Intervention de Robert Badinter

Réunion du 26 octobre 2005 à 15h00
Traitement de la récidive des infractions pénales — Article 6 bis, amendement 57

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

J'en reviens au code pénal et à l'amendement n° 57, qui vise en fait à rétablir une disposition qui est à mes yeux d'une grande importance.

Pourquoi le Parlement a-t-il souhaité imposer une « motivation spéciale » dès l'instant où une peine d'emprisonnement ferme est prononcée ? Je me souviens fort bien du souci qui l'animait pour avoir présidé pendant plusieurs années la commission qui avait pour mission de préparer le projet de nouveau code pénal. Il ne s'agissait pas simplement de répondre à l'exigence selon laquelle toute décision prononçant une peine doit être motivée, bien que cette exigence constitue un principe judiciaire constant ayant fait l'objet de décisions de la Cour européenne des droits de l'homme.

Pourquoi donc l'article 132-19 du code pénal dispose-t-il : « En matière correctionnelle, la juridiction ne peut prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine » ? C'est parce que les courtes peines d'emprisonnement ferme se déroulent dans les maisons d'arrêt, ce qui est le plus souvent à l'origine de la récidive.

En effet, dans ces maisons d'arrêt, une personne condamnée à une peine d'un an d'emprisonnement, pour une infraction qui n'est pas nécessairement grave, se trouvera immédiatement mêlée à la population des prévenus, à ceux qui sont en détention provisoire pour des crimes graves, voire aux « vieux chevaux sur le retour » de passage au Centre national d'observation à Fresnes. Or c'est là que se forge la récidive du lendemain pour les plus jeunes ou les délinquants primaires !

Au moment de la préparation du nouveau code pénal, nous avions donc tenu à ce que le juge, avant d'envoyer un prévenu en prison, motive sa décision, non seulement pour témoigner de sa réflexion, mais aussi pour expliquer au condamné les raisons de sa condamnation et de sa peine d'emprisonnement.

S'agissant des récidivistes, il n'y a donc pas lieu de supprimer une telle disposition, qui est extrêmement importante. Il faut même impérativement la conserver.

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