref, madame le ministre, estimant que la transposition de Bâle II fait resurgir cette question, nous sommes demandeurs d'un peu de temps pour mieux comprendre les implications de la transposition en la matière.

Enfin, la commission, qui se souvient bien des conditions dans lesquelles sont nées les obligations foncières, se réjouit naturellement du grand succès de ce marché, succès tout à fait emblématique de la capacité du droit français à se renouveler et à offrir aux investisseurs le degré de sécurité et de transparence auquel ils veulent accéder.

Vous nous dites à présent que l'une des conséquences de la transposition est d'assouplir le régime des obligations foncières. Si, sur le fond, nous y sommes favorables, je voudrais comprendre quel est le lien entre les directives et cet assouplissement. Je crois comprendre que c'est à l'occasion de la transposition que l'on se pose des questions, et cela me paraît tout à fait opportun. Mais, s'agissant de la nature de ces assouplissements, sans en contester le moins du monde la nécessité et en faisant totalement confiance au Gouvernement, nous avons besoin d'un délai pour, le cas échéant, consulter les professionnels et, ainsi, mieux baliser cette partie du chemin.

En résumé, madame le ministre, je dirai que l'amendement, dans sa rédaction actuelle, suscite, de notre part, un avis défavorable, non pas sur le fond, mais sur la méthode employée, qu'il est sans doute possible d'infléchir quelque peu.

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