Intervention de Jean-Marie Vanlerenberghe

Réunion du 5 mars 2006 à 21h30
Égalité des chances — Vote sur l'ensemble

Photo de Jean-Marie VanlerenbergheJean-Marie Vanlerenberghe :

Monsieur le ministre, apprentissage junior, contrat première embauche, zones franches urbaines, Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, contrat de responsabilité parentale, lutte contre les incivilités, service civil volontaire... cette énumération a quelque chose d'un inventaire à la Prévert, la poésie en moins !

Nous l'avons déjà dit, votre projet de loi pour l'égalité des chances nous apparaît comme un texte fourre-tout, un panier de mesures cosmétiques, dans le meilleur des cas, et dangereuses, dans le pire.

La discussion de ce projet de loi au Sénat était très attendue, et pour cause : aucune négociation n'a été menée avec les partenaires sociaux pour l'élaboration du CPE et l'invocation de l'article 49-3 à l'Assemblée nationale a figé la discussion après l'article additionnel portant création dudit contrat.

L'examen du texte au Sénat était donc la dernière chance pour ce texte de faire l'objet d'un véritable débat démocratique. Ce débat tant attendu a-t-il eu lieu ? Formellement, oui, mais formellement seulement ; en réalité, non et nous ne pouvons que le déplorer.

Monsieur le ministre, soyons honnêtes, vous vouliez un vote conforme sur le CPE, et vous l'avez obtenu. Ce n'est pas ce que j'appelle un débat satisfaisant. Après l'usage des ordonnances, c'est une fois de plus une preuve du peu de cas que vous faites de la représentation nationale.

Ce vote conforme, auquel vous teniez tant, sous-entend que le texte portant création du CPE est parfait dans sa rédaction actuelle. Or, loin s'en faut ! Mais vous connaissez toutes les réserves que nous avons exprimées.

Sans laisser présager une grande efficacité en matière de lutte contre le chômage des jeunes, ce contrat porte une sérieuse atteinte aux règles élémentaires du droit du travail. Au point que nous ne sommes pas convaincus, aujourd'hui, de sa constitutionnalité.

Pouvoir renvoyer quelqu'un pendant deux ans sans même justifier la rupture du contrat, voilà qui ne résistera pas à l'épreuve de la jurisprudence. Un membre du groupe UMP, professeur de droit constitutionnel de surcroît, n'a pas manqué de le souligner. Nous aurions bien fait de l'écouter !

Face à ce texte dangereux et imparfait, nous avons fait des propositions. Notre vote était conditionné par le sort réservé à trois d'entre elles, celles qui étaient à nos yeux les plus importantes.

D'abord, nous avons proposé de remplacer le CPE par un CDI à droits progressifs. Vous nous avez répondu que cette proposition vous intéressait, mais pas avant le mois de juin. Ce qui sera intéressant en juin ne l'est pas en mars... Les voies du Gouvernement sont parfois impénétrables, avouez-le !

Ensuite, il nous semblait fondamental de réduire la durée de la période de consolidation de deux à un an. Non, ce n'était pas possible !

Enfin, nous voulions que toute rupture de CPE soit justifiée. Impensable ! Pourquoi impensable ? Mystère ! Vous ne nous avez rien dit, comme si quelque chose vous gênait, vous en empêchait, comme si, au-dessus de vous, une puissance supérieure exigeait... Alors, pourquoi ne pas justifier les ruptures du CPE au cours de la période de consolidation ? Vous ne nous avez finalement pas répondu, ni convaincus, bien sûr, ce en quoi vous avez été finalement parfaitement cohérent avec ce texte : la sanction tombe sans que l'on sache pourquoi !

Face à un tel mutisme, il n'est pas étonnant que l'immense majorité du groupe UC-UDF ait refusé d'apporter ses voix à votre projet.

Le reste du texte n'a pas reçu les corrections nécessaires pour le valoriser.

Les missions de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances manquent de clarté. La performance des ZFU restera problématique. Le contrat de responsabilité parentale et la possibilité de suspendre les allocations ne nous convainquent pas ; nous aurions préféré la suppression de l'article.

L'apprentissage junior n'entraîne pas l'adhésion des professionnels concernés, ni la nôtre. Nous aurions préféré un service civil obligatoire plutôt que volontaire, afin de favoriser l'intégration des jeunes dans une société française si diverse.

Faut-il en rajouter ? Je ne le crois pas. Monsieur le ministre, comme l'a fort bien dit notre président, Michel Mercier, « la méthode plombe le fond », et nous le regrettons.

La discussion pouvait apporter de la cohérence au texte, une ligne directrice, un espoir pour les jeunes et peut-être même une âme. Il n'en fut rien, à une exception près, toutefois : le vote du CV anonyme, une vraie mesure pour l'égalité des chances, symbolique et efficace.

Il faut donc avouer que ce débat n'a pas donné une image valorisante du Parlement, et c'est peu dire... Par la faute du Gouvernement, certes, qui ne tolère guère une autre voix que la sienne, mais aussi par nos pratiques parlementaires. Notre règlement est certainement à revoir, car c'est la démocratie qui est en jeu.

Un parlement est fait pour parler, débattre, échanger, mais aussi enrichir et voter les lois de la République. Notre système parlementaire est en danger. Nous le regrettons et le Sénat s'honorerait de le rénover et de le changer.

Vous comprendrez que, dans ces conditions, une grande majorité du groupe UC-UDF s'abstienne sur ce projet de loi.

Je remercie les ministres, notamment Gérard Larcher, les différents rapporteurs, autour de Nicolas About et d'Alain Gournac, ainsi que les collègues qui ont participé à ces dix longues journées de débats pour leur disponibilité et leur immense patience.

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