Intervention de David Assouline

Réunion du 5 mars 2006 à 21h30
Égalité des chances — Vote sur l'ensemble

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le moment est venu de voter sur l'ensemble du projet de loi.

Le premier constat, c'est que son intitulé, confus, constitue un grossier abus de langage. Ce cynisme a des conséquences, car, à force de pervertir les mots, on crée le scepticisme et on conduit nos concitoyens à se défier toujours plus des discours généreux des politiques.

Nous connaissons déjà les dégâts pour la crédibilité de la République causés par ces promesses non tenues, en particulier celle qui est relative à l'égalité. En effet, sincèrement - chacun, ici, ne peut que s'interroger - quelles nouvelles mesures pour l'égalité pourraient offrir aux Français les plus défavorisés les mêmes moyens que les autres de vivre dignement ?

En finir avec la scolarité obligatoire jusqu'à seize ans, voire permettre le travail de nuit des enfants, alors que depuis un siècle le progrès et le combat pour l'égalité n'ont fait que reculer l'age du travail des enfants ?

Généraliser, pour les jeunes de moins de vingt-six ans, un contrat de travail journalier pendant deux ans, avec possibilité de licenciement sans motif, le fameux CPE ?

Désigner les pauvres, les parents les moins favorisés, comme responsables des difficultés de leurs enfants, avec la menace de suspension des allocations familiales ?

Oh, certes, quelques « mesurettes » pouvaient donner l'impression d'un certain volontarisme pour les discriminés : le pouvoir de sanction de la HALDE, par exemple, mais la proposition était tellement mal « ficelée » et contraire au principe de séparation des pouvoirs qu'elle n'a même pas été adoptée !

Le résultat pourrait se résumer ainsi : « Pauvres, vous l'êtes par votre faute, acceptez que vos enfants travaillent dès l'âge de quinze ans.

« Jeunes de moins de vingt-six ans, acceptez un contrat jetable sans motif chaque jour pendant deux ans ; acceptez de vous endormir chaque nuit sans savoir si vous pourrez continuer le lendemain, ruinant vos possibilités d'emprunter, de trouver un logement et de fonder une famille.

« Parents, que vous viviez dans des logements étroits, sans moyens pour payer des cours particuliers à vos gosses, que vous soyez écrasés par la lutte quotidienne pour remplir les assiettes de vos enfants, ne vous rendra pas moins responsables et vous serez frappés au porte-monnaie, déjà bien peu rempli, si l'un d'eux vient à sortir du droit chemin.

« À ces conditions, la société vous donnera votre chance. »

C'est une loi de classe, car aux patrons vous dîtes au contraire : « Nous vous faisons un contrat digne du XIXè siècle pour vous permettre de licencier plus facilement. »

Or, la puissance publique devrait sensibiliser les patrons et les appeler au civisme, à la mobilisation nationale pour embaucher et sécuriser les jeunes comme contribution au combat que tous devraient entreprendre après la crise de nos quartiers populaires, dite « crise des banlieues », de novembre dernier.

Quand vous sortez de cet hémicycle, nombre d'entre vous, membres de la majorité, dénoncez ouvertement la nature hybride de cette loi, son incongruité, son côté fourre-tout, mais, avec cynisme, vous encouragez, là encore, la désespérance, car cette loi était présentée comme la grande réponse à la plus grave crise des banlieues de notre histoire contemporaine.

Comme c'est souvent le cas lorsqu'une prétendue grande loi est proposée en urgence pour qu'il n'y ait qu'une seule lecture dans chaque assemblée, qu'elle est considérée adoptée par l'Assemblée nationale sans débat par l'utilisation de l'article 49-3, et que tous les moyens de procédure sont utilisés pour brusquer le débat, faire tomber des amendements, travailler de jour et de nuit pour faire passer le texte avant que tous les jeunes soient rentrés de vacances scolaires, cette loi finira aux oubliettes.

Ce ne sera qu'une petite loi, dont la seule justification réside dans un amendement du Gouvernement qui tendait à insérer l'article 3 bis, c'est-à-dire à instaurer le fameux CPE, qui fait chaque jour chuter la popularité du Premier ministre dans l'opinion.

Ce dernier, d'ailleurs, n'a pas été présent ici durant une seule minute des 90 heures de débat que l'opposition a su imposer, malgré vous et toutes vos manoeuvres, malgré le silence des sénateurs UMP, transformés en machine à voter sans broncher !

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