L'amendement que nous vous proposons est beaucoup plus précis que le précédent. Nous avons tenté de viser l'ensemble des éléments pouvant donner lieu à une discrimination avant même que le candidat ne soit reçu.
Mme Khiari, en présentant son amendement, a largement explicité l'objet de cette proposition.
Pour ma part, je citerai quelques extraits du rapport de la commission Fauroux, qui affirme l'utilité du CV anonyme comme outil de lutte contre les discriminations à l'embauche :
« Il ne fait pas de doute que l'anonymat conduira, dans certains secteurs, à sélectionner pour un entretien des candidats qui étaient auparavant écartés pour des motifs discriminatoires. Les testings effectués par l'Observatoire des discriminations montrent suffisamment l'ampleur de cette mise à l'écart sur les seules données personnelles figurant dans les CV des candidats.
« Il est vraisemblable aussi que les candidats sélectionnés par ce biais seront reçus en entretien [...].
« Enfin, si rien ne garantit effectivement l'absence de discrimination, des bénéfices directs peuvent néanmoins en être attendus.
« Pour les entreprises, l'augmentation du nombre d'entretiens avec des candidats issus de l'immigration peut permettre une double prise de conscience : prise de conscience de pratiques discriminatoires antérieures, prise de conscience que ces candidats présentent les mêmes profils et les mêmes compétences que les personnes qu'elles recrutent habituellement. Pour les publics concernés, l'entretien est en soi un exercice utile et constitue surtout l'occasion de faire enfin valoir son envie et sa motivation. Combinés, ces bénéfices sont susceptibles de mettre un terme à une discrimination systémique consistant à écarter, un peu par habitude et sans réelle conscience de l'interdit, tous ceux dont le profil personnel s'éloigne de celui du candidat de référence. On peut dès lors s'attendre à un impact direct sur les recrutements effectués. »
Pour compléter cette citation, je vous donnerai quelques éléments d'information sur ce qu'a déclaré M. Jean-François Amadieu, directeur du Centre d'étude et de recherche sur les organisations et les relations sociales, le CEGORS, devant la commission des lois. Voici ce qu'on peut lire dans le compte rendu de son audition : « Il a observé que par rapport à un homme français de souche de vingt-huit ans, une personne handicapée avait quinze fois moins de chances d'être retenue pour un entretien d'embauche, un homme d'origine marocaine cinq fois moins, une personne âgée de cinquante ans quatre fois moins, et que de semblables discriminations touchaient les personnes au physique disgracieux ou résidant dans un quartier en difficulté [...].
« M. Jean-François Amadieu a poursuivi en indiquant qu'une étude de 2005 avait montré qu'une femme maghrébine résidant à Trappes recevait, malgré un meilleur curriculum vitae, trois fois moins de propositions d'entretien, alors qu'elle aurait dû en toute logique en recevoir davantage que le candidat de référence. »
Tout cela me paraît assez clair.
Le projet de loi pour l'égalité des chances nous offre véritablement une occasion de déclencher une action dans ce domaine.
Je suis bien conscient que le CV anonyme ne règle pas toutes les difficultés et qu'il doit certainement s'inscrire dans un ensemble plus large de procédures visant à rendre le recrutement objectif. Néanmoins, il me semble qu'il appartient au législateur de donner l'impulsion décisive dans ce domaine.
Tel est l'objet de cet amendement.