Le lendemain de cette discussion au Sénat, M. Bébéar a présenté un rapport au Président de la République recommandant le CV anonyme : c'est devenu intelligent.
Puis une élue parisienne a présenté un amendement à la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, et c'est devenu intéressant.
Enfin, M. Borloo a demandé à M. Fauroux d'étudier la question de plus près et de lui remettre un rapport, et c'est devenu efficace !
Par conséquent, je me réjouis de constater que les idées que nous développons dans cette enceinte font école. Nous voilà donc de nouveau en train de débattre du CV anonyme, d'autant que les travaux du professeur Amadieu, souvent cités, en particulier dans l'excellent rapport de notre collègue M. Lecerf, ont permis pour la première fois de quantifier l'ampleur des discriminations, notamment à l'embauche, et d'en expliquer certains ressorts, sans pour autant - je le souligne - faire appel à des statistiques ethnoraciales.
M. Lecerf rappelle ainsi qu'un candidat handicapé, ou « issu de l'immigration », ou « issu d'un quartier réputé sensible » peut, à l'occasion d'un entretien, se heurter aux préjugés du recruteur. Ceux qui, issus de ces quartiers, issus de l'immigration - ils cumulent parfois plusieurs handicaps -, ont joué le jeu de la méritocratie républicaine et trouvent la porte des entreprises close le savent bien !
C'est pourquoi je vous propose, par cet amendement, de promouvoir l'anonymat des CV et que cela devienne l'une des missions de la HALDE. Il n'y a rien d'obligatoire ni de normatif dans cet amendement, si ce n'est pour la HALDE.
Les arguments les plus régulièrement invoqués à l'encontre du traitement anonyme des CV ne résistent pas à l'examen. J'aimerais, ici, en réfuter deux.
Le premier argument consiste à faire croire que les candidats devront se présenter cagoulés... Je le rappelle, il s'agit de traiter de façon anonyme le CV en vue d'une sélection objective des candidats pour le premier entretien d'embauche, et certainement pas de recruter à l'aveugle !
Le deuxième argument consiste à dire que cela créerait une gestion trop lourde pour les entreprises. C'est de moins en moins vrai. La grande entreprise AXA a décidé de rendre anonymes les seules candidatures saisies sur leur site Internet dédié à certains recrutements, soit 500 recrutements par an. Un formulaire complet doit être rempli par le candidat et il est précisé qu'un certain nombre d'informations personnelles ne seront pas communiquées à l'équipe de recrutement.
Une autre entreprise a chargé une personne du service des ressources humaines de l' « anonymisation » des CV. Cette tâche nécessite quinze à trente secondes par CV, soit trois minutes par jour pour cinq CV, par exemple.
Je rappelle que nous avons une tradition républicaine d'égalité de traitement et d'anonymat dans le cadre des concours et des examens. Cette pratique peut donc être transposée sans contrainte aux entreprises.
C'est la raison pour laquelle je propose que la HALDE se saisisse de cette question et fasse la promotion, dans ses missions pour l'égalité des chances, du CV anonyme.