On aurait pu croire, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, quand le projet de loi a été annoncé, que les événements de novembre, qui avaient mis en évidence le désarroi, pouvant pousser jusqu'à la violence, d'une partie de la jeunesse des couches populaires, vous avaient fait réfléchir aux attentes de ces jeunes, au mécontentement qui s'est manifesté dans la rue, certes, mais aussi dans les urnes, à trois reprises depuis que vous êtes arrivés au pouvoir.
Vous auriez pu envisager de changer la politique que vous menez depuis quatre ans et dont les résultats sont aujourd'hui éloquents, hélas !
L'Observatoire national de la pauvreté et des exclusions sociales vient, inopportunément pour vous, de mettre en lumière ces résultats : plus de pauvreté en général, plus de salariés pauvres, plus de précarité, plus de bas salaires, puisque les salariés gagnant le SMIC n'ont jamais été plus nombreux.
Mais de tout cela vous n'avez cure, et le projet de loi que nous avons examiné pendant dix jours montre de façon évidente que vous persistez dans la même logique. Alors que l'emploi est, aux dires constants du Premier ministre, la préoccupation majeure, prioritaire, unique du Gouvernement, les résultats ne sont pas, là non plus, au rendez-vous.
Tout aussi inopportunément pour vous ont d'ailleurs été publiés les résultats d'une étude réalisée par deux économistes de la Sorbonne, qui sont pourtant favorables à une évolution du contrat de travail. Ils estiment que, finalement, l'institution du CNE et du CPE ne pourra engendrer de grandes améliorations de la situation de l'emploi et n'aura pour conséquence que de renforcer la précarité et d'amener la substitution de ces nouveaux contrats aux contrats existants. Tout compte fait, à peu près aucun emploi ne sera créé sur une période de quinze ans, si l'on continue dans cette voie. J'espère que ce ne sera pas le cas.
Le débat au Sénat a eu un mérite : alors que, à l'Assemblée nationale, vous étiez parvenus à stopper assez rapidement la discussion et, finalement, à la limiter au CPE - c'était évidemment le morceau de choix, d'ailleurs ajouté sous forme d'amendement au projet de loi - nous avons eu, ici, l'occasion de dénoncer les autres mesures tout aussi néfastes que prévoit ce texte dont seul le nom a à voir avec l'égalité des chances et des droits.
Vous avez persisté « droits dans vos bottes », comme l'ancien Premier ministre ; vous n'avez pas accepté la moindre modification ; vous n'avez tenu aucun compte du mécontentement qui monte progressivement dans le pays, notamment contre le CPE. Sans doute les autres dispositions de ce projet n'ont-elles pas encore été bien comprises ou perçues par nos concitoyens, mais je ne doute pas qu'elles ne trouveront pas, non plus, grâce à leurs yeux...
Vous n'avez donc rien pris en considération : ni un tant soit peu le débat qui a eu lieu ici, auquel vous n'avez d'ailleurs guère participé, chers collègues de la majorité...